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Sur le terrain

RETOUR SUR… L’harmonisation du temps de travail chez Bénéteau

Sur le terrain | Pratiques | publié le : 14.10.2014 | Hubert Heulot

En 2013, le fabricant de bateaux de loisirs a dénoncé les accords de temps de travail applicables sur ses différents sites. Le nouveau texte unifie les horaires hebdomadaires et augmente le contingent d’heures supplémentaires.

« Un accord orienté industrie », estime Patrick Jouin, DRH du groupe Bénéteau. Le 30 juin dernier, le groupe vendéen a conclu un nouvel accord sur l’organisation du temps de travail, qui s’applique aux 3 500 salariés de sa branche navigation de plaisance. Il remplace un mille-feuille de textes signés entre les années 1980 et le début des années 2000 dans 13 établissements, pour certains issus d’entreprises rachetées, aux règles disparates. « Cette harmonisation arrive comme le diamant sur la bague après la remise à plat, depuis trois ans, d’une bonne partie de notre arsenal social passant par le calcul de l’ancienneté, les complémentaires santé ou les contrats de prévoyance », illustre le DRH.

Deux grandes traditions avaient cours dans les deux marques du groupe, l’une chez Bénéteau – grosso modo pour la moitié du personnel – autour d’une journée de travail de 7 h 30, et l’autre, chez Jeanneau – l’autre moitié – où la logique bien établie de réduction du temps de travail s’articulait autour d’une journée de 8 h 20, donnant des vendredis de RTT. Dans le but d’« harmoniser » et de « simplifier », la direction du groupe a dénoncé les accords sur l’organisation du temps de travail au printemps 2013, avec pour premier objectif de déplacer plus facilement ses salariés d’une usine à l’autre. Une orientation approuvée par la CFDT, majoritaire : « Dans un marché fluctuant, avec des clients de plus en plus versatiles, il faut être réactifs et pouvoir s’adapter », confirme Emmanuel Landreau, délégué syndical CFDT.

Gagner en fluidité et en souplesse

La direction a proposé de généraliser 7 h 30 pour faire « tourner les usines davantage de jours dans l’année ». Au fil des négociations, le curseur s’est arrêté à 8 heures pour le personnel de production. Le groupe Bénéteau voulait aussi que la pause de dix minutes par demi-journée soit exclue du temps de travail, ce qui a conduit à une grève l’automne dernier. La proposition a été retirée. « J’ai calé », avoue Patrick Jouin. « Nos métiers sont tout de même physiques », fait remarquer le délégué syndical CFDT.

À défaut d’allongement de la journée de travail, les ateliers ont gagné de la souplesse grâce à plusieurs mesures prises sur des périodes plus longues. La durée maximale “normale” de travail hebdomadaire passe de 41 heures à 42 heures. Les heures accumulées entre 40 heures et 42 heures sont récupérées dans l’année. Au-delà, les heures supplémentaires sont majorées de 25 %, puis de 50 % entre 44 heures et 46 heures.

Le quota annuel d’heures supplémentaires [au-delà des 1 607 heures annuelles correspondant aux 35 heures] jusqu’ici de 50 heures, chez les “Jeanneau”, passe à 110 heures comme chez les “Bénéteau”. « Nous nous doutions que nous ne pourrions éternellement conserver nos 50 heures. Ce passage à 110 heures, ce n’est pas non plus la fin du monde », commente Emmanuel Landreau.

Le dispositif d’allongement des horaires de travail est complété par un compte épargne-temps (CET) créé à l’initiative de chaque salarié pour y placer, dans la limite de six jours par an, ses heures supplémentaires non récupérées. Ce CET prépare, pour Patrick Jouin, la création ultérieure d’un Perco (plan épargne retraite collectif): « Le temps de travail doit aussi être géré sur une vie. Le CET en est un des outils, d’autant plus nécessaire que l’âge de la retraite recule. L’heure du Perco arrivera en son temps. » Le CET, pour le moment fait « ouvrir de grands yeux » aux salariés, peu habitués à mettre de cette façon « des heures supplémentaires à l’abri », comme l’explique Emmanuel Landreau. Ce système est vivement dénoncé par Jean-Pierre Auvinet, délégué central CGT, qui n’y voit qu’un moyen de faire travailler les salariés au-delà de leurs souhaits. D’autant plus qu’ils perdent déjà, selon lui, beaucoup d’autonomie dans la nouvelle gestion collective des temps de travail. Le calendrier annuel d’activités est remplacé par une prévision glissante sur trois mois révisable tous les mois pour coller aux cycles de production. Emmanuel Landreau relativise : « Dans la pratique, il en était déjà ainsi, mais ce n’était pas écrit. » Pour Patrick Jouin, autre progrès tangible, « les tensions avec les organisations syndicales autour du changement du calendrier annuel sont désormais évitées ».

Davantage de jours de RTT “individuels”

Au final, Emmanuel Landreau juge ces différentes « concessions » loin d’être « indigestes ». D’autant que les organisations syndicales ont obtenu une rallonge de 4 à 6 jours de RTT “individuels”, pris par chaque salarié, à sa discrétion, sur les 27 annuels générés par des semaines de 40 heures. Insuffisant, pour la CGT, qui n’a pas signé l’accord en l’absence générale de créations d’emplois permettant aux salariés d’être remplacés pour prendre leurs RTT.

Le nouvel accord a néanmoins été ratifié à 77 % par référendum auprès des salariés. Il est mis en œuvre depuis le 1er septembre. Le groupe Bénéteau n’en attend pas d’économies à court terme. « Son coût global est plutôt en défaveur de l’entreprise, mais il apporte des simplifications administratives, explique Patrick Jouin. Ne serait-ce que dans le paramétrage des feuilles de paie. Et nous avons réussi à gagner en fluidité et en souplesse dans les ateliers. »

Auteur

  • Hubert Heulot