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Relations sociales : salariés protégés, DES COLLABORATEURS COMME LES AUTRES ?

Les clés | publié le : 21.10.2014 | Domitille Arrivet

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Relations sociales : salariés protégés, DES COLLABORATEURS COMME LES AUTRES ?

Crédit photo Domitille Arrivet

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, les collaborateurs titulaires d’un mandat de représentation du personnel occupent une place particulière. S’ils ne doivent pas être traités à part, ils bénéficient cependant de droits qu’il faut apprivoiser.

Élus au comité d’entreprise ou au CHSCT, délégués du personnel, délégués syndicaux… ces salariés qui se sont vu décerner par les urnes la mission de représenter leurs collègues auprès des dirigeants de l’entreprise font parfois peur aux managers. « S’il n’y a pas de règle de droit spécifique concernant les représentants du personnel, le droit du travail dit cependant qu’un salarié ne doit subir aucune discrimination, ni pour son âge, ni pour son sexe, ni pour son mandat de représentation. Il dispose donc du droit de circuler librement dans l’entreprise et d’un nombre d’heures de délégation qu’il peut prendre sur son temps de travail, à condition de ne pas faire obstacle au travail des autres », explique Éric Ravier, avocat associé au cabinet Capstan.

Cette liberté peut troubler l’équilibre d’une équipe de travail, mais le manager doit composer avec elle sous peine de risquer le délit d’entrave. Par ailleurs, un esprit d’équité est requis, notamment au moment sensible des évaluations ou des négociations salariales. « Le représentant sera évalué et rétribué au même titre que les autres, en faisant abstraction de ses absences. En considérant que ce ne doit pas être différent que lorsqu’un salarié est absent pour maladie », détaille Éric Ravier.

échanger Davantage

La relation est parfois délicate et inconfortable pour un manager qui peut ne pas partager le même niveau de connaissance sur l’entreprise et ses évolutions qu’un de ses collaborateurs titulaire d’un mandat, celui-ci étant mieux informé dans les instances que lui-même par sa hiérarchie. « J’ai connu un représentant qui me prenait de haut durant les entretiens d’évaluation, se souvient Ezquiel Nunes, responsable d’un service de comptabilité à L’Oréal, puis à Logica. Il savait sur l’entreprise des choses que j’ignorais, et il avait le sentiment de pouvoir en tirer un avantage. »

Il est souvent nécessaire d’échanger davantage avec ces salariés qu’avec les autres et il est indispensable que la hiérarchie ou la DRH fournisse suffisamment d’éléments pour le faire, estime le manager. Tout en évitant, là encore, le délit d’entrave.

« Le manager doit à la fois être soutenu par la DRH et avoir acquis les préceptes fondamentaux pour déployer les bons arguments, mais ne pas prendre trop d’initiatives, car ce n’est pas à lui de poser les principes ni les règles de droit. Chez nous, en cas de situation compliquée ou de problématique très collective, la DRH reprend la main », plaide Sylvain Morellet, DRH de la société Ellisphere (500 salariés). Il en sait quelque chose, lui qui a dû accompagner une restructuration conduisant à réduire les effectifs de moitié.

obtenir l’adhésion, voire la neutralité

« Pour un manager d’équipe, lui-même au centre de tensions majeures dans l’entreprise, il est parfois difficile de gérer ces relations dans le calme et la sérénité, estime Pascal Delord, DRH à l’Ugecam, organisme gestionnaire d’établissements de santé. Aujourd’hui, tout est sujet à négociations. Alors, pour réussir, rigueur, empathie et pédagogie sont essentielles. Une bonne relation est une question de posture plus que de technique. Pour cela, je prépare toujours les managers aux réunions avec les délégués du personnel, je leur donne les argumentaires. Certains le prennent très bien, d’autres moins. » Car obtenir, sur le fonctionnement ou les objectifs de l’équipe, l’adhésion – voire la neutralité – de ce salarié parfois influent auprès des autres membres de l’équipe peut-être déterminant aussi en matière de motivation collective.

Mais, si la relation tourne mal, les moyens des élus sont importants. « Ils peuvent faire des délégations perlées qui empêchent de les remplacer, créer des contentieux, diligenter des experts, contester les dates de réunions », témoigne Philippe de Carné, DRH de Geodis BM. « Les représentants du personnel sont protégés dans le sens où l’entreprise n’a pas le droit de les licencier sans autorisation de l’administration du travail. Et s’il s’agit d’un délégué du personnel, il faut même commencer par saisir le comité d’entreprise », prévient Éric Ravier. Le licenciement doit être très précisément motivé et la demande fait l’objet d’une enquête contradictoire qui peut durer deux mois. « Dans deux cas sur trois, l’entreprise n’obtient pas l’autorisation », prévient l’avocat. Une contrainte qui conduit parfois dirigeants et représentants à la transaction.

LES CONSEILS DU COACH

JEAN-CHRISTOPHE SCIBERRAS

Président de l’ANDRH, DRH France et directeur des relations sociales groupe de Solvay

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Se faire aider

La première démarche lorsqu’on est amené à manager un salarié représentant du personnel est de demander l’appui de la DRH. Parce qu’on n’est pas forcément juriste ou professionnel des relations sociales et que, par ignorance, on peut se faire des idées préconçues. La DRH peut prévoir de courtes formations pour donner les notions essentielles sur les incidences de l’exercice d’un mandat sur le temps de travail, les droits d’absence, la protection du salarié, son évaluation professionnelle…

- 2 -

Savoir évaluer

Compte tenu du temps consacré à leur rôle de représentation, les salariés qui ont un mandat ne peuvent pas être évalués comme les autres. Leur temps de délégation est assimilé à du temps de travail, mais ils n’assurent pas leur tâche normale pendant ce temps-là. S’ils ont des objectifs quantifiés, il est important qu’ils soient ajustés. Pour ceux qui sont pris à temps plein par leur fonction car ils ont plusieurs mandats, on doit aligner leur évolution de salaire sur la moyenne de l’entreprise – c’est aussi vrai pour les rémunérations variables. Il s’agit d’éviter de prendre le risque de la discrimination syndicale, qui est un délit.

- 3 -

Positiver le dialogue social

L’entreprise doit savoir valoriser le rôle des représentants du personnel et le principe du dialogue social. Il faut comprendre que l’entreprise ne peut être ni pour ni contre les représentants du personnel – la décision de s’en doter appartient aux salariés – : ils existent tout comme il existe des représentants des citoyens au niveau parlementaire ou municipal. Cependant, on aurait tout à gagner à ce que les jeunes futurs diplômés soient davantage préparés à ces questions et que ce ne soit pas à l’entreprise de tout faire en ce domaine.

Auteur

  • Domitille Arrivet