« Cacher son identité est une blessure à l’ego des candidats »
Le CV anonyme est initialement un outil destiné à lutter contre les discriminations liées à l’origine. Sa généralisation dans les entreprises de plus de 50 salariés a été votée en 2006, dans l’émotion des émeutes de l’année précédente. Cette mesure avait alors une valeur symbolique. De même, publier les décrets n’aurait qu’une valeur symbolique.
Car il faudra s’attendre à de fortes résistances. Les recruteurs ressentiraient cette obligation comme une perte de prérogatives. Et si les PME le vivaient comme une contrainte, cela ne ferait que déplacer le moment de la discrimination. Il faut d’abord prendre le temps d’expliquer aux patrons que le CV anonyme leur permet d’accéder à davantage de candidats et aux meilleures compétences.
Il faudrait le leur demander. Dans une société qui s’individualise, le CV anonyme paraît aller à contre-courant. En le généralisant, le message des pouvoirs publics serait qu’il faut cacher son identité pour trouver du travail. C’est une blessure à l’ego des candidats.
Oui, mais seul, il ne sert pas à grand-chose. Dans les entreprises, il doit être couplé à une sensibilisation des recruteurs, ses résultats doivent être évalués et suivis. Et, au niveau national, il faudrait une démarche volontaire sur les origines, à l’image de ce qui se fait pour le genre, le handicap et l’âge.
Or le CV anonyme est présenté par les pouvoirs publics comme une sorte d’outil miracle pour lutter contre les discriminations sur l’origine. En termes économiques et d’affichage, cela se comprend, mais pas en termes d’efficacité. Pour vraiment avancer sur ce sujet, il faut préalablement qu’il y ait un portage politique fort avec un seul interlocuteur bien identifié au sein du gouvernement, ce qui n’est pas le cas actuellement.