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L’enquête

Ministère des Affaires étrangères UNE ORGANISATION COMMUNAUTAIRE pour diplomates

L’enquête | publié le : 25.11.2014 | H. T.

La DSI du ministère a conçu une plate-forme numérique qui permet la totale dématérialisation et l’archivage des correspondances diplomatiques. Et également le travail collaboratif au sein de communautés d’intérêt transverses.

« Nos métiers ont beaucoup évolué depuis quarante ans, soutient Nicolas Chapuis, ancien diplomate, désormais DSI du ministère des Affaires étrangères (MAE). Aujourd’hui, le diplomate touche à tout, et son travail s’est “interministérialisé”. Il a besoin d’aller chercher de l’expertise ailleurs. » Un exercice difficile dans une administration où « chaque agent est réduit à sa dimension fonctionnelle, et l’expertise noyée dans des organigrammes métiers. »

À l’heure des contraintes budgétaires et des réductions d’effectifs, la question de la valorisation du capital intellectuel s’est posée avec d’autant plus d’acuité que, le courriel s’ajoutant au très formel télégramme diplomatique (nécessitant un terminal de réception sécurisé), les flux d’informations devenaient incontrôlables. « Nous sommes le troisième réseau diplomatique mondial ; il s’échange 1 000 télégrammes par jour et 15 millions d’e-mails par mois », illustre Nicolas Chapuis. Une masse de données peu exploitables faute d’outil ad hoc.

« Il nous fallait donner aux agents un moyen d’interroger de manière efficace une base unifiée des différents flux, dans le cadre d’un espace numérique décloisonné et sécurisé, soutient-il. En clair, mettre sur pied un cloud d’État, organisé non pas de manière hiérarchique, mais communautaire. » Le projet a donné naissance, à l’été 2014, à Diplomatie : le portail interministériel de la correspondance diplomatique. Une plate-forme qui permet, par exemple, de fédérer au sein d’une communauté digitale toutes les parties prenantes de la gestion de la crise Ebola (ministère de la Santé, transports, ONG…).

Cette petite révolution, Nicolas Chapuis l’a lancée avec son équipe en “mode start-up”. Le cahier des charges, qui sous-tendait une stratégie de rupture, était clair : la solution devait permettre la connexion de tous les acteurs de la relation internationale, un accès sécurisé et en mobilité (sur tablette). L’ensemble reposant sur deux piliers : l’interministérialité et l’innovation. « Tout ce qui n’entrait pas dans le cadre était rejeté », soutient le DSI qui, après un benchmark, a sélectionné divers outils* en privilégiant la licence libre. « Parler de réseau social dans une administration suscite de nombreuses interrogations, reconnaît-il volontiers. Mais nous avons su démontrer que l’outil permettait la collaboration sans bouleverser les hiérarchies traditionnelles. Le projet a été mené de manière itérative en tenant compte des retours d’utilisateurs volontaires. Il a fallu deux ans et huit mois pour développer la solution, qui a connu 19 versions successives. »

Le premier bouleversement pour les agents a été de basculer du mode push (je reçois de l’information) au mode pull (je vais chercher ce qui m’intéresse). Le second est d’avoir « osé mettre l’État dans des communautés », sourit Nicolas Chapuis. La plate-forme, où chaque inscrit dispose de son profil et de son espace personnalisé, comprend des groupes fonctionnels constitués à l’échelon des directions, cabinets et ambassades, généralement dirigés par les “numéros 2”, qui valident les inscriptions. Ainsi que des communautés de travail, souvent interministérielles, qui se créent hors hiérarchie, « à la condition qu’elles soient adossées à un projet transverse et qu’une personne légitime et reconnue comme telle puisse la gérer », précise le DSI.

Des communautés d’intérêt

Dématérialisée, la correspondance diplomatique (télégramme, note, courriel formel) est produite et adressée entre groupes fonctionnels (le courriel étant aussi le moyen de communication direct entre agents), mais peut être partagée dans les communautés d’intérêt. Les signatures sont électroniques et les flux sont automatiquement archivés, le moteur de recherche étant toujours à portée de clic. Le périmètre de partage de l’information s’effectue par le biais d’ “étiquettes” ou tags, qui sont les thèmes d’intérêt déclarés de chaque groupe ou communauté. Enfin, l’accès aux correspondances, qui tombent sur les “téléscripteurs” de la page d’accueil de l’espace de travail, repose sur deux niveaux d’habilitation : non protégé et diffusion restreinte, que l’on retrouve aussi au niveau des terminaux mobiles.

En août, le portail affichait 13 600 comptes ouverts et, trois mois après, il comptait près de 400 groupes fonctionnels et 250 communautés d’intérêt. « Nous en ouvrons une dizaine par semaine », ajoute le directeur, qui se réjouit de cette adoption massive. Soutenue, il est vrai, par un vaste plan d’accompagnement du changement : formation des utilisateurs et des directeurs de communautés assurée par la DSI, information des organisations syndicales, plaquettes d’information, hot-line… Un bilan a même été réalisé au bout de trois mois « pour remobiliser tout le monde », raconte Nicolas Chapuis.

Le DSI compte maintenant ouvrir le portail au-delà de la sphère publique : « L’idée, c’est de partager une partie de l’information diplomatique avec des personnalités qualifiées : ONG, think tanks, presse, entreprise, dans l’esprit de l’open data. »

Repères

Activité administration publique.

Effectif 15 000 collaborateurs.

Budget 2013

6 milliards d’euros.

Site Diplomatie

Lancé en juillet 2014, il a pour cible tous les collaborateurs du MAE et les différents acteurs de l’action diplomatique. Son budget est de 4 millions d’euros.

* Alfresco (gestion de contenu), Liferay (portail), Solr (moteur de recherche) et Dictao (authentification).

Auteur

  • H. T.