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Sur le terrain

Retour sur… Le reclassement des “Gad” de Lampaul

Sur le terrain | publié le : 25.11.2014 | Rozenn Le Saint

Un an après le lancement du contrat de sécurisation professionnelle, seuls deux ex-Gad sur dix ont retrouvé un emploi en CDI ou en CDD de plus de six mois, trois sur dix se sont engagés dans une formation ou un contrat court.

Le 16 octobre dernier, le tribunal de commerce a validé la reprise de l’abattoir de porcs Gad à Josselin (Morbihan) par le groupe Intermarché. Si la fermeture est évitée et 530 emplois sauvegardés, 225 salariés se retrouvent eux aussi sans travail et rejoignent les troupes des 889 ex-Gad de Lampaul-Guimiliau (Finistère), mais aussi de Saint-Martin-des-Champs et de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Ceux-là mêmes qui avaient été licenciés après la fermeture de l’usine lampaulaise, prononcée par le tribunal de commerce le 11 octobre 2013.

Un an plus tard, que sont devenus les salariés touchés par cette première vague de suppression d’emplois ? Parmi les 756 salariés engagés dans un contrat de sécurisation professionnelle, soit 85 % des licenciés, une minorité seulement a décroché un emploi stable (lire l’encadré) malgré un accompagnement renforcé. Une vingtaine de personnes ont en effet été mobilisées au sein de la cellule de reclassement animée par le cabinet Altedia, la sous-préfecture de Morlaix et la Direccte.

Ateliers de recherche d’emploi, contacts avec les organismes de formation, journées de rencontres avec des entreprises… Les actions se sont multipliées pour reclasser cette main-d’œuvre essentiellement peu qualifiée et peu mobile. Des offres d’emploi d’entreprises de la région ont été envoyées de manière spontanée, de la part d’Armor-Lux notamment. Mais le bastion du “made in France” se trouve à Quimper, à une heure de route de Lampaul… Or « les salariés vivent dans des territoires ruraux où les possibilités de transport sont moindres », prend en compte Jacqueline Héas, chef de projet Altedia sur la mission Finistère Gad.

Parmi les autres freins au reclassement, maladroitement évoqués et surestimés par Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, le supposé « illettrisme » des Gad : « Les personnes sans diplôme sont déjà les plus difficiles à reclasser, ces propos peuvent nourrir des a priori négatifs auprès des recruteurs potentiels », déplore Olivier Le Bras, ex-délégué FO à Gad, par ailleurs satisfait dans l’ensemble des efforts de reclassement, « même si c’est lent ».

En réalité, 41 personnes ont suivi des cours de remise à niveau en mathématiques et en français, dont 20 salariés d’origine étrangère, pour qui il s’agissait simplement de transposer les connaissances acquises dans une autre langue. « Les femmes prétendument illettrées visées se sont senties stigmatisées alors qu’elles ont été les premières à se mobiliser. Une vingtaine d’entre elles ont passé le diplôme d’auxiliaire de vie scolaire, par exemple », constate Claudie Mignard, secrétaire départementale de la CFDT Finistère.

Formations qualifiantes

De fait, « si le travail préparatoire a consisté à identifier les passerelles métiers dans l’agroalimentaire ou la métallurgie, la question de la reconversion s’est posée rapidement, compte tenu du bassin d’emploi local », témoigne Sébastien Tillon, responsable du projet Gad au cabinet Altedia. Des formations dispensées par l’Aspi et l’Afpa, d’une durée de cinq à neuf mois, pour obtenir des certificats de qualification paritaire ou autres titres professionnels, ont été proposées pour les métiers de la métallurgie, de technicien en froid et climatisation, usinier froid ou soudeur. Début octobre, 166 ex-Gad étaient en formation qualifiante. « Aucun dossier de formation n’a été rejeté à cause d’un problème de financement », assure Jacqueline Héas.

Solidarité territoriale

En outre, une poignée de bouchers, sans diplôme, qui exerçaient cette fonction dans l’abattoir, sont en train de passer un CAP pour faire reconnaître leurs compétences. Une fois le titre en poche, ils pourront viser des postes dans la grande distribution. Idem pour quelques salariés de la logistique ou de la maintenance. « Cela a été brutal pour le bassin d’emploi, mais les événements collectifs, le travail avec les mairies et les partenaires sociaux ont facilité nos actions. L’aspect solidarité territoriale est un vrai avantage, ainsi que la réputation des Gad d’être des gens très travailleurs », ajoute Sébastien Tillon.

Claudie Mignard se félicite de la qualité du volet social de l’accompagnement des ex-Gad, qui a manqué, souligne-t-elle, aux salariés licenciés de Doux. Néanmoins, elle s’inquiète pour une vingtaine de personnes « qui auraient dû être déclarées travailleurs handicapés, avec des restrictions, des troubles musculo-squelettiques chroniques, et qui parvenaient à travailler grâce à des aménagements de postes non formalisés ».

40 % de salariés sans perspectives

Et surtout, il y a urgence : 40 % des salariés accompagnés restent sans aucune perspective. Le 27 novembre prochain sonnera pour eux la fin de l’indemnisation du CSP : ils ne percevront plus 97 % de leur salaire net, mais les allocations classiques de Pôle emploi. La cellule de reclassement, elle, doit fermer ses portes fin février 2015.

CHIFFRES CLÉS

Sur les 756 salariés ayant adhéré au CSP :

– 96 ont un CDI ; 65 un CCD de plus de six mois ;

– 166 sont en formation qualifiante ;

– 80 ont décroché un CDD inférieur à six mois ;

– 9 sont en VAE, en projet de reprise ou de création d’entreprise ;

– 35 sont en transition de fin de carrière.

L’enveloppe consacrée à la formation, financée par l’Opca de branche, la région Bretagne, Pôle emploi et le groupe coopératif Cecab (anciennement propriétaire de Gad), s’élève à 2,4 millions d’euros, soit 3 174 euros en moyenne par salarié.

Auteur

  • Rozenn Le Saint