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Sur le terrain

RETOUR SUR… La monétisation du compte épargne-temps de LCL

Sur le terrain | publié le : 30.09.2014 | SABINE GERMAIN

UN AN APRÈS la décision de la Cour de cassation l’y obligeant, LCL n’a toujours pas modifié les règles de monétisation des heures épargnées sur les comptes épargne-temps. Mais l’arrivée d’un nouveau DRH pourrait modifier la situation.

C’était il y a tout juste un an : le 25 septembre 2013, la Cour de cassation rejette le pourvoi de LCL contre l’arrêt rendu le 3 novembre 2011 par la cour d’appel de Paris. Après trois longues années d’un véritable bras de fer juridique, la banque est contrainte de revoir la formule de calcul concernant la monétisation des heures versées par les salariés sur leur compte épargne-temps (CET). Ce qui représente une majoration estimée à 37 % par FO, le syndicat ayant initié la procédure.

Un an plus tard, rien n’a changé : quand l’un des 19 300 salariés de LCL détenant un CET décide de verser une partie des jours épargnés sur le plan d’épargne entreprise (PEE) ou sur le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), l’heure est toujours valorisée selon la méthode de calcul énoncée dans l’accord de mise en œuvre du CET, datant de 2007. Lequel stipule dans son article 3.5 que, « lorsque l’épargne indemnisée provient de la ligne d’épargne en jours, l’indemnisation a lieu sur la base de la rémunération fixe brute (RBA) ainsi que, le cas échéant, la prime de spécialité éventuellement due ». Ce qui exclut, de fait, le 13e mois de l’assiette de départ. À LCL, celui-ci « fait pourtant partie intégrante du salaire de base », a argumenté Me Geneviève Alessandri devant la cour. L’avocate de FO fait référence à la convention collective de la banque, qui prévoit en effet, dans son article 39, que « les salaires de base annuels sont versés en 13 mensualités égales ». De fait, la décision de la Cour de cassation ne peut faire jurisprudence que dans les entreprises ou les branches dont la convention collective précise que le 13e mois fait partie du salaire de base.

« Anne Broches, DRH de LCL jusqu’au printemps dernier, a toujours considéré que la décision d’appliquer ce mode de calcul était injuste, observe Philippe Kernivinen, délégué syndical national FO de LCL. Elle a fait de son refus de l’appliquer une position de principe, bien qu’elle ait été confirmée en appel et en cassation. »

Résultat : début 2014, FO a décidé d’accompagner les salariés lésés dans une procédure prud’homale ; 200 dossiers sont actuellement portés par Me Charlotte Dubuisson : « Il s’agit de salariés ayant souhaité monétiser une partie de leur CET à l’occasion de leur départ de l’entreprise ou pour alimenter leur PEE ou leur Perco, commente Philippe Kernivinen. Les sommes en jeu ne sont pas colossales : pas plus de 4 000 euros par dossier, pour un montant total que nous estimons à 170 000 euros brut. Mais si les 19 300 salariés détenant un CET décident de bénéficier de la décision de cassation, cela pourrait coûter plusieurs millions d’euros à LCL. »

PROCÉDURE PRUD’HOMALE

Est-ce une raison pour refuser d’appliquer une décision de justice confirmée en Cassation ? « Pour une banque honorable, cela fait un peu désordre », sourit Philippe Kernivinen. FO a donc décidé de faire plier la banque en réactivant, parallèlement aux 200 procédures prud’homales, une nouvelle procédure collective : « Après plusieurs lettres de relance à la DRH, nous avons de nouveau confié le dossier à Me Alessandri. » Contactée quelques jours après l’interview de Philippe Kernivinen, début septembre, l’avocate se fait sibylline : « Si vous m’aviez appelée il y a trois jours, j’aurais pu vous expliciter les détails de cette nouvelle procédure. Mais aujourd’hui, je suis tenue à la confidentialité des échanges avec mes confrères de la partie adverse. » On comprend donc, à demi-mot, qu’une négociation pouvant aboutir à l’abandon de la procédure collective a été engagée.

LA DONNE A CHANGÉ

C’est qu’entre-temps, la donne a changé : à la direction des ressources humaines de la banque, Anne Broches a été remplacée par Renaud Chaumier, « un pur produit LCL, qui a occupé, entre 2008 et 2011, le poste de responsable des relations et de la gestion sociales, commente Philippe Kernivinen. Il est nettement plus ouvert au dialogue que celle qui l’a précédé ».

On peut donc s’attendre au règlement de cette situation pour le moins bancale. Même si cela risque de prendre un peu de temps : sur les 414 000 jours épargnés sur les comptes épargne-temps depuis 2007, 23 000 jours ont d’ores et déjà été monétisés et versés sur le Perco, 13 700 jours l’ont été sur le PEE. Si la règle de monétisation devient plus intéressante, davanta­ge de salariés pourraient choisir la conversion de leur épargne en argent plutôt qu’en temps. « Oui, cela peut coûter cher à LCL, insiste Philippe Kernivinen. Mais nous défendons là un principe d’égalité entre tous les salariés. » Sept ans après la signature de l’accord d’entreprise mettant en place le compte épargne-temps de LCL, le feuilleton n’est toujours pas clos…

Un stock potentiellement explosif

L’accord relatif au compte épargne-temps (CET) a été conclu le 25 juin 2007. Il a fait l’objet d’un avenant le 14 mars 2008 pour le mettre en conformité avec la loi du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat, qui élargit notamment les conditions de monétisation du CET. Sur les 21 000 salariés de LCL, près de 92 % détiennent un compte épargne-temps. Un dispositif sur lequel ils ont stocké 414 000 jours. Depuis 2008, 36 700 jours ont été monétisés : 13 700 jours ont été versés sur un PEE, 23 000 jours sur un Perco (déployé en 2011).

Les transferts des droits inscrits au CET vers le Perco (dans la limite de 10 jours par an – à l’exception des droits correspondant à la 5e semaine de congés annuels) font l’objet d’un abondement de LCL de 25 %. Les sorties du CET « en temps », dans le cadre d’un congé de fin de carrière, sont, elles, abondées de 15 %.

Auteur

  • SABINE GERMAIN