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L’enquête

POLICE NATIONALE : UN MÉDIATEUR INTERNE POUR EVITER LES CONTENTIEUX

L’enquête | publié le : 23.12.2014 | V. L.

La Police nationale s’est dotée d’un médiateur interne depuis près de deux ans. Objectif : favoriser la prévention et diminuer la dynamique conflictuelle. Un dispositif original dans une institution très hiérarchisée.

« Les contentieux sont préjudiciables à l’institution et à la performance du service public, mais c’est également désastreux pour la situation humaine des 143 000 policiers », observe Frédéric Lauze, inspecteur général des services actifs de la police nationale, nommé médiateur interne en novembre 2012 pour commencer à exercer ses fonctions le 1er janvier 2013, après s’être formé à l’École professionnelle de la médiation et de la négociation.

Le dispositif de médiation a fait l’objet d’une circulaire du 31 décembre 2012, signée du directeur général de la Police nationale. Le médiateur y est défini comme un tiers impartial et indépendant, dont les objectifs sont « de régler des litiges et d’éviter les contentieux ». Mais aussi de « prendre davantage en compte la dimension humaine dans la gestion des agents ». D’ores et déjà, 477 saisines ont été effectuées en 2013 et 410 à fin novembre 2014.

« Quand les agents sont en conflit avec leur administration, qu’ils contestent ses décisions, ils font aussi des arrêts maladie pour dépression. Et cela se traduit, à un moment donné, par des décisions ayant des incidences sur leur carrière, que ce soit par le biais d’une notation ou d’une mutation », observe Frédéric Lauze.

L’agent qui saisit le médiateur doit donc contester une décision individuelle relative à sa carrière : position statutaire, avancement, mutation, notation, discipline, rémunération, y compris en cas d’allégation de harcèlement moral. Exemples : mutation considérée comme sanction disciplinaire déguisée ; demande de révision de notation, etc.

Depuis sa création, le médiateur s’est vu accompagné de sept délégués zonaux, retraités. Le médiateur écrit à l’administration « en rapportant les faits transmis par le policier qui l’a saisi et l’interlocuteur doit répondre dans le mois », expose Frédéric Lauze.

UN MAGISTRAT POUR ADJOINT

Par la suite, il rédige un avis notifié à l’agent et à l’administration. Cet avis est très détaillé et s’appuie sur de multiples références juridiques. Un adjoint magistrat, Philippe Buchin, travaille d’ailleurs auprès du médiateur. « Au bout de deux ans, l’administration a respecté mon indépendance alors qu’elle est parfois heurtée », indique le médiateur. Une indépendance attestée par Benoît Barret, délégué général du syndicat Alliance : « Au départ, nous avions émis des réserves sur ce dispositif, car nous avions peur que ce soit de la poudre aux yeux. Nous avons été agréablement surpris sur deux points : le médiateur est vraiment indépendant et il s’est adjoint un magistrat, ce qui, pour nous, est un point crucial pour que le système trouve toute son utilité. »

Un bémol, « les avis du médiateur ne sont pas assez suivis d’effet, pour ce qui concerne les dossiers que nous voyons en commission administrative paritaire nationale », remarque Benoît Barret.

TAUX DE SUIVI

Dans son rapport annuel 2013, le médiateur note avoir reçu 64 réponses sur 134 avis favorables, et sur ces 64 cas, la moitié a été suivie par l’administration, le reste étant constitué de 25 refus et 7 réponses en attente. Le rapport mentionne aussi la nécessité d’un taux de suivi par l’administration « plus important », les refus de suivi devant demeurer l’exception et être motivés. Des regrets aussi du côté de Michel-Antoine Thiers, commandant de police et membre du bureau national du Syndicat national des officiers de police (Snop): les syndicats ne sont pas présents dans le circuit de la saisine et les effets sur la diminution du contentieux ne se font peut-être pas assez sentir. Mais il se réjouit du dispositif : « Cela fait des années que notre syndicat était demandeur d’une telle instance, car les conflits ont des répercussions sur le fonctionnement du service et la santé psychologique des agents. »

Un rattachement au plus haut niveau possible, celui du DGPN (directeur général de la Police nationale) serait également souhaité. Frédéric Lauze l’écrit également dans son rapport annuel 2013, « afin de ne pas l’assimiler à un bureau de gestion de la DRCPN (direction des ressources et des compétences de la Police nationale) ».

Auteur

  • V. L.