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L’interview : Arnaud Stimec Professeur à l’Institut d’économie et de management de Nantes

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 23.12.2014 | Virginie Leblanc

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L’interview : Arnaud Stimec Professeur à l’Institut d’économie et de management de Nantes

Crédit photo Virginie Leblanc

« Avant la médiation elle-même, il faut réaliser un diagnostic »

Quels points de vigilance devraient être observés afin de faciliter le traitement des risques psychosociaux par la médiation en entreprise ?

Il faut d’abord souligner qu’il existe dans le champ des risques psychosociaux deux écueils à utiliser la médiation : celui de placer les raisons du mal-être à un niveau très collectif – par exemple, les effets de la mondialisation et des prises de décision dans un siège à l’étranger sur lesquels les acteurs locaux de l’entreprise n’ont aucune prise – et à l’autre extrême, de tout vouloir individualiser. Entre les deux, il apparaît nécessaire de rechercher une analyse plus subtile des causes du mal-être par la mise en discussion des différentes perceptions des situations de blocage, ce que permet la médiation.

Lorsque l’on part d’un problème individuel, on va souvent se rendre compte qu’il peut cacher un problème collectif. Sans que ce soit un sujet à traiter par la négociation collective, l’aborder à un niveau seulement individuel pourrait être dangereux. Avant de dire qu’un conflit a pour source un problème individuel ou collectif, il faut réaliser un travail de diagnostic, sinon, la médiation ajoutera du stress aux parties concernées.

Comment ce diagnostic peut-il être organisé ?

En entreprise, le premier contact du médiateur est le DRH, avec les représentants du personnel ou le CHSCT. Dès lors, un travail de reformulation de la demande doit s’effectuer à ce stade. En général, on discerne une première cartographie des acteurs apparents du conflit qu’il faut rencontrer. Cette étape permet de vérifier qu’ils comprennent bien ce que peut apporter la médiation à leur différend, mais également de détecter les résistances à la démarche. Souvent, le prescripteur aura tendance à considérer qu’il n’a pas de responsabilité dans le conflit. Un exemple : un chef d’équipe sollicite une médiation au sujet d’un conflit entre deux collaborateurs. Mais les relations tendues entre les deux salariés peuvent s’expliquer par le flou managérial sur la définition et la répartition des tâches. Le manager doit alors accepter de mettre en discussion ces éléments.

Existe-t-il des conditions plus favorables à l’exercice d’une médiation interne ou externe ?

La médiation interne doit s’inscrire dans un système plus vaste de gestion des conflits, elle doit figurer parmi d’autres propositions de résolution des différends. Elle suppose un engagement clair des directions à l’égard de l’indépendance du médiateur et l’association des représentants du personnel et de la médecine du travail. Je préconise la coexistence des deux formules, interne et externe. Mais plus on va toucher au sujet de l’organisation du travail, plus l’externalité semble nécessaire, de même en cas d’allégations de harcèlement moral.

Les médiateurs affirment que sur 50 médiations, environ 45 aboutissent à un accord. Comment expliquer que la médiation ne soit pas davantage utilisée par les entreprises ?

Je travaille sur ce sujet depuis vingt ans et, régulièrement, on redécouvre son intérêt, mais il manque un effet de “preuve sociale”. La difficulté est d’objectiver que ces systèmes ont un impact qui contribue à la performance de l’entreprise et au bien-être. Ce n’est pas évident, car la médiation joue sur des coûts cachés, donc procure des gains cachés.

* Auteur de La Médiation en entreprise, Dunod, 2011. Une quatrième édition de l’ouvrage est en préparation, avec Sylvie Adijès, médiatrice.

Auteur

  • Virginie Leblanc