logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

RETOUR SUR… L’actionnariat salarié à Sonepar

Sur le terrain | publié le : 09.12.2014 | Nicolas Lagrange

Dès 1995, le groupe français de distribution de matériel électrique a favorisé l’actionnariat de ses managers dans tous les pays. Prudemment, par touches successives… eu égard à son statut de société non cotée.

Non coté et discret, Sonepar est le leader mondial de la distribution de matériel électrique aux professionnels. Créée en 1969, l’entreprise regroupe 190 filiales, avec 2 300 agences dans 41 pays et emploie 36 000 salariés. Elle pèse aujourd’hui plus de 16 milliards d’euros. Détenu majoritairement par près de 200 actionnaires familiaux, le groupe compte aussi 1 700 salariés actionnaires, qui détiennent environ 2 % du capital.

L’actionnariat salarié s’est développé très progressivement. « En 1982, au moment où nous avons fait entrer quelques financiers dans le capital pour sécuriser notre premier investissement étranger, nous avons proposé à une dizaine de cadres dirigeants d’acquérir des actions, raconte la fille du fondateur, Marie-Christine Coisne-Roquette, qui tient les rênes du groupe. Au début des années 1990, nous avons élargi cet actionnariat à l’encadrement en France, soit près de 300 personnes. »

à destination des “executives”

En 1995, les statuts de Sonepar affirment comme fondamentaux pour la société « le fort affectio societatis liant ses actionnaires » et « la détermination à développer l’actionnariat d’entreprise par l’association des collaborateurs à son capital ». Pour accueillir l’investissement de ses salariés, le groupe crée une société civile plutôt qu’un FCPE, qui obligerait à publier des comptes et à conserver en cash un tiers des sommes investies. Puis il opte pour le statut de société anonyme (SA), celui de société civile n’étant pas reconnu par de nombreuses législations étrangères.

« C’est vraiment à partir de 2005 que nous avons développé plus fortement les outils d’actionnariat salarié. Toujours à destination des “executives”, mais cette fois dans la plupart des pays, avec des outils classiques de type stock-options jusqu’aux actions gratuites de performance », explique Marie-Christine Coisne-Roquette. Entre 2005 et aujourd’hui, Sonepar met en place pas moins de neuf plans d’actionnariat salarié. Lesquels varient dans leur format et ne s’adressent pas tous à l’ensemble des actionnaires, mais permettent parfois d’impliquer les nouveaux managers, après des opérations de croissance externe.

« Ces opérations sont très lourdes aux plans administratif et juridique, relève la présidente exécutive. D’autant que certaines législations nationales sont contraignantes. Depuis le scandale d’Enron, par exemple, les États-Unis ont renforcé les obligations d’informations financières dès que l’on atteint un certain nombre d’actionnaires. Nous concevons donc dans ce pays des opérations soit spécifiques (de type “actions fantômes”), soit d’ampleur limitée, pour rester dans une communication financière réservée à nos parties prenantes. Si l’actionnariat salarié est un acte banal dans les sociétés faisant appel aux marchés boursiers, poursuit-elle, il est particulièrement complexe dans celles qui ne sont pas cotées, et qui auraient donc besoin de plus de souplesse. » (Lire l’encadré).

Reflet des performances économiques

La défense de l’entreprise, déjà assurée par l’actionnariat familial, n’est pas un objectif assigné à l’actionnariat salarié. Il ne s’agit pas non plus de distribuer du pouvoir d’achat aux managers, sans démarche individuelle d’investissement de leur part. « Dès lors que nos salariés ont un certain niveau de responsabilités, nous leur proposons de les associer au capital, expose Marie-Christine Coisne-Roquette. Ils sont des relais de notre stratégie et ont alors accès à des informations précises sur le groupe via la SA qui accueille leurs titres. » Sonepar est valorisé une fois par an par un expert indépendant, et les salariés actionnaires reçoivent en janvier leur relevé de portefeuille. « La valeur des titres a progressé de manière constante et régulière, sauf en 2009. Elle reflète uniquement les performances économiques, prive les actionnaires d’aubaines haussières spéculatives, mais évite a contrario les fortes baisses », estime-t-elle.

Le nombre d’actionnaires salariés pourrait doubler d’ici à trois ou quatre ans, et le capital détenu passer de 2 % à 3 %, selon la présidente. Reste que les syndicats, en France, demandent davantage d’informations sur l’actionnariat salarié, absent des communications du groupe, et réclament une harmonisation par le haut des dispositifs d’épargne salariale, très inégaux entre les filiales dans l’Hexagone.

Promouvoir l’actionnariat salarié dans les sociétés non cotées

Entre 2008 et 2013, la part de l’épargne salariale placée en titres non cotés a reculé de près d’un tiers. Une baisse beaucoup plus importante que pour les titres cotés, selon les chiffres de l’Association française de la gestion financière (AFG). « L’actionnariat salarié connaît un développement trop limité dans les sociétés non cotées, notamment dans les PME, qui constituent pourtant la majorité des sociétés en France », constate le rapport publié en juillet dernier par l’association Fondact. Lequel met en avant des contraintes fiscales et réglementaires importantes.

Elle a formulé 13 propositions : notamment la baisse du forfait social de 20 % à 8 % lorsque les titres de l’entreprise sont hébergés dans un PEE sans donner lieu à un versement immédiat, « les PME non cotées étant les plus sensibles à l’impact de la fiscalisation ». Fondact milite pour un guide des bonnes pratiques en matière de valorisation des entreprises et pour une clarification des méthodes utilisables. Quant à l’implication des actionnaires salariés dans la gouvernance, l’association souhaite la limiter, pour « préserver un actionnariat fermé ».

Auteur

  • Nicolas Lagrange