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L’INTERVIEW : PHILIPPE ROUZAUD INGÉNIEUR ERGONOME AU CABINET SECAFI

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 21.10.2014 | C. C.-C.

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L’INTERVIEW : PHILIPPE ROUZAUD INGÉNIEUR ERGONOME AU CABINET SECAFI

Crédit photo C. C.-C.

« Les réorganisations visent toujours, in fine, à dégager des gains »

Le lean management est-il répandu à l’hôpital ?

La contrainte économique est très forte à l’hôpital. Le lean s’y développe parce qu’il est perçu comme un outil permettant d’apporter des réponses économiques en s’attaquant aux organisations de travail. L’Agence nationale d’amélioration de la performance des établissements de santé est également prescripteur de telles démarches. Les chantiers lean, couplés à d’autres méthodes telles que le Six Sigma, y sont la plupart du temps menés par des cabinets de conseil. Et le terme lean est rarement affiché. Les appels d’offres parlent de performance des organisations, de recherche d’optimisation et d’efficience, de lutte contre les gaspillages ou encore d’excellence opérationnelle.

Tous ces chantiers doivent répondre à des logiques d’économies. Dans certains cas, plus les gains économiques sont grands dans les hôpitaux, plus la rémunération variable des cabinets de conseil est élevée. Il y a deux types de projets résultant des méthodologies lean : les « coups de massue » ou projets avec un fort potentiel de gain, qui sont des réorganisations, souvent des mutualisations, qui visent à réduire la masse salariale à moyen terme; et les « victoires rapides » ou quick wins, qui cherchent à améliorer les processus par de petites actions où les gains sont rapides mais peu importants.

Les méthodes du lean management développées dans l’industrie sont-elles transposables à l’hôpital ?

L’hôpital est un univers très complexe. On ne peut pas faire un copier-coller des méthodes de lean manufacturing. Il y a un savoir-faire des personnels hospitaliers qui ne peut pas toujours être standardisé. Par exemple, l’aide à la toilette est une tâche difficile à standardiser. À un moment donné, l’idée de tout rationaliser finit par heurter les personnels. On ne peut pas ainsi nier la variabilité du travail. Les personnels les plus en difficulté sont sans doute les cadres de santé, pris entre les contraintes budgétaires et celles du travail réel. Ces managers sont chargés de conduire les chantiers lean dans les unités de travail, mais n’ont pas toujours été formés à ces techniques de management.

La démarche lean d’analyse de la réalité du travail et de ses dysfonctionnements ne répond-elle pas aux aspirations des agents ?

Dans un premier temps, les agents qui voient arriver le lean perçoivent de façon positive l’intérêt porté à la réalité de leur travail, ce qui complique la tâche des représentants du personnel et syndicaux. En réunissant tous les personnels pour étudier les dysfonctionnements, le lean s’attache à permettre le développement de l’entraide dans un monde hospitalier très corporatiste, très cloisonné. On peut même faire dire au lean qu’il peut améliorer les conditions de travail. Mais les réorganisations visent toujours, in fine, à dégager des gains. Les agents qui ont participé au processus ne s’y retrouvent pas. Ils se sentent même coupables d’avoir participé à un processus de réduction des postes.

Auteur

  • C. C.-C.