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Gestion des risques : LES RESSOURCES HUMAINES TROP PEU PRISES EN COMPTE par les risk managers

LA SEMAINE | publié le : 11.11.2014 | Sabine Germain

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Gestion des risques : LES RESSOURCES HUMAINES TROP PEU PRISES EN COMPTE par les risk managers

Crédit photo Sabine Germain

Les risk managers ont un rôle de plus en plus stratégique au sein des entreprises. Mais ils peinent encore à intégrer les ressources humaines à leur cartographie globale des risques.

Turnover, pertes de compétences clés, passif social… la gestion des RH n’est certes pas exempte de risques. Dans les grandes organisations, ce sont les risk managers qui sont chargés d’identifier, d’analyser et de quantifier les risques stratégiques, financiers et opérationnels encourus. Un rôle de plus en plus reconnu et valorisé, dont le champ d’investigation n’a d’ailleurs cessé de s’élargir, englobant, outre les risques industriels, les risques financiers, juridiques, logistiques, organisationnels… Mais ces professionnels peinent encore à intégrer la dimension RH à leur spectre d’analyse.

C’est du moins ce qui ressort de l’enquête qualitative* menée par la commission Risques RH de l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae) : 20 % seulement des entreprises voient dans la gestion des risques RH un vecteur de développement. « La cartographie des risques RH n’est pas une priorité actuellement, a ainsi répondu l’un des risk managers interrogés (secteur des services). Nous préférons traiter les risques quand ils se présentent, plutôt que les identifier dans une cartographie. »

« Nous sommes dans l’informel, a confirmé l’un de ses confrères du secteur industriel. Faire une cartographie et auditer la démarche demande beaucoup de temps pour un résultat pas toujours probant. » Il admet toutefois que « cela permet d’améliorer la sécurité au travail ».

À rebours de ces professionnels, Michel Dennery est convaincu que le social est un risque qui doit être identifié et traité exactement de la même façon que les autres : « Nous procédons chaque année à une revue complète des risques avec les responsables RH et les directeurs opérationnels, explique le directeur du management des risques à GDF Suez, une entreprise considérée comme exemplaire dans son approche. Cela nous permet de présenter, en fin d’année, une cartographie globale des risques du groupe, dont les RH font systématiquement partie. »

Une cartographie dont les têtes de chapitre diffèrent selon les entreprises : la gestion du dialogue social (et son impact médiatique), la réputation, le turnover, le bien-être et la motivation, la gestion des compétences, le recrutement, la diversité, la parité, la santé et la sécurité au travail…

La perte de compétences, un risque majeur.

« Nous avons été étonnés de constater que les risk managers interrogés ne considéraient pas la gestion de la masse salariale comme un risque majeur, commente Nicolas Dufour, membre de la commission Risques RH de l’Amrae et risk manager de la Mutuelle UMC. À leurs yeux, la perte de compétences est un risque nettement plus important. » Ce que confirme Régis Mulot, chef du service RH à l’institut Laue-Langevin (centre de recherche international en sciences et technologies neutroniques basé à Grenoble) : « Nous avons une très forte expertise en radioprotection, que nous devons préserver malgré les départs à la retraite et la concurrence d’un nouveau centre de recherche en Suède. 10 % de notre effectif ont donc été identifiés comme « compétences clés », dont la transmission et la capitalisation doivent être assurées. »

En matière de gestion des compétences, comme dans la plupart des autres domaines RH, le manque d’indicateurs reste le principal frein au développement de la gestion des risques : « Le social est une science molle, sourit Michel Dennery. Nous réalisons donc tous les deux ans une grande enquête sociale : les tendances de ce baromètre sont d’excellents indicateurs. »

Des outils qui permettent d’anticiper les périodes de tension. Quand la crise est là, il ne faut d’ailleurs pas chercher ces indicateurs bien loin : « Ils s’imposent avec évidence, estime Régis Mulot. Est-il vraiment nécessaire de compter les jours de grève, les droits d’alerte ou les comités d’entreprise extraordinaires pour comprendre que le climat social est tendu »

deux types de critères.

Les risk managers interrogés par l’Amrae distinguent, pour leur part, deux types de critères : ceux qui relèvent de la gestion du capital humain (turnover, mobilité interne, volume de formation, capacité à recruter les profils recherchés, nombre de jours de grève), et ceux qui relèvent de la performance économique et financière (taux de réalisation des objectifs, nombre de jours/hommes par projet ou par activité, sauvegarde des compétences clés, impact maximum possible d’un incident RH).

« Le lien entre la performance sociale et la performance économique apparaît aujourd’hui de façon évidente », considère Patrick Dumoulin, directeur général de l’institut Great Place to Work. Quand des salariés doutent, se sentent mal traités ou mal considérés, ils sont évidemment moins performants. » Pour 80 % des risk managers, cette équation sociale reste pourtant difficile à intégrer dans leur système d’identification des risques.

* Étude qualitative menée entre juin et octobre 2014 auprès des risk managers et responsables RH de 30 entreprises.

Auteur

  • Sabine Germain