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AREVA : LA STRATÉGIE D’ABORD, LA BASE DE DONNÉES UNIQUE EN SUPPORT

ZOOM | publié le : 30.09.2014 | NICOLAS LAGRANGE

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AREVA : LA STRATÉGIE D’ABORD, LA BASE DE DONNÉES UNIQUE EN SUPPORT

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Obligation inscrite dans la loi de sécurisation de l’emploi, la mise en œuvre d’une base de données économiques et sociales doit être réalisée rapidement, même si la complexité des négociations a motivé un délai officieux au-delà du calendrier légal. Exemple à Areva, où la direction et les IRP préparent un ambitieux accord concernant les modalités de la nouvelle consultation sur les orientations stratégiques.

C’est un projet d’accord très ambitieux que négocient les partenaires sociaux du groupe Areva en France. Depuis le mois de mai, ils se sont déjà réunis à sept reprises pour s’entendre sur le nouveau dialogue social à mettre en place autour de l’information-consultation sur les orientations stratégiques, puis pour évoquer la base de données économiques et sociales (BDES) qui doit en résulter. Le spécialiste de l’énergie, qui compte 30 000 collaborateurs, se met ainsi en conformité avec la loi de sécurisation de l’emploi, qui a créé cette nouvelle consultation sur les orientations stratégiques et son support, à savoir la base de données.

Le législateur et les signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI), dont est issue la loi, espèrent que les salariés seront ainsi en position de s’approprier la stratégie de l’entreprise. Areva est en retard sur le calendrier légal, qui fixait au 14 juin la date limite pour créer la BDES, même si les pouvoirs publics ont accordé un délai officieux aux entreprises (lire Entreprise & Carrières n° 1205 du 9 septembre). Mais les syndicats et la direction assument ce retard pour repenser les relations sociales autour de la stratégie. « Nous devions entamer une négociation pour améliorer notre accord GPEC, explique Étienne Boyer, directeur des politiques sociales. Nous avons saisi l’opportunité des nouvelles obligations légales pour renforcer notre dialogue social en amont de la GPEC, via une négociation approfondie autour des orientations stratégiques, sans chercher à tout prix à avoir une BDES opérationnelle dans les délais. Dans l’esprit de l’ANI, afin de donner plus de cohérence aux temps d’échanges paritaires tout au long de l’année. »

NOUVELLES PRÉROGATIVES POUR LE COMITÉ DE GROUPE

Premier sujet de compromis : « La consultation sur les orientations stratégiques devrait se faire au niveau du comité de groupe France (CGF), et non des CCE, car il n’y a qu’une seule stratégie pour le groupe », souligne Étienne Boyer. Avec, à la clé, de nouvelles prérogatives pour le CGF. « Il aurait été contre-productif d’avoir 28 navettes sur la stratégie entre chacun des 14 CCE et le conseil d’administration, ajoute Jean-Pierre Bachmann, coordinateur CFDT. A contrario, nous ne voulions pas que les autres instances soient privées d’information. »

Résultat : la note sur la stratégie sera présentée au CGF chaque année au mois de décembre, suivie éventuellement de l’expertise puis de la navette avec le conseil d’administration, enfin, elle sera exposée (sans avis) aux CCE et aux CE d’établissement. En juin, chacun d’eux sera consulté sur les impacts en matière d’emploi, induits par les prévisionnels à trois ans.

« Nous donnions déjà de nombreuses informations, mais la prospective était sur un an, et le lien entre la stratégie, les investissements, les emplois et les compétences faisait défaut », assure Étienne Boyer. Autre changement : « Toutes les IRP doivent avoir accès aux données, en fonction de leur mandat, et pas seulement les élus à Paris, insiste Patrick Lescure, coordinateur CGT. Pour être en mesure, localement, de discuter de l’avenir de chaque établissement. » Au final, tous les salariés mandatés pourraient avoir accès à tout ou partie des informations de la BDES, mais aussi les salariés non mandatés membres des commissions des CE et CCE… bien au-delà de ce que prévoit la loi (lire l’article p. 8).

Reste à définir le contenu de la BDES, support de la consultation sur les orientations stratégiques. Selon le projet d’accord, la direction devrait fournir des tendances à trois ans pour le chiffre d’affaires (CA), le résultat d’exploitation (REX), le carnet de commandes par activité, la contribution de chaque filiale au CA et au REX du groupe, ainsi que des prévisions chiffrées sur les effectifs par type de contrat, âge, sexe, ancienneté, statut et métier. Surtout, l’évolution prospective des emplois ne se limiterait plus aux 26 grandes familles de métiers, mais pourrait être affinée et détaillée par bassin, voire par établissement, pour aboutir à une GPEC plus opérationnelle. En espérant, côté syndical, que les prévisions ne soient pas entachées par des réorganisations annoncées au dernier moment et qu’elles permettent à chaque salarié de se situer dans son métier à trois ans, avec un zoom local sur les métiers critiques, en tension et en forte évolution.

SITUATION CONCURRENTIELLE

« Ce qui est gênant dans la configuration envisagée, juge le représentant CFDT, c’est que les données fournies sur les entités juridiques ne recouperont pas la réalité des business units (BU) et des business groups (BG), dont le périmètre est différent ; mais la direction n’a pas donné suite pour l’instant à nos demandes. » Une direction par ailleurs très favorable à la mise à disposition d’informations sur la situa­tion concurrentielle, « pour que chacun puisse appréhender précisément le marché sur lequel Areva évolue », précise Étienne Boyer. « Nous souhaitons également en savoir davantage sur les impacts environnementaux et leur mesure, sur les fonds de démantèlement des installations nucléaires de base - financement, provisionnement -, sur la recherche et le développement - à travers un document de synthèse -, sur la sous-traitance mais aussi sur les flux financiers entre les filiales et la société mère - redevance de marque, prestations croisées…, souligne Jean-Pierre Bachmann pour la CFDT. Ces flux peuvent avoir un impact sur les comptes des différentes entreprises et donc sur l’intéressement et la participation, que seulement 40 % des salariés perçoivent. Parallèlement, nous sommes d’accord pour rationaliser la fourniture de données. »

Son homologue CGT abonde : « Nous pouvons nous entendre sur une seule définition de la masse salariale et des effectifs et supprimer les informations redondantes, mais nous ne voulons pas perdre certaines possibilités d’analyses, par exemple sur les écarts salariaux hommes-femmes, au motif que la généralisation des bonnes pratiques de certaines entités générerait trop de travail pour les RH. »

REFUS D’UNE BASE DE DONNÉES FIGÉE

D’où le refus d’une BDES figée, avec des documents en PDF difficilement exploitables. « Nous souhaitons pouvoir extraire des données, faire nous-mêmes certaines requêtes et produire nos indicateurs, quitte à ce qu’il y ait une traçabilité informatique précise de nos demandes », indique le DSC CFDT. Le format de la BDES est en ce moment au cœur des discussions, la négociation devant ensuite se prolonger jusqu’à la fin de l’année sur les volets formation, mobilité et GPEC, pour déboucher probablement sur un seul projet d’accord.

Un accès très large à la BDES

« Nous sommes favorables à ce que la BDES soit accessible à tous les représentants syndicaux et du personnel, en fonction de leur niveau de mandat, estime Étienne Boyer, directeur des politiques sociales. Nous ne faisons pas de la confidentialité à l’égard des IRP un enjeu prioritaire. Les membres du comité de groupe devraient avoir accès à la totalité de la base de données, ceux des comités d’entreprise des 14 filiales devraient pouvoir visualiser les données spécifiques à leur entreprise (et aux établissements qui la composent) et les membres des comités d’établissement devraient être informés des données relatives à leur périmètre. »

Un schéma qui semble devoir être de mise dans de nombreux grands groupes. Mais les négociateurs souhaitent, en outre, donner un droit d’entrée à certaines IRP non prévues par la loi, telles que les représentants de sections syndicales et les délégués du personnel, lesquels pourraient avoir un accès à certains documents, en fonction de l’intérêt qu’ils présentent pour leur mandat.

Par ailleurs, les représen-tants des salariés au conseil d’administration, très largement informés au plan économique et financier, pourraient avoir accès aux principaux documents sociaux, tels que le bilan social.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE