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MOTIVATION. Augmentations individuelles : LES DÉLICATS ARBITRAGES DU MANAGER

Les clés | publié le : 11.11.2014 | NICOLAS LAGRANGE

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MOTIVATION. Augmentations individuelles : LES DÉLICATS ARBITRAGES DU MANAGER

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Répartir les hausses de salaire au mérite est un exercice périlleux pour les managers, qui doivent à la fois contenir leur budget et préserver la paix sociale. Avant la saison des NAO, retour sur les pièges et les bonnes pratiques.

« J’ai toujours été gênée par le manque de marges de manœuvre sur les augmentations individuelles, alors que j’aurais voulu gérer mon service comme une PME. » Ainsi s’exprime Corinne*, ancien manager chez Alcatel-Lucent, à la tête d’une équipe de plusieurs dizaines de collaborateurs. « Augmenter presque tout le monde préserve peut-être la paix sociale, mais c’est démotivant pour ceux qui s’impliquent fortement. Quand les enveloppes se réduisent, mieux vaut satisfaire les 30 % de collaborateurs indispensables, qui tirent vers le haut l’ensemble de l’équipe. »

Accompagner et outiller

« En formation, les managers regrettent un trop fort cadrage sur les rémunérations, confirme Annette Chazoule, responsable formation management et leadership à Cegos et ancienne DRH. Le processus de décision s’est professionnalisé avec plusieurs acteurs dans la boucle, les niveaux de hausse doivent se situer dans une fourchette précise, ce qui laisse au manager 10 % à 15 % de la décision finale. » D’où la dérive de certains d’entre eux, se défaussant sur la DRH pour justifier de faibles hausses, voire l’absence d’augmentations.

Pour Jean-Philippe Gouin, directeur capital humain chez Deloitte, « il est indispensable d’accompagner les managers, voire de les outiller avec des dispositifs d’aide à la décision, afin qu’ils s’approprient la politique de rémunération de l’entreprise, d’autant plus que certains peuvent considérer, à tort, qu’ils maîtrisent naturellement les aspects RH ». Ainsi, GrDF a mis en place plusieurs formations pour les managers (“conduire un entretien d’évaluation”, “manager au quotidien”, etc.) et leur a également demandé de porter et d’expliquer les composantes de la rémunération globale auprès de leurs équipes. « Une communication collective encore trop rare, estime Annette Chazoule. Elle permet pourtant d’informer sur la NAO, la situation économique, les principaux critères d’évolution des rémunérations et de lever les malentendus. »

Rationnaliser la prise de décision

Au plan individuel, « je recense tout au long de l’année les faits observables, explique Philippe Hurtrez, chef de l’agence réseau gaz Artois-Douaisis de GrDF en région Nord-Ouest, qui compte 45 collaborateurs sur trois sites. J’examine les résultats, mais aussi les initiatives, la ponctualité, le comportement face au client, la tenue de travail, la sécurité, la conduite automobile, etc. Depuis mes sessions de formation, je donne plus systématiquement du feedback à mes collaborateurs, je mets en avant les réussites individuelles et j’analyse les retours d’expérience en cas de dysfonctionnement ». De quoi rationaliser la prise de décision et réduire incidemment les risques de contentieux, renforcés par la jurisprudence récente sur les discriminations salariales. « Je dois me battre avec mon inclination naturelle à être dans l’affect avec mon équipe, redoutable en management, raconte Véronique*, manager à Orange. Ce qui implique de faire des points réguliers avec elle et de beaucoup dialoguer avec les RH de proximité. »

« Factualiser doit être une priorité pour les managers, analyse Annette Chazoule. Au cours des sessions intra ou interentreprises, je les fais travailler sur les compétences liées aux missions, sur ce qui est primordial pour chaque salarié et sur l’évolution des attentes de l’entreprise. »

Pour mieux reconnaître la performance et l’implication des collaborateurs, GrDF a choisi une politique de différenciation salariale plus marquée :. « Je peux attribuer chaque année un avancement de grille – soit une hausse de 2 % à 2,5 % – à environ 40 % des collaborateurs, détaille Philippe Hurtrez, mais je préfère réduire le nombre de bénéficiaires et attribuer 2 à 3 avancements à quelques salariés très impliqués. » Une différenciation indispensable, selon Sébastien Crozier, syndicaliste CFE-CGC d’Orange, qui encadre lui-même une quinzaine de collaborateurs : « En 2013, la hausse uniforme de 750 euros par an pour les cadres, décidée à l’issue de la NAO, a déstabilisé les managers, les privant de toute latitude. »

« Découvrir par mail ou sur son bulletin de paye que l’on bénéficie, ou pas, d’une augmentation individuelle est malvenu, souligne Jean-Philippe Gouin chez Deloitte. Quelle que soit la décision, elle doit être expliquée de vive voix et détaillée. » « Lorsqu’un salarié doit être redynamisé, plus on laisse passer du temps pour s’en préoccuper, plus le rebond sera difficile », ajoute Philippe Hurtrez. Avec un vrai défi à la clé : réussir à trouver des sujets de remotivation et mettre sur pied un plan d’action et un suivi.

LES CONSEILS DU COACH

MARIE-PIERRE GRIMAUD-GOSSELIN

Consultante de l’Apec, spécialisée en ingénierie sociale

– 1 –

Éviter le saupoudrage des augmentations individuelles

La tentation est forte pour certains managers d’augmenter une large majorité de salariés pour éviter de trancher. Même s’il est de moins en moins répandu, ce choix peut générer des insatisfactions entre collaborateurs n’ayant pas les mêmes niveaux de performance. Le manager a quand même intérêt à dépasser le seul critère des résultats obtenus pour prendre en compte notamment l’engagement, les nouvelles compétences, la prise d’initiative. En tout état de cause, les décisions liées aux augmentations doivent être sérieusement argumentées et objectives.

– 2 –

Savoir dire ce qui ne va pas

Lors de l’entretien d’évaluation, les managers doivent avoir le courage d’évoquer tous les problèmes éventuels. Mais attention à ne pas dire « je ne suis pas content de toi » à un collaborateur et à ne pas projeter ses valeurs personnelles sur les autres. Mieux vaut insister sur les attendus du poste, les écarts constatés, les pistes à travailler et les changements induits. A contrario, il faut aussi systématiser les feedbacks positifs tout au long de l’année.

– 3 –

Travailler sur la motivation

Il est essentiel de se focaliser sur les envies du salarié, sur son métier, sur sa contribution plutôt que sur sa personne. Un collaborateur peut avoir décroché pendant un an, il faut en rechercher les causes, sans faire d’arrêts sur images réducteur. Pour autant, attribuer une augmentation à un collaborateur pour l’aider à se motiver est contre-productif. En fait, l’intérêt régulier porté à un salarié, via des points d’activités formels ou informels, est une forme de reconnaissance.

* Le prénom a été changé, à la demande de l’intéressée

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE