Interdire le port du voile sur le lieu de travail est-il attentatoire aux libertés individuelles, en l’occurrence la liberté d’opinion et de religion ? L’affaire de la crèche Baby Loup a porté le débat dans la sphère publique. En 2008, à son retour de congé maternité, une éducatrice de jeunes enfants et directrice adjointe de la crèche Baby Loup à Chanteloup-les-Vignes, décide de porter le voile islamique contre l’avis de la direction et l’opposition du règlement intérieur. Elle fait l’objet d’une mise à pied puis d’un licenciement pour faute grave pour non-respect du règlement, insubordination, menaces et insultes vis-à-vis de la hiérarchie. L’intéressée saisit alors la Halde (remplacée depuis par le Défenseur des droits), qui estime le licenciement discriminatoire puisque la crèche est une structure de droit privé quand l’obligation légale de laïcité est réservée au service public. Aux prud’hommes puis en appel, les tribunaux entérinent le licenciement, mais celui-ci est invalidé par la Cour de cassation. Un second jugement valide le licenciement, confirmé lors d’un recours en cassation.

Au-delà de l’affaire de la crèche Baby Loup, ce cas pose la question de la laïcité et des limites de la liberté religieuse dans l’entreprise et met en exergue les tensions religieuses et sociales qui traversent la société, notamment à propos de la place des femmes dans l’islam. Les auteurs, professeurs en droit public, voient dans l’affaire un questionnement et une tentative de refondation de la notion de laïcité religieuse. Ils observent ici une tendance à moraliser et à contrôler la sphère privée sans que soit clairement abordée ni traitée la question de la séparation de l’église et de l’État en vigueur depuis 1905. Comme si la question était escamotée.