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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D'AVOSIAL

Chronique | publié le : 04.11.2014 | CAROLINE FROGER-MICHON, GUILLEMETTE PEYRE

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE D'AVOSIAL

Crédit photo CAROLINE FROGER-MICHON, GUILLEMETTE PEYRE

Les nouvelles responsabilités des donneurs d’ordre

Face au nombre croissant de fraudes caractérisées par la non-application aux travailleurs détachés des règles sociales impératives dans le pays d’accueil, l’Union européenne s’est dotée, le 15 mai dernier, d’une nouvelle directive visant à responsabiliser les donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. En France, la loi du 10 juillet 2014 « visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale » vient d’être adoptée, anticipant la transposition de cette directive. La loi française, applicable à tous les secteurs d’activité, vise la situation où des salariés sont détachés en France pour la réalisation d’un contrat, mais va bien au-delà, instaurant plus généralement de nouvelles obligations à la charge de tous les donneurs d’ordre.

Renforcement des contrôles préalables. Le nouveau texte durcit les sanctions en cas de non-respect de l’obligation de déclaration préalable de détachement auprès de l’administration du travail, formalité que de nombreuses entreprises étrangères omettent d’effectuer. Autrefois considérée comme une simple contravention de 4e classe, cette omission est désormais sanctionnée par une amende administrative de 2 000 euros par salarié détaché, dans la limite de 10 000 euros.

De surcroît, les entreprises qui accueillent les travailleurs détachés de leur prestataire doivent s’assurer du dépôt de la déclaration de détachement et l’annexer à leur propre registre du personnel, sauf à se voir infliger la même amende que leur cocontractant. La loi précise également que les prestataires étrangers devront à l’avenir désigner un représentant de leur entreprise en France afin d’assurer la liaison avec l’inspection du travail et les agents de contrôle, dans des conditions qui doivent être fixées par décret.

L’instauration de nouvelles peines et une obligation de vigilance renforcée. Pour réprimer le travail illégal (travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre, emploi d’étrangers en situation irrégulière), la loi instaure de nouvelles peines : inscription sur une liste noire publiée sur Internet, interdiction de percevoir des aides publiques pendant cinq ans, facilitation des fermetures provisoires d’établissement, etc.

De plus, la loi présente la particularité de faire peser sur les entreprises donneuses d’ordre une obligation de vigilance renforcée à l’égard de leurs cocontractants, sous peine de sanctions dissuasives. Ainsi, s’ils sont informés par un agent de contrôle du non-respect, par leur prestataire, d’un certain nombre de droits fondamentaux (durée maximale du travail, salaire minimum, repos hebdomadaire…), les donneurs d’ordre seront sanctionnés dans des conditions fixées par un décret à paraître s’ils ne prennent pas les mesures nécessaires pour faire cesser la situation.

Attention à la responsabilité solidaire. Si le donneur d’ordre est avisé que son prestataire héberge des travailleurs dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine, il devra lui enjoindre de faire cesser la situation : à défaut de régularisation, c’est le donneur d’ordre qui sera tenu de prendre en charge l’hébergement des salariés concernés.

Même logique en cas de non-paiement du salaire minimum : si les prestataires ne respectent pas les minima applicables, le donneur d’ordre peut être jugé solidairement responsable du paiement des rémunérations, indemnités et charges.

Enfin, les chaînes de contrat devront désormais faire l’objet d’une attention particulière. Le donneur d’ordre devra en effet s’assurer que non seulement ses sous-traitants mais également les cocontractants de ces derniers, amenés à travailler sur le même contrat, ne se rendent pas coupables de travail illégal, sauf à prendre, là encore, le risque d’une responsabilité solidaire.

Plus que jamais, les donneurs d’ordre doivent se montrer particulièrement vigilants et redoubler d’attention lors de la sélection de leurs cocontractants.

Auteur

  • CAROLINE FROGER-MICHON, GUILLEMETTE PEYRE