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L’enquête

L’INTERVIEW : PHILIPPE KALTENBACH SÉNATEUR, MEMBRE DE LA COMMISSION DES LOIS, CORAPPORTEUR* DU RAPPORT SUR LA PRÉCARITÉ DANS LA FONCTION PUBLIQUE.

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 18.11.2014 | É. S.

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L’INTERVIEW : PHILIPPE KALTENBACH SÉNATEUR, MEMBRE DE LA COMMISSION DES LOIS, CORAPPORTEUR* DU RAPPORT SUR LA PRÉCARITÉ DANS LA FONCTION PUBLIQUE.

Crédit photo É. S.

« Le stock d’emplois précaires se reconstitue inéluctablement »

À mi-parcours de sa phase d’application, quel bilan tirez-vous de la loi Sauvadet ?

Globalement, notre rapport montre que les employeurs jouent le jeu. Certes, nous n’avons que des données partielles, et il peut y avoir, ici ou là, des contournements. Mais les administrations ont conscience qu’il vaut mieux fidéliser les agents que maintenir des statuts précaires. Elles ont besoin de gens présents dans la durée, fiables, investis.

Il y a un potentiel de 40 000 titularisations dans chacune des trois fonctions publiques. Avec les CDI, l’objectif de 150 000 déprécarisations, fixé au moment du vote de la loi, sera sans doute tenu. Toutefois, il est à comparer avec le nombre total de contractuels, soit 900 000 personnes. Et surtout, le stock se reconstitue inéluctablement. Il est probable qu’il y aura toujours 900 000 contractuels après la loi Sauvadet.

Pour quelle raison ?

L’emploi contractuel est nécessaire à la continuité du service public. Les collectivités ont besoin de faire appel à des agents sur des missions ponctuelles ou à faible volume horaire – le personnel des cantines scolaires, les professeurs dans les conservatoires… – qui sont difficilement titularisables. De nouvelles fonctions apparaissent, par exemple en informatique. Enfin, la concurrence avec le privé sur certains métiers en tension fait qu’il n’est pas toujours attractif pour les professionnels de passer les concours.

Faute de titulaires, on recrute des contractuels. La fonction publique évolue en permanence, or le statut étant corseté, les employeurs doivent trouver de la souplesse. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire : la part d’emplois non titulaires parmi les salariés de la fonction publique est passée de 14 % en 2000 à près de 17 % en 2011. La tendance est à la hausse, et il faudrait pouvoir l’inverser.

La loi vise aussi à prévenir la reconstitution de l’emploi précaire, notamment en clarifiant les règles du recours aux contractuels. Comment ces dispositions sont-elles appliquées ?

Difficilement, car ce volet prévention de la loi nécessite de construire de véritables politiques de GPEC, qui font souvent défaut. Pour éviter de se retrouver au pied du mur avec des postes de titulaires non pourvus, il faut anticiper. Cela va sans doute se mettre en place progressivement, mais les contraintes budgétaires rendent l’exercice difficile.

Le rapport montre également que les agents éligibles à la loi Sauvadet sont d’abord des catégories A, alors que les catégories C forment la majorité des contractuels. Comment expliquer cette distorsion ?

Il est possible que les employeurs choisissent de donner la priorité aux cadres qu’ils souhaitent fidéliser. Mais rappelons aussi que beaucoup d’agents de catégorie C peuvent être titularisés sans concours. C’est donc de la responsabilité de l’employeur de les titulariser, s’il le peut. Le public visé par la loi Sauvadet est d’abord celui qui, normalement, doit pouvoir passer les concours. D’où, d’ailleurs, des incompréhensions de la part de ceux qui sont passés par les procédures classiques de titularisation.

* Rapport présenté en juillet 2014 avec Jacqueline Gourault.

Auteur

  • É. S.