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Piloter la masse salariale, nouvel enjeu pour les DRH

Pratiques | publié le : 09.09.2014 | NICOLAS LAGRANGE

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Piloter la masse salariale, nouvel enjeu pour les DRH

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Si le suivi mensuel de la masse salariale est très répandu, les ajustements budgétaires, les simulations et les prévisions sont nettement moins pratiqués. Ce pilotage est pourtant essentiel, parce qu’il crédibilise les RH et leur donne de nouvelles marges de manœuvre.

Septembre. Une période clé pour de nombreux DRH, DAF et contrôleurs de gestion, qui doivent préparer les budgets 2015, chiffrer l’évolution de la masse salariale et cadrer l’enveloppe de la NAO. Le rituel fait appel à quelques règles de calcul simplifiées et exige encore bien souvent de se replonger dans les inusables fichiers Excel.

« L’élaboration du budget est un exercice maîtrisé et la quasi-totalité des entreprises effectuent ensuite un suivi rigoureux, au mois le mois, assure Claire-Marie de Vulliod, analyste senior au CXP, cabinet d’analyse et de conseil en logiciels. Mais moins de la moitié d’entre elles procèdent à des révisions budgétaires mensuelles ou même trimestrielles, et seule une minorité dispose d’un logiciel de gestion de la masse salariale. » Ce sont les résultats d’une enquête menée auprès d’interlocuteurs RH et financiers de 150 entreprises (dont les deux tiers de plus de 500 salariés), publiée en avril dernier par le CXP en partenariat avec l’éditeur de solutions décisionnelles spécialisé Euristic, sous la forme d’un livre blanc*.

Vers une solution métier moins lourde

« Lorsque les DRH mettent à plat leur SIRH mais doivent revoir leurs ambitions à la baisse pour un problème de coût, c’est souvent le module de masse salariale ou de gestion des notes de frais qui est sacrifié, estime Jean-Louis Baudrand, directeur associé d’Euristic. L’évolution de la masse salariale est perçue, à tort, comme étant subie et fortement liée à une mise en conformité, alors qu’un réel pilotage, avec des prévisions de qualité, permet de dégager de nouvelles marges de manœuvre. »

Pourtant, la donne commence à changer pour de multiples raisons : rationalisation accrue des dépenses depuis le début de la crise, importance des normes, contraintes de reporting et de consolidation des données… « De nombreux clients fonctionnaient sur Excel et avaient construit eux-mêmes leur grille d’indicateurs, ajoute Kenza El Khomri, directrice d’activité RH à ADP, spécialiste des services RH, paie et gestion des temps. Après le départ des anciens gestionnaires, les nouveaux venus s’orientent souvent vers une solution métier moins lourde, plus rapide et plus fiable. »

Illustration chez Virbac France (laboratoire de santé animale). « La masse salariale augmentait rapidement, parallèlement à la croissance des effectifs – 1 200 salariés en France aujourd’hui –, rapporte David Agnese, responsable SIRH et contrôleur de gestion sociale. Les saisies manuelles étaient source d’erreurs, et nous ne pouvions qu’expliquer grossièrement les écarts. »

Au printemps 2009, Virbac choisit le logiciel Eliot d’Euristic et implique ses contrôleurs de gestion, la DRH et la finance dans le groupe projet mené par la DRH. Résultat, affirme David Agnese : « Un processus budgétaire réalisé en quatorze jours (ETP), contre soixante auparavant à périmètre équivalent. Par ailleurs, nous avons développé de nouveaux usages. Nous connaissons mieux l’absentéisme et ses impacts budgétaires, nous suivons mieux les différents facteurs d’évolution de la masse salariale et avons pu mettre en place un suivi horaire et salarial détaillé pour le personnel intérimaire. Ce qui génère aussi des questions plus pointues de la finance et des RH. »

Rationalisation des dépenses

C’est au contraire dans un contexte difficile, avec une très forte concurrence notamment liée à la mondialisation, que la société Arc International (Luminarc, Cristal d’Arques), qui compte aujourd’hui 5 700 salariés en France, s’est dotée d’un nouvel outil. À la suite d’un appel d’offres, l’entreprise opte pour Eliot fin 2011.

« Le premier bénéfice est d’avoir supprimé de nombreuses feuilles de calcul, devenues trop complexes, et ainsi permis de crédibiliser les données auprès de la direction générale et des actionnaires, explique Laurent Bacquet, responsable du contrôle de gestion sociale. Nous avons pu ensuite rationaliser les dépenses plus efficacement et ajuster nos prévisions sur le calcul du CICE, les nouvelles règles de chômage partiel ou l’optimisation des règles de prises de repos. Mais cela suppose en amont un langage commun avec la direction financière et la DRH. »

Adopter un langage commun

« Les différences de point de vue entre DAF et DRH compliquent le pilotage de la masse salariale, confirme Jean-Louis Baudrand. Pour les effectifs, les ressources humaines vont plutôt raisonner en nombre de salariés inscrits en fin de mois, alors que les financiers privilégieront le nombred’ETP. Les mises à jour rétroactives des données sociales, impactant la cohérence des tableaux de bord RH, ne sont pas comprises par tous. Les DRH doivent être moteurs, parce que piloter la masse salariale, c’est piloter les RH, c’est pouvoir effectuer des arbitrages sur l’utilisation des ressources humaines. »

Illustration à Keolis (transport public de voyageurs, 35 000 salariés) : « Si le processus budgétaire est d’abord financier, la DRH dispose des leviers d’action qui sont financièrement les plus significatifs, parce qu’elle maîtrise l’organisation du travail, juge Sébastien de Tournemire, directeur rémunérations et administration du personnel. Avant, nous avions une modélisation budgétaire filiale par filiale. Désormais, nous prenons les mêmes hypothèses de croissance économique ou d’évolution des prix pour nos 150 filiales, ce qui fiabilise l’ensemble du système. Pour autant, chaque patron d’entité et chaque RRH gardent la main pour suivre leurs dépenses et construire leurs propres simulations. » Avec aussi de fortes implications pour la NAO (lire l’encadré p. 13).

« Lorsque la direction financière élabore un budget, la DRH est sollicitée pour fournir des données prévisionnelles et pour expliquer les écarts, relève Évelyne Génin, responsable du déploiement des solutions RH d’ADP. En s’équipant d’un outil de pilotage, les DRH peuvent montrer qu’ils maîtrisent finement la situation. Ils peuvent coupler le module de masse salariale avec un module de reporting social, gagnent du temps dans la production de données et sont à même de proposer des simulations éclairantes, par exemple en projetant sur la masse salariale un vieillissement de l’effectif de plusieurs années. »

L’appétence pour le contrôle de gestion sociale (suivi, optimisation et pilotage des processus RH) se retrouve au niveau des formations à Cegos, avec une forte augmentation des demandes de formation sur mesure et du nombre de stagiaires sur cette thématique (+ 55 % en un an sur le stage de deux jours en inter-entreprise). « Le profil des inscrits est mixte, indique Virginie Loye, responsable des offres de formations RH et compétences. Ces formations permettent de réconcilier les logiques RH et financière, de parler le même langage, notamment dans les processus budgétaires et de planification stratégique des ressources et des talents. Elles permettent au public RH d’inscrire ses prises de décision dans une dimension stratégique plus forte, de mieux maîtriser les indicateurs et de chiffrer les plans d’action pour, au final, avoir davantage de poids. » Une évolution qui pourrait être accentuée par la montée en puissance de la base de données économiques et sociales…

* Masse salariale : de la gestion au pilotage. <www.cxp.fr>

L’ESSENTIEL

1 La gestion de la masse salariale se résume souvent à un suivi sur Excel, sans donner lieu à des révisions budgétaires régulières ni à des prévisions affinées.

2 Les entreprises équipées d’un logiciel de pilotage veulent accélérer et sécuriser leurs prises de décision, en anticiper l’impact et mieux maîtriser l’évolution des frais de personnel.

3 Le pilotage de la masse salariale nécessite une étroite coordination avec les directions financières et revêt un fort enjeu de pouvoir pour les DRH.

Mieux cadrer la NAO

L’usage est encore minoritaire, mais il progresse. « Les outils de pilotage de la masse salariale permettent de mieux travailler sur la gestion prévisionnelle des effectifs, de multiplier les scénarios d’évolution des rémunérations et d’en mesurer les impacts immédiatement. Un atout précieux pour la NAO, assure Jean-Louis Baudrand, directeur associé d’Euristic. Mais ils permettent aussi de plancher sur les révisions de salaires – augmentations individuelles et avancements –, en responsabilisant les managers, puisque ce sont eux qui saisissent les hypothèses d’augmentation. »

« Dans nos 150 filiales, la NAO est conduite par les directeurs de filiale et les RRH, qui disposent désormais de nombreux indicateurs via l’outil de gestion de la masse salariale (Eliot), avec la mise en avant de points de vigilance, estime Sébastien de Tournemire, directeur rémunérations et administration du personnel de Keolis. Ils peuvent identifier plus facilement leurs leviers de négociation et sont davantage sensibilisés aux impacts financiers de leurs décisions, ce qui est loin d’être neutre. »

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE