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LES SYNDICATS REVENDIQUENT le droit à la déconnexion

ZOOM | publié le : 04.11.2014 | Laurent Poillot

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LES SYNDICATS REVENDIQUENT le droit à la déconnexion

Crédit photo Laurent Poillot

La cascade de jurisprudences sur le forfait-jours oblige de plus en plus de branches à renégocier les accords de temps de travail de leurs cadres.L’occasion pour les syndicats de brandir le droit à la déconnexion, qu’ils assimilent à une obligation de protection de la santé du salarié. Mais, si le principe est parfois inscrit dans des textes, son application pratique est limitée.

La reconnaissance du “droit à la déconnexion” fait son chemin en France, n’en déplaise aux commentateurs du Guardian, de la BBC et de l’Independant, qui avaient moqué ce dispositif sur l’air désormais classique du French-bashing, au printemps dernier. Et ce droit ne se limite pas seulement au secteur du conseil (fédérations Syntec et Cinov), visé par les médias anglais pour avoir introduit l’idée dans la révision en avril de l’accord de branche sur la durée du travail. Elle concerne en fait, potentiellement, toutes les entreprises qui équipent leurs salariés d’outils informatiques de communication à distance.

forfait-jours et Incidence sur le risque santé

À plus forte raison lorsqu’elles ont mis en place le forfait-jours pour leurs cadres. C’est la conséquence de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a invalidé, à travers des contentieux individuels, plusieurs accords collectifs jugés insuffisamment protecteurs vis-à-vis de la santé des salariés concernés. Celui de la branche Syntec-Cinov, donc, en avril 2013, mais aussi de la chimie, du BTP, ou encore des experts-comptables. De manière constante, la Cour a rappelé que le système de forfait-jours devait garantir « que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé  ».

Commentaire de Michel de La Force, négociateur CFE-CGC pour la branche du conseil et des bureaux d’études : «  Il ne peut plus y avoir de forfait-jours sans détermination de son incidence sur le risque santé. Si ce risque se réalise, la responsabilité pénale de l’employeur ne sera pas la même suivant qu’il a pris, ou non, ses dispositions pour l’anticiper. » C’est ainsi que le principe de déconnexion a été introduit dans les négociations de la branche. Il est évoqué dans les garanties attribuées aux temps de repos (minima prévus par la loi). L’accord révisé demande à l’employeur d’afficher ces périodes de repos à respecter, tandis qu’il assigne au salarié une « obligation de déconnexion des outils de communication à distance  ».

« En renvoyant au salarié la responsabilité de respecter l’équilibre de vies personnelle et professionnelle, il protège plus l’employeur que le salarié », déplore Robert Beraud, le négociateur FO, qui n’a pas donné sa signature. Il reconnaît pourtant un mérite à cette notion: celui de refuser une confusion de la vie au travail et hors travail, dont les cadres des professions informatiques n’ont plus conscience, « vu qu’ils n’ont pas de référence à un nombre d’heures travaillées, mais à une mission ».

Peu d’accords d’entreprise

Peu d’entreprises se sont emparées du sujet de la déconnexion. Dans la branche Syntec-Cinov, Michel de La Force estime à « quelques dizaines  » le nombre d’accords d’entreprise qui fonctionnent depuis l’extension de la révision, publiée au Journal officiel du 4 juillet dernier. Ceux-ci affichent précisément, selon lui, les procédures d’information collective et d’alerte individuelle, en reconnaissant au salarié submergé le droit d’interpeller la direction. Laquelle doit formaliser des mesures correctrices.

Mais «  ce que promet un accord ne se traduit pas forcément dans les faits  », prévient le Dr Marie-Christine Soula, consultante en risques psychosociaux, qui n’a pas rencontré de cas aussi significatifs que l’initiative de Volkswagen en Allemagne (lire p. 8). En France, Thales a été l’une des toutes premières entreprises à reconnaître explicitement un droit à la déconnexion. Laurent Trombini, le coordinateur CGT de Thales, se montre circonspect: « Ce droit est abordé dans deux accords sur la qualité de vie au travail et sur le télétravail. Son principal avantage est de permettre aux personnes de se protéger si leur manager les contraint à se connecter le soir. Mais cette possibilité de recours individuel ne résout pas la problématique de la charge de travail dans nos métiers.  »

Facteurs de harcèlement

À Réunica, la déconnexion des cadres a inspiré un dispositif technique à grande échelle, qui concerne les 2 600 salariés : le principal serveur de messagerie électronique de l’entreprise bloque les messages entrants de 20 heures à 7 heures du matin, ainsi que le week-end. Sur ces plages horaires, le salarié peut envoyer un e-mail, mais pas en recevoir. Seuls le comité de direction ainsi qu’un petit nombre d’informaticiens et de risk managers ont un accès préservé.

« Nous avons discuté de ce droit lors de nos dernières NAO sur le temps de travail des cadres », explique François-Marie Geslin, le DRH, qui s’en fait, depuis, le promoteur. Pour anticiper les effets de la jurisprudence sur l’application du forfait-jours, mais aussi mettre un frein aux dérives constatées en interne. « Parce que les outils de communication peuvent permettre à certains managers d’abuser de la disponibilité de leurs collaborateurs, ils peuvent être facteurs de harcèlement.  » Inutile de s’encombrer de situations toxiques dans le contexte de rapprochement de cet organisme de protection sociale avec deux autres GIE, AG2R et Systalians.

La CFDT approuve le dispositif : « La direction l’a repris dans ses propositions du futur statut des salariés du prochain GIE, se félicite Janique Avignon, sa déléguée centrale syndicale adjointe. Mais ce n’est pas la seule chose intéressante que nous avons mise en place. » Ainsi, Réunica organise depuis peu un cursus de formation à destination de ses managers pour leur apprendre à faire parler leurs équipes de leur performance collective, sans sacrifier la qualité de vie au travail. François-Marie Geslin en dira plus une prochaine fois : «  Il est 20 heures et, à cette heure-ci, ironise-t-il, je n’ai plus accès serveur.

Auteur

  • Laurent Poillot