logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL Le syndicat des avocats d’entreprise en droit social

Sur le terrain | CHRONIQUE | publié le : 16.09.2014 | CLAIRE LE TOUZÉ

Image

LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL Le syndicat des avocats d’entreprise en droit social

Crédit photo CLAIRE LE TOUZÉ

LE CO-EMPLOI : UNE NOTION FLOUE AUX IMPACTS LOURDS POUR LES SOCIÉTÉS MÈRES

Le développement de la notion de co-emploi est une nouvelle source d’inquiétude pour les sociétés mères des groupes français et surtout étrangers. En effet, le co-emploi met à l’épreuve le principe d’autonomie des personnes morales : il ajoute à l’employeur initial un second débiteur des obligations sociales ; généralement la société mère, parfois une société sœur, exceptionnellement une société extérieure (comme une société de gestion de portefeuilles ayant investi dans la filiale).

Le co-emploi est utilisé comme arme, le plus souvent dans des contextes de liquidation judiciaire où les salariés tentent de trouver un “payeur” pour compléter leur indemnisation post-licenciement liée à la fermeture de l’entreprise.

Cette notion purement prétorienne vise à identifier un lien de subordination d’une société tierce avec les salariés dont elle n’est pas l’employeur.

Le concept a évolué vers une « confusion d’intérêt, d’activité et de direction » se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale.

– La confusion d’intérêt est reconnue lorsque deux entités poursuivent de concert le même objectif.

– La confusion d’activité suppose une imbrication des activités qui ne sont plus séparables.

– La confusion de direction – critère déterminant – renvoie à la confusion des pouvoirs de direction et à l’absence d’autonomie décisionnelle.

La société mère devient ainsi co-employeur lorsqu’elle s’immisce dans la gestion de sa filiale au point de rendre impossible l’identification de sa personne morale conduisant à une perte d’autonomie. Cette démonstration est conduite à partir d’un faisceau d’indices scrupuleusement recherchés par les juges, la confusion étant le dénominateur commun de cette notion.

La reconnaissance du co-emploi a un effet rétroactif : les co-employeurs sont tenus solidairement responsables des obligations contractuelles et deviennent débiteurs des sommes dues et des possibles dommages et intérêts accordés aux salariés dans un cadre judiciaire.

Si la Cour de cassation entend rassurer les praticiens en indiquant que la seule existence d’un groupe n’est pas suffisante à reconnaître le co-emploi, le manque de précision du critère de la confusion et son application aléatoire par les juges du fond laisse planer une grande insécurité juridique.

Il convient donc de lutter contre le risque de reconnaissance du co-emploi. Un moyen efficace est de respecter l’autonomie des filiales et de veiller à organiser leur structure en préservant leur latitude de décision tant en matière sociale que commerciale.

À éviter : une immixtion trop importante dans la gestion des ressources humaines de la filiale (par exemple en définissant les plans de bonus des salariés de la filiale, en imposant des choix stratégiques à la place de la filiale, en participant à la négociation des accords collectifs – et du PSE – de la filiale).

Par deux arrêts notables du 8 juillet dernier, la chambre sociale semble se détacher du co-emploi et ouvrir une nouvelle voie : la responsabilité délictuelle d’une société mère peut être engagée lorsqu’elle aura pris des décisions qui aggravent la situation économique de sa filiale et n’auront profité qu’à son unique actionnaire.

Intéressant contournement du co-emploi par le biais de la responsabilité délictuelle, celui-ci n’étant qu’un habillage contractuel à une logique de responsabilité. Ira-t-il jusqu’à l’extinction de la notion de co-emploi ? Rien n’est moins sûr étant donné la complexité organisationnelle et décisionnelle des groupes étrangers notamment où l’autonomie de la filiale française est une utopie. Le co-emploi a encore de belles heures devant lui.

Auteur

  • CLAIRE LE TOUZÉ