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Sur le terrain

RETOUR SUR… L’évaluation des RPS à l’Inra

Sur le terrain | PRATIQUES | publié le : 18.11.2014 | Catherine Sanson-Stern

Engagé depuis 2009 dans la prévention des risques psychosociaux, l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) a expérimenté une démarche d’évaluation des RPS dans 14 unités et souhaite la généraliser à partir de 2015.

L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) s’est longtemps cru à l’abri des risques psychosociaux (RPS). « Une crise aiguë dans une unité de recherche en 2006-2008 a percuté tout le monde et nous a laissés désemparés, syndicats comme direction, raconte Isabelle Champion, chercheuse et élue CFDT au CHSCT central. C’est sans doute pourquoi l’Inra a pris la question des RPS à bras-le-corps. » Alors que, selon la syndicaliste, la direction ne voulait pas évoquer les questions de harcèlement, de pathologies liées au stress et aux conditions de travail en comité d’hygiène et de sécurité avant 2008, elle accepte la mise en place d’un groupe de réflexion en 2009. « On partait de très loin, mais on a fait des pas de géants, juge-t-elle. Quand une direction accepte d’aborder les RPS en appelant un chat un chat, la moitié du problème est résolu. Parler ensemble nous a permis de produire des résultats, d’innover et même de précéder les directives nationales. »

Le groupe de pilotage RPS, issu du CCHSCT et animé par le DRH adjoint, réunit une dizaine de personnes : médecine de prévention, assistance sociale, acteurs RH et de prévention, présidents de centre et représentants du personnel. Deux organisations syndicales sur quatre (CFDT et CFTC) acceptent de s’y impliquer, la CGT et SUD le refusant.

Sensibilisation des agents

La première étape choisie est celle de la sensibilisation, qui démarre en 2010 auprès de tous les agents, en utilisant parfois le théâtre pour dédramatiser un thème encore tabou, en parallèle d’une formation des cadres (directeurs de laboratoire, acteurs RH et de prévention). En 2013, un document de 16 pages sur les RPS est diffusé à 16 000 exemplaires auprès des 8 000 titulaires (dont plus de 40 % de chercheurs et ingénieurs) et aussi auprès des 3 000 CDD et 5 000 personnels non Inra des laboratoires (un tiers des 300 unités est mixte avec le CNRS ou l’université).

Le groupe de pilotage cherche la meilleure formule et l’échelle pertinente pour faire de la prévention primaire. « On voulait éviter un système avec des prestataires externes qui outillent une batterie d’indicateurs par sondage, rendent un diagnostic avec des chiffres dont on ne sait pas quoi faire, explique Olivier Philipe, le DRH adjoint. On s’est dit que là où se posent les vraies questions, c’est au sein des unités de recherche, dans les laboratoires. »

Quatorze unités sont choisies en 2014 (une par centre Inra de métropole) pour tester un prototype d’évaluation des RPS s’inspirant du questionnaire de Karasek, référence en la matière. « Nous voulions un panel représentatif entre unités de recherche, unités mixtes de recherche, unités de service – services d’appui à la recherche – et unités expérimentales – exploitations agricoles », détaille Olivier Dereu, responsable de la mission centrale prévention. Chaque chef de centre est sollicité pour choisir une ou deux unités, en évitant celles ayant connu récemment des difficultés RH ou des restructurations.

Michel Bariteau, président du groupe de pilotage RPS et du centre Paca (1 000 salariés sur 20 unités reparties entre Avignon, Marseille et Sofia-Antipolis), choisit l’unité SQPOV (sécurité et qualité des produits d’origine végétale), unité mixte de recherche avec l’université d’Avignon, regroupant 70 personnes en trois équipes. Après une réunion de présentation, une demi-journée est nécessaire pour l’évaluation, menée par un groupe rassemblant le président et un acteur RH ou prévention du centre ou un médecin du travail, le directeur d’unité et son adjoint et trois représentants du personnel. « Nous avons expliqué qu’on allait parler des conditions de travail pouvant induire des RPS et non de situations dégradées particulières », témoigne Michel Bariteau. Cela a permis de discuter concrètement de l’organisation du travail, de l’autonomie, des surcharges périodiques… « Il n’y a pas de logique de contrôle, rassure Olivier Philipe, c’est un temps pour parler du fonctionnement de l’unité, afin qu’il en ressorte un plan d’actions concret. »

Le bilan de l’expérimentation, présenté en CCHSCT le 18 juin dernier, balaye 9 thématiques, de la charge de travail à l’équilibre des temps, en passant par la reconnaissance et le soutien entre collègues. Certains sujets pouvant être traités au niveau national ont émergé, comme la nécessité de mieux anticiper les fins de CDD ou les modifications structurelles (fusions d’unités). « À l’avenir, nous souhaitons mener une démarche intégrée sur les projets structurants, incluant la qualité, le bâtiment, les risques chimiques et les RPS », souligne Olivier Dereu.

Évaluation d’unités

Le plan d’action RPS 2014-2017 prévoit la montée en charge des évaluations d’unités. « Deux unités par président de centre en 2015 nous paraît un plan de charge raisonnable », avance le DRH adjoint. L’évaluation des RPS pourrait ensuite être incluse dans l’évaluation scientifique de l’unité réalisée tous les cinq ans par l’Aeres (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur).

D’ici à la fin de l’année, chaque CHSCT de centre est invité à donner son avis sur le déploiement de la démarche. La mission centrale prévention pourra apporter son appui à ceux ne disposant pas de compétence en RPS. « Pour la suite, il faudra recruter des préventeurs ou psychologues du travail, car si on est meilleurs sur la dynamique collective, on sera meilleurs sur notre cœur de métier », conclut Isabelle Champion. L’idée n’est toutefois pas évidente à faire passer en période de restriction budgétaire…

Auteur

  • Catherine Sanson-Stern