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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Chronique | publié le : 25.11.2014 | DENIS MONNEUSE

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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Crédit photo DENIS MONNEUSE

Différenciez-les qu’ils disaient ! Vous aurez du beau monde !

La guerre des talents a-t-elle lieu ? Oui, si l’on en croit les grandes entreprises, puisqu’au moins la moitié d’entre elles déclarent avoir mis en place des programmes spécifiques à destination des “hauts potentiels”. Il s’agit d’identifier les salariés les plus talentueux, de les chouchouter afin de leur ôter l’envie d’aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte et d’accompagner leur développement vers des postes à forte responsabilité.

On connaît le fonctionnement de ce type de pratique : pour obtenir la crème de la crème, il faut partir d’un vivier large, ensuite régulièrement passé au tamis de la performance. Une partie des hauts potentiels sont ainsi éjectés en cours de route avec le sentiment d’avoir été pressés comme des citrons. Tous ne s’en remettent pas.

Plus grave, en mettant en avant ses meilleurs éléments, l’entreprise ne se coupe-t-elle pas de tous les autres ? Envie, jalousie, sentiment d’injustice ou encore manque de reconnaissance peuvent en effet affecter les 80 % restants qui se sentent mis sur le côté.

Des chercheurs ont montré que le sentiment d’une politique RH à deux vitesses a des répercussions négatives sur ceux qui se sentent délaissés : leur implication au travail et leur attachement affectif à l’entreprise diminuent(1). Par conséquent, différencier les salariés est une arme à double tranchant. Si ceux qui s’estiment laissés pour compte baissent les bras, cela peut limiter, neutraliser, voire dépasser les gains provenant de ceux qui se sentent valorisés.

Pour éviter ces effets pervers, les entreprises doivent-elles cacher leurs programmes pour les hauts potentiels ? Ou bien tout simplement les supprimer ? Non, répondent deux chercheurs de l’université de York, au Canada. Amina Malik et Parbudyal Singh soulignent en effet que des fuites existeront de toute façon dans 90 % des cas et que ces programmes ont du bon(2).

Pour eux, ce sont moins les pratiques RH en tant que telles qui comptent que la perception que les salariés en ont. Autrement dit, la communication faite autour de la sélection des hauts potentiels est déterminante pour ne démotiver personne. Pour cela, un minimum de confiance au préalable des salariés envers la direction est nécessaire. Afin de déminer le terrain, celle-ci doit se prémunir du sentiment d’injustice en élaborant un référentiel de compétences précis pour devenir haut potentiel et en indiquant les axes qui sont à travailler chez ceux qui sont déçus de ne pas figurer parmi les heureux élus.

Si ces conditions sont réunies, alors les programmes en faveur des hauts potentiels nourriront davantage un sentiment d’émulation qu’un sentiment d’abandon : ceux qui ne sont pas étiquetés hauts potentiels (mais qui rêvent de le devenir) seront surmotivés et prêts à travailler dur pour être un jour, eux aussi, membres du saint des saints.

Conclusion : avant de se lancer dans une politique de différenciation, les DRH doivent y réfléchir à deux fois et avoir ce paradoxe en tête : le succès d’un programme pour les hauts potentiels dépend grandement… de la perception des non-sélectionnés ! ?

(1) E. Marescaux, S. De Winne, L. Sels, “HR practices and affective organizational commitment : (when) does HR differentiation pay off ?”, Human Resource Management Journal, 2013, vol.23, n° 4.

(2) À. Malik, P. Singh, “High potential’programs : Let’s hear it for ’B’players”, Human Resource Management Reveiw, 2014, vol. 24, n° 4.

Auteur

  • DENIS MONNEUSE