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COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : LES EMPLOYEURS SE PRÉPARENT … sans les décrets

L’enquête | publié le : 11.11.2014 | VIRGINIE LEBLANC

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COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : LES EMPLOYEURS SE PRÉPARENT … sans les décrets

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

La généralisation des complémentaires santé connaît des débuts compliqués dus au retard de la publication du cadre réglementaire adéquat. Les nouveaux contours du contrat responsable, eux aussi, sont toujours en attente. Ces incertitudes n’ont pas facilité l’avancement des entreprises et des branches, même si certaines se sont préparées.

Les entreprises auront-elles le temps de se préparer à la généralisation de la complémentaire santé, qui sera obligatoire au 1er janvier 2016 ? L’objectif se rapproche, mais le chemin reste incertain : le retard pris dans la publication des décrets d’application rend la préparation difficile pour les employeurs.

À l’heure où nous bouclons ce dossier, ces textes structurants pour l’avenir des complémentaires santé d’entreprise étaient toujours en attente. Leur publication avait été annoncée par Marisol Touraine pour fin août ou fin septembre. Si le décret relatif au panier de soins minimal a été publié le 10 septembre, ceux concernant les modalités de mise en concurrence des organismes assureurs dans le cadre de la procédure de recommandation, le degré élevé de solidarité des prestations ainsi que le contenu des contrats responsables sont toujours attendus (voir le tableau ci-contre).

« Après la publication du décret relatif au panier de soins, toutes les entreprises déjà dotées de contrats santé vérifient leur conformité à ce minimum légal, constate Yves Trupin, directeur général du cabinet Actense. Toutefois, une question reste à ce jour non tranchée, celle de la répartition de la cotisation entre employeurs et salariés. » Le texte de l’ANI prévoyait que l’employeur prenne en charge au moins 50 % du coût de la couverture, mais cette part concerne-t-elle la globalité de la couverture ou seulement le montant du panier de soins minimal ? Gilles Briens plaide pour la seconde solution (lire l’interview p. 24).

Faute de décrets, très peu de branches se sont lancées dans les négociations. « Certaines ont essayé de respecter la procédure d’appel d’offres décrite dans le dernier projet de décret. Pour autant, se pose le problème de l’extension des accords pour celles qui auront lancé des procédures auparavant », soulève Olivier Ferrère, directeur des partenariats du cabinet La Prévoyance de branche.

« L’absence de décrets a créé la confusion, confirme Jérôme Bonizec, directeur du développement d’Adéis, groupement paritaire d’institutions de prévoyance dédié au suivi d’accords de branches. Si la plupart des branches en ont discuté en commission paritaire, à défaut de cadre, les partenaires sociaux n’ont généralement pas pu négocier un accord frais de santé. Pourtant, tous les acteurs de l’assurance lancent des offres ANI-compatibles, et certaines entreprises qui souscriraient aujourd’hui un contrat sur la base du panier de soins risquent d’être dans l’obligation de le revoir en 2015 pour respecter les garanties sans doute plus avantageuses que la branche professionnelle aura mises en place. »

Durant cette phase d’attente, Adéis a travaillé pour accroître sa connaissance des branches, notamment en termes de risques psychosociaux, afin de décliner à court terme des programmes de prévention en adéquation avec les besoins spécifiques de chaque branche. Malakoff-Médéric s’est préoccupé du sujet en construisant un observatoire des branches (lire Entreprise & Carrières n° 1196). De son côté, Klesia, qui a « une connaissance approfondie de certaines branches, comme les transports routiers ou les hôtels-cafés-restaurants, cherche à mettre en valeur la prévention adaptée à ces professions, souligne Philippe Ricard, son directeur du développement. Mais notre rôle est aussi d’orienter et de conseiller les entreprises qui ne dépendent pas d’une branche vers une réponse qui leur permettra de bénéficier des exonérations sociales lorsqu’elles sont peu au fait du cadre juridique du contrat responsable, quitte à rediscuter avec elles ultérieurement, une fois le contexte réglementaire stabilisé. »

PREMIERS ACCORDS DE BRANCHE

Pour ne pas laisser leurs adhérents démunis, certaines professions ont conclu, malgré tout, un accord ou ont organisé la labellisation ou le référencement de certains organismes en définissant leurs propres critères de sélection.

C’est le cas de la branche des télécoms qui a conclu un accord le 26 juin dernier. 75 000 salariés de droit privé appartiennent à cette branche et, parmi eux, 53 000 travaillent dans quatre grandes entreprises qui offraient déjà un bon niveau de couverture santé à leurs collaborateurs. « Dans notre convention collective, nous ne disposions pas de contrat frais de santé, affirme Laurence Berthonneau, secrétaire générale de l’Union nationale des entreprises de télécommunications, de réseaux et de services en télécommunications. Nous avons voulu construire une réponse pour les PME et les TPE. Mais nous ne voulions pas entrer dans une logique de recommandation, pour ne pas faire prendre de risques aux entreprises qui ne la suivraient pas. »

Frédéric Jusko, représentant de FO Com, signataire, estime que cet accord est « un compromis a minima », octroyant aux salariés des TPE-PME une meilleure couverture sociale. De plus, le mode de financement – 55 % employeur ; 45 % salarié – s’avère mieux-disant.

UN ÉNORME TRAVAIL DE RÉEXAMEN

La métallurgie, elle, n’est pas allée jusqu’à la signature d’un accord, au grand dam des syndicats, et a décidé de clore les discussions le 30 septembre. Pour autant, via un appel d’offres lancé sur la base de critères définis par la fédération patronale, elle a enclenché la sélection d’organismes, qui devaient être choisis à la fin du mois de novembre (lire p. 22).

Du côté des plus grandes entreprises, après la mise en conformité avec la circulaire sur les catégories objectives, ce sont les nouveaux contours du contrat responsable qui vont nécessiter un énorme travail de réexamen des garanties (lire les articles sur les accords signés par Renault, p. 23, et Carrefour, p. 24), même si l’échéance initiale a été repoussée du 1er janvier au 1er avril 2015 (lire Entreprise & Carrières n° 1200). Les entreprises ayant mis en place un régime frais de santé ouvrant droit aux régimes fiscal et social de faveur avant le 9 août 2014 pourront, elles, attendre la prochaine modification de l’acte instituant le régime et, au plus tard, se mettre en conformité le 31 décembre 2017.

« Ce qui se passe autour du contrat responsable est très préoccupant. Les décrets sont attendus depuis fin février, déplore Philippe Dabat, directeur général délégué d’AG2R La Mondiale. Des millions de personnes sont concernées. Du côté des entreprises, même si un délai leur a été accordé jusqu’à fin 2017, c’est à condition que leur contrat ne soit pas modifié. Or, chaque année, il y a des évolutions. Il semblerait donc qu’un risque fort existe qu’un certain nombre de contrats ne soient pas responsables en temps et en heure. En revanche, les Urssaf viendront réclamer les taxes dues dès qu’elles le pourront. »

Une étude du cabinet Deloitte révélait, le 9 octobre dernier, que 62 % des entreprises pensent revoir leur couverture frais de santé en raison des évolutions réglementaires. L’enquête réalisée auprès d’une soixantaine de grandes entreprises du SBF 120, représentant près de 400 000 salariés couverts, soulignait également que 69 % d’entre elles souhaitent conserver le régime social et fiscal de faveur, « ce qui sous-entend une baisse des prestations sur certains postes et la mise en place d’un régime optionnel pour 31 % », signale le cabinet.

EN ATTENTE DU CAHIER DES CHARGES

Là se pose une autre question, toujours sans réponse, faute de décret : quel sera l’impact d’une option facultative non responsable sur le dispositif ; l’ensemble base et options remettra-t-il en cause le caractère responsable de l’ensemble du contrat et donc le bénéfice des exonérations de charges sociales ? Rappelons que la taxe passerait de 7 % à 14 %. « Nous sommes en réflexion sur le sujet des garanties optionnelles et modulaires afin d’offrir à nos clients un complément de garanties à leur régime de base, illustre Fabrice Benharroche, directeur commercial pour l’activité santé-prévoyance collectives d’Aon France. Mais nous sommes toujours en attente des arbitrages concernant le contenu du nouveau cahier des charges du contrat responsable afin de déterminer comment apprécier la nature du régime et la souscription. »

En tout état de cause, une tendance à l’homogénéisation des couvertures santé va se dessiner. « Dans notre enquête, nous constatons une fourchette très hétérogène de coûts, qui va de 700 à 2 700 euros, souligne Franck Chéron, directeur capital humain chez Deloitte, et nous avons mis en évidence une moyenne autour de 1 254 euros par an, mais la conformité à la loi va aboutir à une uniformisation des couvertures. Le coût sera nivelé, tout comme les garanties, ce qui réduira l’attractivité RH des régimes frais de santé. »

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC