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RÉMUNÉRATIONS : Coup de frein sur les retraites d’entreprise

L’enquête | publié le : 16.09.2014 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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RÉMUNÉRATIONS : Coup de frein sur les retraites d’entreprise

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

Les professionnels de l’épargne retraite d’entreprise font grise mine. Les employeurs ont trop peu de marges de manœuvre pour lancer de nouveaux projets, tandis que les dispositifs existants sont passés au crible. Seul le peu contraignant Perco poursuit son ascension. La tendance est à la responsabilisation des salariés, avec la mise à disposition d’outils a minima.

Le marché de la retraite d’entreprise ne brille pas par son dynamisme. Dans un communiqué du 25 août dernier, Le think tank Générations Éric (Épargne, retraite, investissement, croissan­ce) met les pieds dans le plat en s’appuyant sur une enquête de l’Association française de l’assurance, non rendue publique, concernant les contrats de retraite d’entreprise en 2013. Menée auprès de 22 sociétés d’assurance représentant plus de 90 % du marché, celle-ci indique « une baisse de 18 % des cotisations » et « une hausse de 7 % des prestations » par rapport à 2012 (voir l’encadré Chiffres clés).

Trop lourdement taxés, « les contrats à prestations définies sont en voie de disparition rapide ». Et « les contrats à cotisations définies ne progressent pas comme ils le devraient ». Ce qui ne laisse pas d’inquiéter le collectif de réflexion dans un contexte de dégradation des régimes obligatoires. « À la faveur de la crise et d’une réglementation ubuesque, en quelques années, le marché de la retraite d’entreprise est passé d’un statut de marché secondaire à celui de marché marginal, voire sans intérêt pour la plupart des acteurs », s’inquiète-t-il.

La plupart des cabinets de conseil spécialisés tiennent le même discours: la retraite d’entreprise est un marché difficile, où les nouveaux projets se font rares. « Dans un environnement économique difficile, les entreprises privilégient l’individuel par rapport au collectif », abon­de Jean-Philippe Allory, associé et directeur général d’Adding (actuariat et conseil en RH). » La préoccupation du moment ? « Comment faire mieux sans dépenser plus, soutient-il. On triture les systèmes actuels pour les maintenir à iso-budget. » Scor vient ainsi de refondre ses anciens avantages pour proposer un système complet d’épargne retraite, moyennant la suppression de cinq jours de RTT (lire p. 22). Le bond du forfait social à 20 % à l’été 2012 et l’obligation de mise en conformité des dispositifs de protection sociale complémentaire à l’égard des catégories objectives ont largement contribué à la morosité ambiante. D’autant que les syndicats et les salariés ne sont pas forcément demandeurs, préférant négocier du cash.

UN CONTEXTE À PRENDRE EN COMPTE

Mais la question est aussi liée à la culture de l’entreprise et à la typologie des collaborateurs, remarque Sofia Sefrioui, directrice associée de Harold Consulting Group (conseil en rémunération et stratégie RH). « Il faut considérer la compétitivité du package de rémunération dans son ensemble. Les réponses à apporter diffèrent selon les contextes. »

Du reste, cette problématique d’épargne retraite concerne surtout la population cadre (particulièrement concentrée dans le secteur des services aux entreprises), qui doit s’attendre à une forte dégradation de son taux de remplacement(1). Et qui dispose, de fait, d’une certaine capacité d’épargne. « L’article 83 est rarement déployé sur l’ensemble des salariés », confirme Alain Boyadjian (Aon Hewitt), du Club de l’épargne salariale. « Le salaire médian en France est de 1 750 euros net, rappelle Denis Falcimagne, directeur de projets, spécialiste des politiques de rémunération et avantages sociaux à Entreprise & Personnel. À ce niveau, il est difficile de mettre de l’argent de côté de manière continue. »

CAPITALISER, UNE IDÉE QUI PROGRESSE

Cependant, l’inquiétude monte chez tous les salariés quant au montant de leur future pension. Et l’idée d’une retraite par capitalisation fait son chemin, y compris au sein des organisations syndicales, constate Julien Jacquemin, en charge de l’épargne retraite chez Mercer (conseil en RH, santé, prévoyance et retraite). « Nous intervenons lors des négociations en entreprise et nous voyons bien que le sujet retient leur attention. Le fait de dire que cela revient moins cher que du salaire ne pose plus de problème. C’est un vrai changement de mentalité. »

La capitalisation : nos voisins suisses et anglais sont déjà familiers du sujet (lire p. 25). Et, dans l’Hexagone, le déficit qui pèse toujours sur les régimes complémentaires Agirc-Arrco pourrait bien redonner de l’élan à cette problématique de retraite supplémentaire. « Les Comp & Ben l’ont bien en tête, notamment pour les collaborateurs ayant une carrière internationale », assure Valérie Mirvault, responsable de l’offre rémunération globale chez Siaci Saint Honoré (courtage et conseil en assurance).

S’occuper de la retraite en entreprise, oui. Mais comment ? Car la question relève bel et bien de l’individu, de sa situation de famille (études des enfants, parents dépendants…), de son patrimoine, de son âge, de sa mobilité à l’international, etc. « Les attentes des salariés peuvent être extrêmement différentes, observe Valérie Lamaison, directrice épargne retraite entreprise chez Siaci Saint Honoré. Certains voudront, sans pénaliser leurs droits à la retraite, partir plus tôt ou bénéficier de souplesse sur leur temps de travail avec un compte épargne-temps (CET). D’autres voudront que leur entreprise les aide à se constituer une épargne afin d’améliorer leur taux de remplacement : Perco et article 83 seront alors des solutions, avec leurs caractéristiques propres. »

Si l’article 39 à prestations définies bat de l’aile, le système additif peut néanmoins s’avérer utile en complément d’un 83 qui, seul, n’intéressera pas les salariés proches de la retraite. « Avec ce régime, différent du régime chapeau ou différentiel, l’entreprise garantit un complément global de retraite s’ajoutant au régime obligatoire, explique Denis Falcimagne. On peut faire un couplage entre un 83 et un système additif – sur une base, par exemple, de 2 % de salaire par tranche d’ancienneté, dans la limite de 10 %. Ce double mécanisme s’appliquera à partir d’une ancienneté déterminée, le 39 venant compléter la prestation du 83 à hauteur de 10 %. » Une voie suivie par Schneider Electric, qui a supprimé son congé de fin de carrière au profit d’un système d’épargne retraite (lire p. 23).

En clair, il n’y a pas une solution, mais un ensemble de dispositifs permettant de répondre à différents besoins. Tant du point de vue du salarié que de celui de l’employeur, qui, pour dégonfler les CET, peut inciter ses collaborateurs, à l’aide d’un abondement approprié, à transférer des jours monétisés sur un Perco.

LE PERCO A LA COTE

Contrairement aux solutions assurantielles, cet outil d’épargne, « qui permet un moindre engagement de l’employeur en termes de coût et de fiscalité », rappelle la Drees dans un récent rapport, poursuit d’ailleurs son ascension: en 2012, 1,25 million d’adhérents y ont effectué des versements. Lesquels ont augmenté de 14 % par rapport à 2011, avec un bond des encours de 34 %(2). Ils restent néanmoins très faibles comparés à ceux des régimes 83(3).

Pour Julien Jacquemin, de Mercer, « l’entreprise ne doit pas forcément s’engager sur des montants importants, mais aider ses salariés en leur proposant les dispostifs adéquats ». Si la cotisation d’un 83 se situe généralement entre 3 % et 5 %, financée en tout ou partie par l’employeur, rien n’empêche ce dernier de proposer moins, en autorisant le salarié à alimenter librement son compte via les versements individuels facultatifs (VIF, lire ci-dessus). Sur le Perco, « il vaut mieux ne pas fixer l’abondement éventuel dans l’accord, mais le renégocier chaque année », préconise Denis Falcimagne.

Le déploiement d’un nouvel outil ne s’impose pas toujours: « Sans forcément mettre en place un Perco, beaucoup d’entreprises ont retravaillé l’offre de gestion financière de leur plan d’épargne entreprise (PEE) pour en améliorer les rendements à long terme », soutient Gaël Collin, associé fondateur de Sinfoni (courtage et conseil en investissements financiers). « L’important, c’est que le véhicule existe, que l’on y associe un objectif retraite, et que le salarié s’y retrouve et devienne acteur », conclut Valérie Lamaison. À cet égard, le volet information d’un projet retraite est primordial. Ce n’est pas chez Limagrain qu’on dira le contraire (lire p. 24).

H. T.

1 Selon les projections de taux de remplacement pour les générations 1950 à 1990 sur la base de cas types du Conseil d’orientation des retraites (février 2013), ce taux sera de 51 % pour un cadre à carrière continue partant à la retraite au cours de la décennie 2050-2060, dont 29 % assurés par la retraite complémentaire.

2 “Les retraités et les retraites”, Drees, avril 2014.

3 L’encours total géré dans les Perco s’établit, au 31 décembre 2013, à 8,6 milliards d’euros, selon l’AFG. Celui des 83 atteint presque 51 milliards en 2012, selon la Drees.

INCONTOURNABLES 83 ET PERCO

1) L’article 83 : contrat d’assurance de groupe à cotisations définies. L’entreprise en choisit la population bénéficiaire, dans le respect des “catégories objectives”.

• Pour l’entreprise : cotisations employeur déductibles du résultat imposable et exonérées de charges sociales dans la limite d’un plafond (5 % du PASS ou 5 % de la rémunération brute limité à 5 PASS), diminué de l’abondement au Perco. Forfait social de 20 % sur la partie des cotisations exonérées de charges sociales.

• Pour le salarié : cotisations (employeur et salarié) déductibles du revenu imposable dans la limite de 8 % de la rémunération annuelle brute (limitée à 8 PASS), diminué de l’abondement sur le Perco et des jours monétisés transférés sur le Perco. Les versements individuels facultatifs (VIF), autorisés par la réforme des retraites de 2010, sont déductibles dans la limite d’un plafond (10 % des revenus nets ou 10 % du PASS de l’année précédente). La sortie s’effectue en rente, soumise à l’impôt sur le revenu (IR) après abattement de 10 %.

2) Plan d’épargne pour la retraite collectif ou Perco. Il est ouvert à tous les salariés, qui doivent aussi avoir accès à un PEE.

• Pour l’entreprise : pas d’obligation de financement (hors frais de tenue des comptes). Abondement déductible du bénéfice net imposable dans la limite de 16 % du PASS par an et par bénéficiaire et exonéré de charges sociales, hors forfait social de 20 % (mais assujetti à une contribution sociale de 8,2 % sur la part supérieure à 2 300 euros brut).

• Pour le salarié : alimentation par intéressement, participation, versements volontaires, abondement, droits inscrits au CET, ou sommes correspondant à des jours de repos non pris. Abondement exonéré d’IR et de charges sociales, soumis à CSG et CRDS. Sortie en rente, soumise à l’IR selon l’âge et aux prélèvements sociaux (15,5 %), ou en capital, avec exonération d’IR sur l’épargne constituée et prélèvements sociaux sur les plus-values (15,5 %).

CHIFFRES CLÉS : 5,4 MILLIARDS D’EUROS

C’est le total des cotisations versées au titre des contrats de retraite d’entreprise en 2013, dont 3,8 milliards pour les articles 39 et 83, qui atteignent, respectivement 1,6 milliard (en baisse de 41 % par rapport à 2012) et 2,2 milliards (- 1 %). Le think tank Générations Éric observe que, depuis 2004, les versements annuels sur ces deux types de contrat « n’ont jamais dépassé les 5 milliards d’euros et se situent, en 2013, au deuxième point le plus bas de la décennie, après 2011 », où la collecte n’avait rassemblé que 3,5 milliards.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT