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Inquiétudes sur le financement DU PLAN DE FORMATION

ZOOM | publié le : 09.12.2014 | Laurent gérard, Xavier Gorce

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Inquiétudes sur le financement DU PLAN DE FORMATION

Crédit photo Laurent gérard, Xavier Gorce

La fin de l’obligation fiscale de financement du plan de formation n’a pas donné des ailes aux négociations de branches pour créer des financements conventionnels.

« Le financement du plan de formation et les relations avec l’Opca sur ce sujet sont clairement la première préoccupation des 50 grandes entreprises adhérentes du club “politiques de formation” d’Entreprise & Personnel, affirme Sophie Pages, consultante dans cette association. L’inquiétude est d’autant plus grande que ces entreprises sont importantes, qu’elles ont un contrat social fort et des équipes RH structurées et aguerries. Certains ont même un sentiment de vertige devant l’argument de la liberté de choix, et ressentent déjà une forme de nostalgie pour la “2 483” [du nom de l’obligation légale, ndlr], qui avait l’avantage de donner un cadre ! »

Absence de “conventionnel”

Cette inquiétude provient du fait qu’un financement conventionnel de branche n’a pas pris la suite de l’obligation légale fiscale. Ceux qui rêvaient d’un grand soir du financement négocié paritairement sur le plan de formation en sont pour leurs frais.

Paul Desaigues, conseiller confédéral CGT, n’a jamais cru à une vague de conventionnel. Il constate aujourd’hui que « le discours des employeurs, entre la fin 2013 et aujourd’hui, a totalement changé. À l’époque, ils déclaraient que le conventionnel allait prendre le relais. On allait voir ce qu’on allait voir ! Or il ne se passe rien ».

Peu d’accords signés

De fait, le bilan à ce jour est maigre. L’intérim et les intermittents du spectacle ont signé des accords conventionnels, mais parce que certaines de leurs populations salariées particulières bénéficient de financements inscrits dans le Code du travail. La réparation automobile a aussi avancé. Mais, du côté de l’UIMM, c’est non : « L’accord formation de la métallurgie en phase de signature ne prévoit pas de financement conventionnel sur le plan de formation », explique Damien Delevallée, juriste à l’UIMM. Et il est dans la stratégie des branches Medef d’éviter le conventionnel. « On ne va pas remettre par le conventionnel ce qu’on a retiré via la fin de l’obligation légale, résume un négociateur du Medef. Libérées du 0,9 %, les branches ne veulent pas d’une autre obligation. D’autant plus que la situation économique est très difficile. »

De son côté, la CGPME, opposée à la réforme, annonçait au printemps dernier son intention d’un “mini-ANI” avec les confédérations sur du conventionnel pour les entreprises de moins de 300 ou 500 salariés, mais rien n’est paru.

Restent les branches du hors-champ. Celle de l’économie sociale négocie, mais achoppe sur la notion d’action de formation. « La logique de négociations de branche a pourtant du sens, assure le juriste Jean-Marie Luttringer. Les deux ANI de 2013 sur la sécurisation des emplois et sur la réforme de la formation sont deux textes politiques non étendus, le pouvoir normatif revient donc aux négociations de branches. » Ainsi sont possiblement concernés le financement du paritarisme pour un nouveau dialogue social ; les modalités du compte personnel de formation (listes, nombre d’heures, abondement…); l’entretien professionnel, etc. Sur ce dernier sujet, Carine Seiler, jurisque et consultante à Sémaphores, estime en effet que, pour être efficace, l’entretien professionnel devrait être cadré par une négociation de branche sur sa définition, ses processus, ses modalités… « Sinon, rien ne sera comparable entre entreprises. »

Questions techniques non résolues

Au demeurant, hormis le manque d’envie politique, des questions techniques non résolues ralentissent le développement des financements conventionnels :

– Les rapports entre ressources fiscales restantes (0,1 % et 0,2 % de la masse salariale pour financer le plan de formation des PME), obligation conventionnelle de branche et versements volontaires libres d’entreprises restent flous. Le même régime fiscal et social s’appliquera-t-il à tous ces fonds ? Les réponses de la DGEFP tardent. Ce qui, au passage, ne clarifie pas le modèle économique des Opca, qui se retrouvent avec une triple tutelle : les pouvoirs publics, les branches, les entreprises.

– La notion de fonds conventionnels comme « concourant au développement de la formation » n’est pas définie. La DGEFP dit qu’elle ne se prononcera pas sur ce sujet. Mais d’autres estiment que l’absence de définition de ce périmètre de développement de la formation n’est pas neutre pour les négociations de branches : « Si rien n’est codé, ce sera une autodéfinition par chaque entreprise », déclare un représentant d’Opca.

– Enfin, une forme de concurrence naissante entre logique de branche et logique d’entreprise vient perturber le débat. Certains craignent que de trop intéressants services offerts et/ou vendus par les Opca aux entreprises ne les éloignent d’une logique de branche. Ainsi, le débat dans les Opca sur les différents niveaux de frais de gestion applicables aux financements légaux, conventionnels et libres est majeur : plus les frais de gestion sur les versements libres seront proches de ceux applicables aux versements conventionnels, moins les entreprises joueront le jeu de la logique de branche.

Le bilan est maigre, mais il reste un peu de temps aux branches pour définir ce que sera la collecte 2016 sur les masses salariales 2015.

Auteur

  • Laurent gérard, Xavier Gorce