logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chronique

LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Chronique | publié le : 16.12.2014 | LIONEL PARAIRE, STÉPHANIE CARRIÈRE

Image

LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL

Crédit photo LIONEL PARAIRE, STÉPHANIE CARRIÈRE

Prévention du harcèlement moral : mission impossible ?À en croire la Cour de cassation, le fait d’« être à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou de dégénérer en harcèlement moral » ne constituerait pas nécessairement une faute grave.

À l’heure où les juges ne cessent de condamner les employeurs au titre de leur obligation de sécurité de résultat, la Cour de cassation vient de rendre deux décisions pouvant apparaître comme contradictoires en matière de prévention du harcèlement moral.

Dans un arrêt du mois d’octobre dernier, elle reprochait à une société d’avoir licencié pour faute grave une salariée, alors que « l’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n’implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou de dégénérer en harcèlement moral » (Cass. Soc., 22 octobre 2014, n° 13-18.862).

À en croire la Haute juridiction, le fait d’« être à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou de dégénérer en harcèlement moral » ne constituerait pas nécessairement une faute grave, traditionnellement définie comme rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise…

Dans cette affaire, il était pourtant établi que la salariée faisait preuve d’autoritarisme et d’une agressivité non justifiée à l’égard des salariés placés sous sa subordination, « à l’origine d’un climat détestable ayant notamment provoqué le placement d’une salariée en arrêt de travail pour cause d’ “anxiété réactionnelle liée au travail” et la dégradation des conditions de travail des autres membres de l’équipe ».

La cour d’appel avait aussi relevé des faits qui lui étaient soumis que la salariée « tenait des propos agressifs, déplaisants et injustifiés à l’égard d’une de ses subordonnées », ou encore que cette même salariée « dirigeait son équipe de façon très autoritaire et souvent inappropriée alors qu’un tel comportement n’était pas justifié », ce qui entraînait des « répercussions de ce comportement sur l’ensemble de l’équipe ».

Pour les juges du fond et la Cour de cassation, il ne s’agissait pas là d’agissements de harcèlement moral, mais d’une « gestion autoritaire et inappropriée », justifiant – tout de même – un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que le harcèlement moral est défini par le législateur comme « des agissements répétés […] qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (article L . 1152-1 du Code du travail). Les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique caractérisent un harcèlement moral si elles correspondent, pour un salarié donné, aux critères énoncés ci-avant.

En matière de santé et de sécurité, l’identification des risques constitue la base de l’obligation de prévention. Or les situations de harcèlement moral nécessitant la mise en œuvre de moyens de prévention sont particulièrement délicates à identifier.

Cette prévention est d’autant plus importante que la Cour de cassation ne cesse de rappeler que « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ».

À ce titre, le salarié peut prétendre à « des sommes distinctes correspondant au préjudice résultant d’une part de l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement et d’autre part des conséquences du harcèlement effectivement subi » (Cass. Soc., 19 novembre 2014, 13-17.729).

Mis en parallèle, ces deux arrêts révèlent que, en matière de prévention du harcèlement moral, l’employeur doit trouver un juste équilibre : il ne doit pas trop en faire, sous peine de devoir une réparation au salarié sanctionné pour des faits de harcèlement moral, ni trop peu en faire ou agir trop tardivement, puisqu’il s’exposerait alors à une condamnation au titre de l’absence de prévention de ces mêmes faits…

Auteur

  • LIONEL PARAIRE, STÉPHANIE CARRIÈRE