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Prévention: COMMENT FAIRE FACE À l’addiction d’un collaborateur

Les clés | publié le : 14.10.2014 | José Garcia Lopez

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Prévention: COMMENT FAIRE FACE À l’addiction d’un collaborateur

Crédit photo José Garcia Lopez

Les addictions relèvent de la maladie. Face à des collaborateurs dépendants à l’alcool ou à des drogues, le manager navigue parfois entre politique de l’autruche et sanctions inappropriées. Il n’est pas simple d’aborder la question avec les intéressés. Sans les juger mais pour les inciter à se soigner.

Alcool, cannabis, cocaïne… L’addition des addictions peut être salée pour l’entreprise: 15 % à 20 % des accidents professionnels seraient dus à la consommation de substances psychoactives, selon l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa). Sans compter les effets induits tels que l’absentéisme, les incidents, les malfaçons ou les fautes professionnelles…

Les dépendances, question de vie privée ? Pas seulement. Le manager doit s’en mêler car, quand la santé et la sécurité du personnel sont en jeu, se voiler la face a ses limites. « Il doit essayer de lever le tabou autour de la question des addictions, avertit Céline Cosquer, DRH de Sicra, filiale de Vinci Construction. Ce n’est pas rendre service au salarié concerné que de se taire et de cacher la situation. » Et, pour l’employeur, les risques juridiques sont bien réels. La Cour de cassation juge ainsi que la responsabilité contractuelle d’un chef d’équipe peut être engagée s’il a dissimulé l’ébriété d’un de ses collaborateurs. En cas d’accident grave, l’employeur est responsable pénalement, et les collègues du salarié accidenté peuvent être eux-mêmes mis en cause pour non-assistance à personne en danger.

Gérard Truchot, directeur de département à Sicra, a déjà été confronté à des cas d’alcoolisme dans son équipe. Pour lui, la vigilance s’impose au quotidien: « Détecter des signaux avant-coureurs d’addiction entre dans le cadre de notre devoir d’alerte. » Le manager de proximité compte parmi les premiers à pouvoir déceler les “signaux faibles” de dépendance. Comportements inhabituels, retards, irritabilité soudaine, absentéisme ou défaillances à répétition doivent lui mettre la puce à l’oreille.

Dès lors que les faits sont avérés, comment aborder le sujet avec le collaborateur concerné ? À partir du moment où ses attitudes influent sur la quantité ou la qualité de son travail, on peut évoquer avec lui le lien entre l’abus de certaines substances et l’origine des dysfonctionnements constatés. « J’ai signifié à l’un de mes collaborateurs dépendant à l’alcool que j’avais noté des troubles dans son comportement et que cela avait un impact sur son activité et ses résultats. », témoigne Gérard Truchot.

L’encadrant doit aussi responsabiliser ses équipiers, notamment dans les professions aux problématiques de sécurité aiguës comme les transports où le bâtiment: « Il faut expliquer les risques encourus au collaborateur et souligner qu’il met en danger non seulement lui-même mais aussi ses collègues », appuie Alain Dillet, directeur d’agences Colas du Maine-et-Loire.

Demander de l’aide

Les addictions relèvent de la pathologie; gare à ne pas surestimer sa capacité d’intervention: « Les managers ne sont pas médecins. Ils doivent reconnaître leurs limites en la matière et ne pas chercher à résoudre seuls la situation », soutient Céline Cosquer. Plutôt que s’improviser psychologue ou praticien, le responsable d’équipe a intérêt à chercher de l’aide auprès de sa hiérarchie, de sa DRH et du médecin du travail. Lequel dirigera à son tour le salarié vers des structures de soins adéquates.

Coup de semonce

Si la personne reste dans le déni et refuse de se soigner, le manager peut se placer sur le terrain disciplinaire. Alain Dillet est partisan du coup de semonce : « Le salarié doit être conscient que la mise en danger d’autrui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave. » Attention toutefois à proportionner la sanction à la faute. Les juges estiment qu’un employé ne peut être licencié pour faute grave au motif qu’il a consommé de l’alcool dans les locaux de l’entreprise. Se pose en outre la difficulté de la preuve. Le recours à l’alcootest pour prouver l’état d’ébriété d’un salarié reste possible à condition que le règlement intérieur le prévoie. Considéré comme une restriction aux libertés, ce dispositif doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché au sens de l’article L. 1121-1 du Code du travail.

Avant d’envisager la sanction, Alain Truchot recommande donc d’aiguiller le salarié vers des réseaux de soins. L’état d’un de ses collaborateurs, suivi par un cabinet d’alcoologie, s’est amélioré au bout de quelques mois. Et à l’arrivée, le manager juge le résultat remarquable: « L’équipier est redevenu celui qu’il était auparavant. »

LES CONSEILS DU COACH

PATRICK BUCHARD

Ingénieur de sécurité au travail, fondateur d’Hassé-Consultants, cabinet d’alcoologie et d’addictologie d’entreprise

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Le médecin du travail, premier interlocuteur du manager

L’addiction à l’alcool ou à des substances psychoactives n’est pas un vice, c’est une maladie. Dans l’entreprise, le médecin du travail est le premier interlocuteur du manager. Dès que ce dernier a connaissance d’une addiction, il doit en parler avec le collaborateur concerné et lui conseiller de prendre contact avec le service de la médecine du travail, qui l’orientera vers les structures de soins adéquates.

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Confronter le collaborateur à la réalité

En cas de dysfonctionnement constaté au poste de travail, il faut mettre le salarié face à la réalité. Il est nécessaire de lister avec lui toutes ses irrégularités et de les lier à une potentielle addiction. Mieux vaut passer outre les postures de déni, qui sont un système de défense consubstantiel à la maladie. Il s’agit d’écouter le collaborateur non pas pour le juger mais pour l’aider à verbaliser et à comprendre les causes de sa dépendance. L’attitude que l’on a vis-à-vis du malade est déterminante pour la suite de la prise en charge.

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Pas de sanction sans soins

Si nécessaire, il est possible de faire planer la menace de sanction sur le salarié. Mais dans ce cas, il faut envisager des soins. Une des raisons pour lesquelles de nombreux malades atteints d’addiction ne se soignent pas tient à ce que l’on se contente d’imposer une mesure disciplinaire. Or licencier une personne alcoolo-dépendante, c’est la condamner. Ses chances de guérison sont minimes. En revanche, les salariés pris en charge à temps arrivent à guérir.

Auteur

  • José Garcia Lopez