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Pôle emploi VEUT FAIRE ÉMERGER LES IDÉES

ZOOM | publié le : 16.12.2014 | Stéphanie Maurice, Xavier Gorce

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Pôle emploi VEUT FAIRE ÉMERGER LES IDÉES

Crédit photo Stéphanie Maurice, Xavier Gorce

On le croyait dépassé par les réseaux sociaux professionnels sur Internet, mais le service public de l’emploi a décidé de mettre les bouchées doubles et s’est doté d’outils pratiques, parmi lesquels une plate-forme collaborative, un forum de l’innovation et un “Lab”, installé à Paris dans une ancienne agence rénovée.

Des exemples de services innovants, Reynald Chapuis, directeur de l’innovation à Pôle emploi, n’en manque pas. Ainsi, une nouvelle manière de recruter est testée en Aquitaine et en Midi-Pyrénées : l’entreprise qui recrute définit un profil – savoir-faire, mais aussi savoir-être – selon le principe des soft skills, ces aptitudes qui ne sont pas sanctionnées par un diplôme, très utilisées dans le monde anglo-saxon. « Par exemple, pour un poste à l’accueil, avoir le sourire aux lèvres de façon naturelle, c’est important », note-t-il.

L’entreprise définit trois questions et, via une webcam, les candidats peuvent y répondre sur un réseau social propre à Pôle emploi. Exit le CV traditionnel, la présélection avant entretien est réalisée sous forme de vidéo. Reynald Chapuis tient à cet exemple, car il illustre la démarche de Pôle emploi : « L’innovation, c’est tout ce qui nous apporte de la valeur ajoutée. Le digital est juste un moyen de la transmettre à notre public. »

Cette initiative est issue de la plate-forme collaborative InnovAction, à laquelle peuvent participer tous les agents de Pôle emploi. « Il s’agit de déposer et de décrire des idées, afin de les mettre à disposition du collectif pendant 60 jours, détaille Reynald Chapuis. Nous retenons celles qui sont les plus “likées”, ainsi que nos coups de cœur. » Ensuite, tous les deux mois, se tient une réunion de l’innovation, où toutes les directions générales de Pôle emploi sont représentées. Les innovations choisies sont alors passées au crible : existent-elles déjà sous une forme ou sous une autre ? Sont-elles intéressantes ? Faut-il les approfondir ou pas ?

Depuis le 17 mars 2014, date de la mise en ligne de la plate-forme, 1 300 idées ont été déposées, suscitant 53 400 “likes” et commentaires, selon Reynald Chapuis ; 15 sont retenues à chacune des réunions de l’innovation et 5 sont testées dans le cadre d’un démonstrateur, c’est-à-dire une expérience grandeur nature, sur le périmètre d’une équipe ou d’une agence ; 23 démonstrateurs existent à l’heure actuelle.

À la fin de l’expérimentation, l’ensemble des résultats est remonté vers une instance dédiée, le comité de l’innovation présidé par le directeur général, afin de décider de la généralisation de la pratique innovante.

InnovAction recense de la même manière les bonnes pratiques, avec cependant une phase supplémentaire de validation par le manager de l’équipe où elles sont utilisées. « Il ne s’agit pas de déclarer quelque chose qui n’existe pas », justifie Reynald Chapuis. Ensuite, elles sont examinées dans le cadre d’une démarche territoriale : si elles sont labellisées au niveau régional, elles entrent dans un vivier national et peuvent être reprises à plus grande échelle. Le directeur de l’innovation s’enthousiasme : « Notre objectif est véritablement d’améliorer notre mission de service public. »

Forum de l’innovation

Repérer les idées fortes et les pratiques intéressantes est une chose, les diffuser en est une autre. C’est ce que Reynald Chapuis appelle « la deuxième brique » de son édifice : le forum de l’innovation, appelé à se tenir deux fois par an. Une première édition a déjà eu lieu en juin dernier. La visite est virtuelle, en 3D, avec des vidéos sur les démonstrateurs issus d’InnovAction, et aussi sur les offres de service disponibles sur le marché en matière de recherche d’emploi. Du benchmark à destination de tous. « 10 % des collaborateurs se sont connectés sur le site » pour s’informer des nouveautés en cours, se félicite Reynald Chapuis.

Pourtant, Jean-Charles Steyger, délégué syndical central FSU (majoritaire), n’a pas l’impression que le dispositif soit très connu parmi les agents de Pôle emploi. « À part un mail envoyé il y a deux mois dans les agences, je n’ai pas vu se tenir de réunions d’explication », remarque-t-il. Surtout, cette demande est en décalage, selon lui, avec le vécu des équipes, qui font surtout face au flux des inscriptions, « au nombre de 800 par jour ». Il regrette également qu’il n’y ait eu ni information ni consultation des représentants du personnel, et estime que les priorités sont ailleurs, dans une meilleure organisation du travail. Même si, reconnaît-il, c’est une bonne chose que « le service public de l’emploi innove fortement ». Reste à vérifier, dit-il, qu’il ne s’agit pas d’un simple « affichage ».

Création d’un lieu de réflexion

« Ce n’est pas qu’un coup de marketing, c’est un vrai changement de fond », juge de son côté Claude Monnier, DRH de Sony Music et ancien DRH de Monster, le site de recherche d’emploi. « J’ai travaillé dans une des entreprises qui ont bouleversé le monde du recrutement, qui vivait alors sur les lettres de motivation et les annonces du lundi matin dans Le Figaro. Dix ans plus tard, je suis autant challengé par Pôle emploi que par LinkedIn. » Il fait partie du club RH de Pôle emploi, créé en 2010, et a participé aux premiers travaux du “Lab”, un lieu de réflexion qui vient juste d’ouvrir, aménagé dans une ancienne agence parisienne.

Pour cette première session, il s’agissait d’imaginer des applis téléchargeables à partir d’un “Emploi Store” que veut créer Pôle emploi. L’expérience devait durer entre huit et dix semaines, jusqu’à début décembre, et mélanger chômeurs, agents de Pôle emploi, DRH, experts en tout genre, juristes ou développeurs, sélectionnés pour l’intérêt qu’ils portent aux pratiques innovantes. La proposition est de venir avec ses idées et son ressenti, non de représenter un groupement quelconque. Le Lab n’est pas l’endroit où évoquer les revendications des salariés et des usagers sur le service public de l’emploi.

Claude Monnier, lui, est venu trois heures, et a travaillé sur une appli qui permettrait à tout chef d’entreprise de savoir tout de suite, au vu de sa situation, de quelles aides de l’État il peut bénéficier sans plonger dans le maquis réglementaire. « Le mode opératoire du Lab est très efficace, avec une unité de temps, de lieu et d’action », note-t-il. Preuve, pour lui, qu’il serait temps de changer de regard sur le service public de l’emploi.

Auteur

  • Stéphanie Maurice, Xavier Gorce