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PRÉVENTION : MIEUX IDENTIFIER LES RISQUES de burn-out

Les clés | publié le : 02.12.2014 | Laurent Poillot

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PRÉVENTION : MIEUX IDENTIFIER LES RISQUES de burn-out

Crédit photo Laurent Poillot

Absent du tableau des maladies professionnelles, le risque de burn-out mobilise pourtant de plus en plus de spécialistes de la santé au travail. Selon eux, les organisations tertiarisées et les environnements professionnels centrés sur la relation à l’autre sont propices à ce risque.

Il veut bien témoigner, mais sous le sceau de l’anonymat. Manager d’une entreprise de conseil, il se souvient de ce jeu­ne cadre qu’il avait préféré “destaffer” plutôt que de le laisser en souffrance. Un salarié brillant, selon lui, dont la réactivité et le sens du détail lui valaient, régulièrement, les retours positifs de ses clients. « Il ne s’encombrait pas d’états d’âmes sur ses capacités professionnelles, raconte-t-il. Mais nous sommes entrés dans une longue période de réorganisations. Les projets s’accumulaient. Lui continuait de dire oui à tout. Puis il s’est mis à se plain­dre de sa surcharge, espérant tout haut que les vacances arrivent. Il n’appelait plus pour débriefer. Il se montrait de plus en plus irritable. Il a fini par faire des erreurs d’appréciation. Sur un projet, il s’est mis dans une situation compliquée qui l’a obligé, une fois de plus, à ramener du travail chez lui. Un matin, il s’est évanoui devant son client. »

arrêt de longue durée

Hypertension, troubles anxieux. Le jeune homme qui devait être arrêté six mois n’a pas repris son poste dans l’entreprise. À défaut de consensus sur une reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle, les spécialistes des risques psychosociaux s’accordent sur une description des signes à repérer.

« Le syndrome d’épuisement se traduit par un changement du comportement, explique Elise Delval, consultante en prévention des risques professionnels à Securex. Les tâches quotidiennes deviennent difficiles, voire insurmontables. Les prises de décision coûtent de plus en plus d’énergie, la qualité du travail se dégrade. À ces signes cognitifs s’ajoutent des manifestations émotionnelles et physiques. La personne se montre plus cynique dans sa relation aux autres. Elle se plaint de fatigue, de maux de tête, de troubles gastro-intestinaux. » Ces réactions sont communes au stress chronique, mais il s’agit bien plus qu’une réaction d’adaptation, prévient Christophe Nguyen, psychologue consultant chez Empreinte humaine : « C’est le résultat d’un processus qui amène la personne à s’écrouler psychiquement. Derrière le burn-out, c’est le surengagement dans le travail et le manque de reconnaissance qu’il faut détecter. La personne qui en est atteinte a placé des attentes démesurées dans son travail », affirme-t-il.

Le diagnostic du burn-out incombe au médecin du travail ou au consultant spécialisé missionné pour détecter les risques psychosociaux. S’il suspecte ce risque dans son équipe, le manager doit s’en tenir à son domaine de compétence. Élise Delval recommande d’agir sur six leviers : la régulation de la charge de travail, l’attribution de marges de manœuvre au salarié pour lui garantir un soutien social et un retour sur l’efficacité de son travail, la récompense (ou la reconnaissance) de son travail, la mise en cohérence des valeurs in­dividuelles et de l’entreprise et l’amélioration, s’il est partagé, du sentiment d’inéquité. « On sait que les traitements égalitaires sont facteurs de souffrance au travail », soutient la consultante.

Vis-à-vis de l’équipe, quelle attitude avoir ? « Il ne faut pas craindre de parler des risques psychosociaux, même si on ouvre la porte à des révélations ou à des revendications », considère Élise Delval. Il est bon, selon elle, d’afficher qu’on a pris conscience de la situation de souffrance du collègue en arrêt maladie, et qu’on va y remédier collectivement.

l’implication de tous les acteurs

L’INRS recommande de traiter le burn-out de la même façon que les autres risques santé dans l’entreprise. Le manager a donc intérêt à impliquer tous les acteurs de l’entreprise. Lui compris… « Quand plusieurs personnes d’une même équipe souffrent au travail, le manager est souvent lui-même en souffrance », remarque la consultante. Le rétablissement du lien social et la coopération des salariés sont la clé. Cela nécessite aussi, de la part de la direction, une communication factuelle sur ce qui intéresse les salariés, à tous les niveaux de la hiérarchie. Aussi bien sur les sujets de rémunération que de la qualité de vie au travail.

LES CONSEILS DU COACH

CHRISTOPHE NGUYEN

Psychologue, consultant à Empreinte humaine

– 1 –

Savoir être directif

Rencontrez le salarié dès qu’il manifeste, par un changement de comportement et des raisonnements curieux dont vous n’aviez pas l’habitude, des signes d’usure liés par exemple à un sur-engagement. Évoquez avec lui sa charge de travail et son ressenti. Il est parfois difficile de faire prendre conscience aux personnes trop engagées de la nécessité de se reposer, elles peuvent vivre cette demande managériale comme un signe d’échec. Il faut parfois même être directif si vous estimez qu’il doit prendre du repos, sans oublier que seul le médecin du travail est compétent pour vous aider dans des situations de burn-out.

– 2 –

Prévoir un plan d’action concerté

Dans cet échange, faites preuve d’empathie et de bienveillance. Vous pouvez rechercher les faits avec le salarié pour objectiver sa situation, mais évitez à tout prix les “y a qu’à, faut qu’on”. Après avoir bien dialogué, convenez ensemble d’un plan d’action pour caper ses tâches et les exigences personnelles démesurées qu’il peut se fixer. Mettez en place les conditions du soutien de l’équipe et de la répartition équitable du travail : une recherche de solutions à l’échelle de l’équipe de travail peut être un levier d’action.

– 3 –

Analyser le fonctionnement collectif

À travers ce cas individuel, questionnez-vous sur les dysfonctionnements dans l’organisation du travail. Demandez-vous si d’autres salariés sont exposés aux mêmes contraintes et aux mêmes risques ; ce sera l’occasion de développer la qualité de vie au travail et de responsabiliser l’équipe sur ce thème. Tournez-vous également vers votre hiérarchie pour avoir avec elle une discussion sur les mesures à prendre, par exemple faire intervenir un psychologue en renfort.

Auteur

  • Laurent Poillot