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Les associations parient sur les emplois d’avenir

Pratiques | publié le : 02.09.2014 | STÉPHANIE MAURICE

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Les associations parient sur les emplois d’avenir

Crédit photo STÉPHANIE MAURICE

Plus de 40 000 jeunes travaillent en emplois d’avenir dans le secteur associatif. Désormais, l’enjeu est de mettre en place pour eux des parcours de formation qualifiants, afin de respecter l’esprit de ce dispositif de contrat aidé.

Bonne nouvelle pour le gouvernement : les associations ont joué le jeu des emplois d’avenir. Le secteur associatif est celui qui les embauche le plus: au 30 juin, il emploie 33,1 % des 122 000 jeunes ayant signé ce contrat aidé. Même les collectivités territoriales, souvent très sollicitées sur ce type de dispositif, font moins bien en accueillant 27 % des emplois d’avenir existants. Un succès qui n’était pas évident de prime abord : « Une petite association ne va recruter qu’un poste. Ce qui veut dire que, pour 100 postes, il faut trouver 100 associations. C’était un peu compliqué, surtout dans un contexte de baisse de subventions », note Jean-Philippe Revel, délégué CGT des missions locales, chargées du déploiement et du suivi de ces contrats. Ce que reconnaît Sébastien Darrigrand, délégué général de l’Udes, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire : « 20 % de nos employeurs évoquent un contexte économique difficile. Seules 12 % des embauches sont effectuées en CDI. »

Aide de l’État

Pour atténuer cette distorsion de l’esprit d’origine, les CDD sont à 52 % conclus pour trois ans. Et ce sont les structures de moyenne importance, entre 10 et 50 salariés, qui se sont le plus mobilisées, en particulier dans les domaines du médico-social, de l’animation et du sport. « Elles y ont intérêt, l’aide de l’État est importante: sur un temps plein, il leur reste à peu près 600 euros à charge », estime Jean-Michel Mourouvin, délégué Synami (syndicat CFDT des métiers de l’insertion). Hervé Hénon, représentant de l’Union nationale des missions locales, y voit une autre raison : « Ce n’est pas un gamin qui vient pour quatre mois et repart, mais quelqu’un qu’on forme sur deux ou trois ans, en réfléchissant à des projets de développement associatifs, et en prenant un risque budgétaire calculé. »

Montée en compétences

Mais il faut être en capacité d’assurer l’ingénierie administrative et en ressources humaines nécessaire pour conclure le contrat et monter le plan de formation. Sans qualification, exclus du système scolaire, parfois désocialisés, les jeunes en emploi d’avenir exigent pourtant du temps de la part de leurs employeurs. « On ne peut pas les encadrer de n’importe quelle façon, confirme Hervé Hénon. Il faut s’appuyer sur un cadre qualifié pour qu’ils montent en compétences. »

Sébastien Darrigrand ajoute : « Il peut aussi y avoir un décalage entre les attentes du jeune et le métier. Des éléments de démotivation se font jour, comme la gestion des horaires ou de la fatigue. » Conséquence ? Beaucoup des formations mises en place pour ces salariés sont d’abord des adaptations au poste de travail. « Tous secteurs confondus, c’est le cas pour 60 000 d’entre eux. Seuls 23 000 sont dans une formation qualifiante, regrette Hervé Hénon. Il faut désormais enclencher un second palier: c’est tout l’enjeu du dispositif. Si, au bout de trois ans, la structure ne peut pas garder le jeune, celui-ci doit être capable de rebondir. »

Mais il faut se rendre à l’évidence : si, en théorie, le jeune peut choisir n’importe quelle formation, maçon par exemple, alors qu’il a été recruté comme secrétaire, dans les faits, il en suit une qui correspond à l’association où il travaille. « C’est plutôt l’employeur qui décide, car il veut lui faire acquérir les compétences professionnelles dont il a besoin », note Carole Picard, conseillère en mission locale dans l’Aube.

Enfin, dernière difficulté, les associations se trouvent face à des problématiques RH dont elles n’ont pas l’habitude. « Les jeunes n’ont pas toujours bien défini ce qu’ils veulent faire : ils disent qu’ils veulent travailler dans l’animation, sans en connaître les métiers », constate Amélie Heumez, responsable paie de Villenvie, une association qui gère des maisons de quartier à Saint-Pol-sur-Mer (59). Neuf emplois d’avenir y ont été embauchés, qui préparent le BPJEPS, un diplôme d’animation, ou le concours d’Atsem pour travailler dans les écoles maternelles. Elle ajoute : « Ils ont aussi un problème de mobilité. Pour se former, il faut aller dans la banlieue de Lille, pas forcément facile d’accès. » Il faut alors trouver des solutions au cas par cas. Un effort que font les associations, car sortir un jeune de la précarité correspond à leur philosophie.

L’ESSENTIEL

1 Sur l’ensemble des emplois d’avenir créés, un tiers l’ont été dans le secteur associatif, principalement dans le médico-social.

2 12 % seulement de ces contrats sont des CDI ; une majorité sont conclus en CDD d’une durée de trois ans.

3 Le principal enjeu concerne la formation des bénéficiaires. Ceux qui suivent un véritable parcours qualifiant sont peu nombreux.

À la Croix-Rouge, plus d’emplois d’avenir que prévu

Au 1er août 2014, ils sont 272 emplois d’avenir à travailler à la Croix-Rouge française, plus que le nombre prévu par la convention-cadre signée avec l’État. L’association s’était engagée sur 200 jeunes embauchés en 2013 et 2014, elle espère désormais atteindre les 300, grâce à la mobilisation de son réseau : les 650 établissements présents dans tout le champ du médico-social et dans toute la France, ainsi que les délégations associatives régionales qui interviennent dans le cadre de l’urgence sociale, avec l’aide alimentaire et vestimentaire.

« La Croix-Rouge, c’est plus de 120 métiers, c’est donc un endroit propice pour accueillir ce type de contrat aidé », précise Philippe Cafiero, le directeur des ressources humaines. Cependant, les jeunes sont recrutés majoritairement sur deux postes, aide de vie (82 personnes), souvent à domicile, et employé de vie associative (39 personnes), qui travaillent aux côtés des bénévoles dans le réseau associatif. « Pour nous, c’est un vecteur pour embaucher ensuite ceux qui se sont bien intégrés, ne cache pas Philippe Cafiero. Nous opérons chaque année 1 000 recrutements en CDI et 5 000 à 6 000 en CDD. Les emplois d’avenir sont d’un intérêt RH évident, mais également d’un intérêt sociétal. »

Un système gagnant-gagnant, à condition de veiller au tutorat, sur lequel il est particulièrement attentif : « C’est le point névralgique : les jeunes sans diplôme, qui n’ont pas été formés à ce que veut dire une hiérarchie, nécessitent beaucoup d’écoute et de temps. Nous choisissons des tuteurs avec le bon profil, qui ont une dimension pédagogique tout en connaissant bien leur métier. »

Auteur

  • STÉPHANIE MAURICE