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CRÉATION DE LA MÉTROPOLE DE LYON : UN CHANTIER RH INÉDIT

ZOOM | publié le : 16.09.2014 | VIGNE-LEPAGE

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CRÉATION DE LA MÉTROPOLE DE LYON : UN CHANTIER RH INÉDIT

Crédit photo VIGNE-LEPAGE

La Métropole de Lyon naîtra le 1er janvier 2015. Un vaste dispositif de mobilité a été déployé pour le transfert des agents issus de la communauté urbaine et du conseil général. Des négociations tous azimuts s’engagent pour définir un cadre d’emploi spécifique. C’est la première métropole au sens de la loi de 2014. Lille, Paris et Marseille suivront d’ici à 2016.

La construction de la Métropole de Lyon d’ici au 1er janvier 2015 représente un “chantier” RH inédit, observé avec attention par les autres grandes agglomérations françaises. C’est en effet la première métropole structurée depuis la loi de janvier 2014, qui crée ces collectivités locales (1). Sur le territoire de l’actuel Grand Lyon (59 communes), la Métropole reprendra les compétences de cette communauté urbaine, mais aussi toutes celles du département du Rhône. Le Grand Lyon et le département du Rhône disparaîtront, et un nouveau département, baptisé “Nouveau Rhône”, sera créé pour la partie rurale du département.

L’effectif de la métropole (8 700 personnes) sera constitué avec les 4 800 salariés actuels du Grand Lyon et par transfert de 80 % des 5 600 ETP du département (les 20 % restants passant au Nouveau Rhône). « C’est donc une opération montée et pilotée à deux », explique Vincent Roberti, directeur général des services (DGS) du département. Dès octobre 2013, un pilotage en “miroir” a été mis en place : la “Mission Métropole” au Grand Lyon et une « délégation à l’accompagnement vers la métropole » au département, composées d’élus et des directeurs. C’est là qu’ont été définies les “clés de répartition RH”, au regard de l’organigramme de démarrage de la Métropole (prévu pour deux ans). La mise en œuvre de cette répartition a été confiée aux deux DGS et aux deux DRH, assistés, côté Grand Lyon, par le service RH qui sera aussi celui de la métropole : 100 personnes en central et des services de proximité (80 personnes).

CHOIX DE L’EMPLOYEUR

Parmi les transferts à réaliser depuis le département, 3 100 ne posent pas problème, car ces personnes travaillent à 100 % sur le territoire métropolitain : elles sont notamment dans les collèges, les musées, les parcs ou les “Maisons du Rhône” (MDR, des centres médico-sociaux) de l’agglomération. Par ailleurs, 1 100 travaillent déjà à 100 % sur le territoire du Nouveau Rhône, où elles seront donc affectées. Mais d’autres de ces MDR interviennent, en revanche, sur un territoire partagé entre celui de la Métropole et celui du Nouveau Rhône. Leurs personnels ont donc eu à choisir l’un ou l’autre de ces employeurs, tout comme ceux des services centraux (finances, RH, etc.), soit 1 400 personnes au total. Mi-septembre, elles sauront toutes où elles sont affectées.

« Nous n’avons pas retenu l’option d’ouvrir tous les postes à tous les agents des deux collectivités, explique Lise Fournot-Bogey, DRH du Grand Lyon. Cela aurait mis tout le monde en insé­curité et nous n’en aurions pas eu le temps. » Bien que la loi fondant les métropoles date de janvier 2014, il a en effet fallu attendre avril, du fait des élections municipales, pour que les élus du Grand Lyon délibèrent sur la Métropole et que les fiches de postes soient réalisées. « Or nous voulons commencer dès octobre à faire les 8 700 feuilles de paie à blanc avec notre nouveau logiciel dédié, précise la DRH. En lançant le dispositif de mobilité le 13 mai, nous avons fixé le 12 septembre pour que chacun connaisse son affectation. » Tout en prévoyant de faire accompagner par Deloitte les personnes restant malgré tout sans affectation à cette date ou de relancer auprès de celles-ci une vague de propositions de postes restés vacants.

ENTRETIENS POUR LES ENCADRANTS

L’opération a commencé par l’offre des 145 postes de cadres, du plus élevé au moins élevé, aux managers du Grand Lyon et du département, sur une plate-forme Internet développée spécifiquement par Deloitte. « Pour les encadrants, nous avons choisi d’organiser des entretiens, afin de sécuriser la ligne hiérarchique, commente Lise Fournot-Bogey. Ils ont été conduits, pour chaque poste, par le futur n + 1 et un membre de la DRH. » Une trentaine de chargés de recrutements ont été mobilisés à cet effet. Si, en trois semaines, l’essentiel des affectations étaient décidées, fin août, 13 cadres n’avaient candidaté sur aucun poste. « Certains directeurs estiment qu’ils seraient déclassés en devenant chef de bureau ou de service », explique Christophe Chevreux, secrétaire adjoint de la CFDT. « Ils oublient, répond la DRH, qu’ils passent à une collectivité de bien plus grande envergure. » Ces “réfractaires” sont accompagnés par Deloitte pour trouver leur place.

Les non-cadres, quant à eux, devaient émettre sur la plate-forme Internet, avant le 8 juillet, trois vœux de postes classés par ordre de priorité. « Chacun d’eux n’avait accès qu’aux offres correspondant à son domaine de compétence et à son champ d’intervention, détaille Stéphanie Longueville, DRH du département. Un comptable du service personnes âgées, par exemple, se voyait proposer les postes de comptable dans les services centraux et dans les services personnes âgées du Nouveau Rhône comme de la Métropole. » Une aide était possible, grâce à un numéro d’appel (jusqu’à 130 appels/jour, 800 au total) et à une boîte mails dédiés, ainsi que par des rendez-vous confidentiels avec la DRH (70 ont eu lieu).

PRÉSÉLECTION DES ÉQUIPES

Passé le 8 juillet, les encadrants se sont emparés de la plate-forme pour opérer une présélection de leur future équipe. Pour cela, ils ne disposaient pas forcément de CV : « De nombreuses personnes ne l’avaient pas déposé, rapporte Christophe Chevreux, car elles vivaient mal d’avoir à postuler comme si elles cherchaient du travail. » La DRH a cependant fourni aux managers les comptes-rendus des derniers entretiens d’évaluation. « J’ai réalisé les arbitrages finaux avec la DRH du département, explique Lise Fournot-Bogey. Dès qu’il y avait hésitation entre plusieurs candidats, nous cherchions quelle décision permettait d’affecter le plus possible d’agents. » Quitte à ne pas respecter la hiérarchie de leurs vœux.

MOUVEMENTS SOCIAUX ATTENDUS

Chacune de ces décisions était transmise au futur responsable RH de proximité concerné, qui en informait le salarié. « Il y aura forcément des mécontents », prédit Vincent Roberti qui, comme Michèle Vullien, vice-présidente du Grand Lyon, s’attend à des mouvements sociaux cet automne… « D’autant, poursuit le DGS, que les organisations syndicales sont dans une émulation concurrente, les élections professionnelles étant prévues le 4 décembre. »

(1) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l’action publique et à l’affirmation des métropoles.

Impact sur la santé des agents

Les positionnements des non-cadres ne se sont pas faits sans inquiétude : « J’ai découvert que mon poste n’existait plus, témoigne Valérie (prénom d’emprunt). Étant très mal, j’ai contacté la médecine du travail, mais on m’a juste répété de me positionner sur d’autres postes, dont ceux de collègues ! » Laurence Margerit, élue CGT à l’intersyndicale constituée pour l’occasion, pointe « un manque de transparence » induisant une « souffrance » de certains agents. Le 3 juillet, soit quelques jours avant la date limite de candidature, une grève a été suivie dans les deux collectivités. « À la demande du CHSCT du département, ajoute Laurence Margerit, le cabinet Aliavox conduit actuellement un audit des impacts des conditions de ce transfert sur la santé des agents. »

Tout reste à négocier

Les agents ont dû se positionner sans savoir quel sera le cadre d’emploi à la Métropole : « C’est un énorme travail, explique Lise Fournot-Bogey, DRH du Grand Lyon, car nous aurons 250 métiers différents, dans toutes les fonctions publiques et toutes les filières. » Or, tout « aligner par le haut », comme le demandaient les syndicats, coûterait 20 millions d’euros par an : impossible pour les finances publiques. « Nous voulons plutôt rétablir une équité entre filières », ajoute la DRH. De fait, chaque agent va conserver en 2015 son régime indemnitaire, et les aménagements hebdomadaires de temps de travail des “ex-département” sont maintenus jusqu’en août. « Après des réunions d’état des lieux comparatifs, nous avons commencé les négociations en juin sur le régime indemnitaire et le temps de travail, poursuit la DRH. Sur ce dernier point, nous voulons terminer en fin d’année pour les agents administratifs, qui n’ont que des horaires de bureau. Pour les autres, il pourra y avoir autant de modalités que de nécessités, comme celle de faire tourner une station d’épuration 24 heures sur 24. »

REPRÉSENTATION MIXTE

Mais les travailleurs sociaux issus du département craignent qu’on méconnaisse leur métier. « Au Grand Lyon, ils ne savent pas qu’une assistante sociale ne peut faire les visites à domicile que le soir, quand les gens sont chez eux », cite Laurence Margerit, élue CGT. C’est pourquoi une négociation est aussi en cours pour une représentation “mixte” du personnel : « Selon les textes, ce sont les IRP du Grand Lyon qui seront compétentes en l’attente d’élections, explique la DRH. Nous pensons donc faire siéger des représentants des ex-département en tant qu’experts, comme prévu par la loi. »

Il faut aussi négocier sur la protection sociale complémentaire, les titres restaurants, la subvention à l’association du personnel, la politique d’avancement ou encore sur la rémunération, dans l’attente d’un régime métropolitain, des recrutés de 2015. « Il y a tant de sujets qu’à notre demande, un document de méthode est en cours de négociation, assure Christophe Chevreux, de la CFDT. On nous a dit que la “convergence” va durer six ans ! ».

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  • VIGNE-LEPAGE