Les médecins du travail sont pris dans une logique contradictoire. Supposés indépendants comme praticiens, ils sont, comme salariés, dans un rapport de subordination à leur employeur. Comment s’en accommodent-ils et quelle incidence cette relation a-t-elle sur leur travail ?

C’est ce qu’a cherché à décrypter l’auteur, sociologue, chargé de recherches au CNRS, à partir d’interviews de médecins du travail et de professionnels évoluant dans leur entourage (directeurs de service, infirmiers, techniciens d’hygiène et de sécurité…) et de dossiers de contentieux opposant des médecins du travail à leurs employeurs. Les situations sont bien évidemment différentes selon que le médecin exerce dans un service interentreprises ou est directement attaché à une grande société, mais des paramètres communs existent : le contrôle administratif, l’usage sédimenté au fil de l’histoire qui fixe les limites d’action du médecin et, surtout, le fait que la médecine du travail, fondée sur la notion d’aptitude, est une médecine de sélection.

L’auteur s’interroge également sur la tendance à rendre invisibles les maladies professionnelles, ou parce qu’elles ne sont pas déclarées par le médecin, ou bien parce que cette déclaration est entravée par des procédures complexes. La médecine du travail devrait, selon l’auteur, être revue pour s’affranchir des intérêts économiques des employeurs et correspondre enfin à sa vocation, qui consiste à éviter toute altération de la santé par le travail.