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Le CV audiovisuel AU BANC d’ESSAI

ZOOM | publié le : 25.11.2014 | Manuel Sanson, Xavier Gorce

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Le CV audiovisuel AU BANC d’ESSAI

Crédit photo Manuel Sanson, Xavier Gorce

La Fondation agir contre l’exclusion (Face) aide des demandeurs d’emploi à réaliser leur CV vidéo et les publie sur un site Internet. Son objectif : lutter contre les discriminations en se passant de l’étape du CV sur papier.Mais les entreprises associées au projet ont publié peu d’offres d’emploi en ligne, et le modèle économique du CV vidéo reste à trouver.

Longtemps, le CV vidéo a été le serpent de mer du recrutement. On en parlait bien plus qu’on n’en voyait. « Il y avait des expériences éparses, mais rien de bien important, explique Vincent Baholet, délégué général de la Fondation agir contre l’exclusion (Face). Nous avons donc voulu monter un projet national afin d’atteindre la taille critique nécessaire pour attirer les employeurs. C’est en les associant au projet, en évaluant avec eux les résultats sur un grand nombre d’offres et de candidats que nous pourrons en tirer des enseignements. »

Première plate-forme nationale

La fondation dédiée à la lutte contre l’exclusion espère donc changer la donne en lançant Facealemploi.tv, la première plate-forme nationale de CV vidéo pour l’emploi et l’égalité des chances. À cette fin, Face a signé un accord avec Pôle emploi, le 10 juillet dernier, afin de proposer cet outil sur tout le territoire aux jeunes chômeurs, en particulier dans les 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Plusieurs dizaines d’agences Pôle emploi, de missions locales, de structures d’insertion ou de centres de formations accompagnent ces candidats lors de la réalisation du CV vidéo, diffusé ensuite sur la plate-forme Facealemploi.tv.

Grâce à cet accord, des demandeurs d’emploi dans toute la France ont la possibilité de se faire accompagner gratuitement dans la réalisation et la diffusion d’un CV vidéo de 45 secondes. Ils pourront ainsi mieux valoriser leur savoir-être et affirmer leur motivation en vue de décrocher un entretien. Déjà, en 2013, 1 500 jeunes issus des quartiers prioritaires de sept villes pilotes avaient bénéficié de cet outil avec des résultats encourageants. À Rennes, 79 % des publics accompagnés par ce biais en 2013 avaient bénéficié, après six mois, d’une sortie positive vers l’emploi ou la formation (CDI, CDD, alternance, emploi d’avenir, stage…). « Pour ce type de public, on tourne en moyenne autour de 33 % » [de sorties positives, NDLR], remarque Vincent Baholet.

Pour assurer le démarrage de ce projet, qui dispose d’un budget de 2 millions d’euros, Face a mobilisé pour moitié des fonds publics français et européens et pour l’autre des financements d’entreprises qui commencent à utiliser la plate-forme Facealemploitv. Plus de 150 employeurs au total – dont Orange, Carrefour et, plus récemment, Réunica – y diffusent désormais leurs offres d’emploi (1 000 offres ont transité par la plate-forme en 2014). Ces employeurs y consultent plus de 2 000 CV vidéos, dont 80 % provenant de jeunes sans qualification ou avec un bas niveau de qualification, complétés récemment par d’autres publics éloignés de l’emploi (handicapés, précaires, chômeurs de longue durée, anciens détenus, titulaires du RSA). Il reste encore à enclencher un cercle vertueux pour que le site décolle, car seulement 200 postes à pourvoir sont proposés en permanence. À l’horizon 2020, Face espère cependant y proposer 100 000 CV vidéo.

L’accompagnement des candidats et le tournage reviennent à 250 euros, un coût pris en charge par les agences Pôle emploi et les missions locales qui le proposent. Mais, dès 2015, Face compte changer le modèle économique en créant une entreprise dédiée qui s’autofinancera en mettant à contribution les recruteurs. Ceux qui ont trouvé un candidat grâce à la plate-forme et qui le gardent à l’issue de la période d’essai verseront 250 euros pour couvrir les frais de réalisation.

Gain de confiance

Du côté des candidats, les retours sont positifs, selon Face. Les jeunes des quartiers apprécient le CV vidéo, qui les oblige à dire l’essentiel en peu de temps, à présenter leurs compétences de manière claire et concise. Qu’ils soient recrutés ou non par ce biais, ils y gagnent en confiance et en estime de soi et deviennent plus percutants en entretien.

Du côté des recruteurs, il est encore trop tôt pour dresser un bilan de leur utilisation du CV vidéo, et rares sont les entreprises inscrites sur la plate-forme qui acceptent de s’exprimer sur leur expérience. Cette démarche s’inscrit dans des politiques de responsabilité sociale qui les engagent à lutter contre les discriminations. À cet égard, le CV vidéo permet d’appréhender les candidatures sous un nouvel angle, où les habiletés et le potentiel prennent le pas sur les diplômes et l’expérience. « La vidéo reflète le savoir-être des candidats, qui est capital dans les métiers du commerce, estime Thierry Roger, directeur de l’espace emploi Carrefour. Très rapidement, une envie de travailler avec la personne peut émerger. »

Reste que le CV vidéo doit surmonter plusieurs handicaps. « C’est un format trop chronophage pour les recruteurs, qui passent rarement plus de 30 secondes à regarder un CV classique, estime Fabrice Mazoir, chef de projet éditorial à RegionsJob. Les retombées sont surtout médiatiques. » Une critique que réfute Face, qui affirme que le temps passé en amont à regarder les vidéos améliore la sélection des candidats finalement convoqués à un entretien : avant même de les avoir rencontrés, le recruteur peut identifier et sélectionner ceux qui font preuve à l’oral d’enthousiasme et de motivation, d’où un gain de temps.

Autre critique, le CV vidéo irait à l’encontre de la philosophie du CV anonyme que le gouvernement hésite aujourd’hui à rendre obligatoire. Mais, à y regarder de plus près, les deux dispositifs ne sont pas contradictoires. Dans les deux cas, il s’agit d’inciter un recruteur à dépasser ses préjugés en l’amenant à rencontrer en vidéo ou en vis-à-vis un candidat qu’il n’aurait spontanément pas présélectionné sur le papier. Mieux vaudrait finalement laisser aux employeurs le choix des moyens de lutte contre les discriminations (CV vidéo ou anonyme, charte RSE, etc.) en fonction de leur culture et de leurs besoins, estime-t-on à Face.

Auteur

  • Manuel Sanson, Xavier Gorce