LA MÉRITOCRATIE semble le socle commun sur lequel repose la légitimité de la mise en concurrence des individus. L’auteur, journaliste au Washington Post, entend démontrer qu’elle est un trompe-l’œil. Là où l’intelligence analytique est innée et donc attachée à l’individualité, l’intelligence pratique est surtout culturelle et sociale, de telle sorte qu’il ne suffit pas d’être intelligent pour réussir sa vie.

À partir d’un certain niveau d’intelligence analytique – d’autant plus facilement atteint par les étudiants des meilleures écoles qu’il s’agit d’une notion statistique (l’intelligence de 90 % de la population étant par définition moyenne) –, la réussite sociale et professionnelle dépend de l’éducation au sens large, c’est-à-dire des connaissances intellectuelles et de l’aptitude, acquise en famille, de savoir se faire entendre. Rien de tel pour cela qu’être issu des classes moyennes et favorisées, où les parents sont d’autant plus attentifs aux enfants que la réussite de ceux-ci s’inscrit comme marqueur de réussite personnelle. L’habitude qu’ont les enfants de ces familles d’être soutenus contribue si bien à leur forger une identité de gagnant que presque tous les “winners” ont à peu près le même profil.

Un pavé dans la mare de l’idéologie américaine du self-made-man et dans celle de l’idéologie européenne de la réussite telle qu’elle justifie les voies dites de l’excellence comme celles de la relégation sociale.