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PHILIPPE DÉTRIE LA MAISON DU MANAGEMENT

La chronique | publié le : 18.11.2014 |

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PHILIPPE DÉTRIE LA MAISON DU MANAGEMENT

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Que faire face à la financiarisation de l’économie ?

Olof Palme, Premier ministre suédois assassiné en 1986, disait : « La société doit être exigeante envers les forts, et douce envers les faibles. » La financiarisation de l’économie engendre exactement le contraire. Elle précarise les fragiles et promeut les gagneurs. C’est une des raisons de sa mauvaise presse actuelle, sans parler de l’incapacité de nos gouvernements à arrêter le grand jeu mondial de l’optimisation fiscale. L’argent gagne de l’argent sur l’argent sans qu’un produit ou un service ne soit généré pour tous. Il n’y a plus d’entreprise, c’est devenu un produit financier comme un autre. Il n’y a plus d’humanité, l’homme est assimilé à un moyen de production ou à un numéro de commande. Triste logique que cette richesse appauvrissante ! Serait-ce le seul impératif de notre monde ? Voulons-nous être de laborieux hamsters neurasthéniques ? José Bové a raison de dire que le monde n’est pas une marchandise.

À ceci, les tenants de la financiarisation répondent que personne ne vient parler des embauches qu’une restructuration autorise quelques années plus tard, une fois l’entreprise remise sur les rails. Personne ne parle des innovations, de l’amélioration de la qualité et de la baisse du prix, au final, pour le consommateur. Ou tout simplement du financement des activités qui ont besoin d’argent, sa mission première. À vous d’arbitrer !

Mais le manager dans tout ça ? Comment répond-il à l’impératif de profitabilité ? Au court-termisme ? À la précarisation et à la dévalorisation du contenu du travail ?

On le lit et on l’entend partout : il faut donner du sens. Mais que faire quand vous êtes face au non-sens local d’une décision de fermeture de votre activité prise à des milliers de kilomètres, ou au contresens d’une fusion-acquisition stratégique ratée ! Où est le sens ? C’est la dictature d’une gestion privée de sens. Qui souhaiterait hériter de l’épitaphe : « Ci-gît Philippe le bon gars, bienheureux de la marge brute. Il a consacré sa vie à doubler le chiffre d’affaires d’un inconnu et à tripler son résultat net » ?

Que peut faire le manager s’il n’est pas d’accord ? Rien, à la vérité, sur le fond, sauf démissionner et créer son entreprise ou travailler dans l’économie à but non lucratif. Il ne peut pas se soustraire à cet impératif de productivité et de rentabilité. En revanche, il peut le rendre acceptable et même engageant en focalisant les efforts sur un projet de proximité, un challenge à portée de main de l’équipe.

Partager un défi. On ne peut pas mobiliser des salariés sur l’augmentation du bonus d’investisseurs anonymes ou sur la retraite de la veuve de Lamballe. Une personne se motivera elle-même pour des enjeux personnels : son professionnalisme, la possibilité de progresser, une prime, son goût du métier… Mais aussi pour un challenge collectif. La culture du défi est à promouvoir car, pour réaliser un rêve, il faut d’abord rêver. C’est une réponse à la fois au besoin de reconnaissance individuelle et à l’envie d’appartenance collective.

Le manager doit transformer un enjeu en jeu, traduire un objectif en une sorte de pari stimulant et entraînant sur l’avenir, pour que chacun se sente redevenir l’artisan engagé d’une mission collective. La citation d’Antoine de Saint-Exupéry peut avec pertinence définir le leadership : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. »

Bon vent, manager !