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Des salariés au milieu du gué

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 02.09.2014 | CHRISTIAN ROBISCHON

Signé en juillet 2013, l’accord de compétitivité de l’usine Mahle Behr France de Rouffach (Haut-Rhin) produit des effets encore timides. Les salariés sont méfiants, mais prêts à donner plus de temps à leur direction.

Signé fin juillet 2013 par tous les syndicats de l’usine Mahle Behr France, qui compte 1 000 salariés, le texte, qui s’inscrit dans l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2013, est entré en vigueur le 1er octobre pour une durée de deux ans. Il a instauré un gel des salaires et une baisse d’un tiers des RTT (5 jours supprimés sur 15 dans la plupart des cas) en échange de l’absence de PSE et de l’obtention d’un marché pour Renault et Smart promis initialement à un autre site en Tchéquie du groupe de climatiseurs automobiles.

Jugée stratégique, cette commande est bien arrivée, mais elle n’occupe pour l’heure qu’une trentaine de salariés sur un objectif de 80 à 100. Simple question de temps, assure le directeur de l’usine Henry Baumert : « La montée en puissance suit son cours normal. »

8 % de réduction des coûts

De façon générale, l’accord doit aider à engranger de nouveaux marchés, selon lui : « La réduction des coûts salariaux qu’il induit et notre effort plus général sur les différents postes budgétaires nous permettent, comme espéré, de proposer des prix plus compétitifs dans la négociation de futurs contrats avec les constructeurs. » Henry Baumert estime à 8 % la réduction globale des coûts (salariaux et autres) générée par l’accord. Ces nouvelles commandes changeront la perception des salariés, estime Gilles Rinnert, délégué CFE-CGC : « Tant qu’elles ne sont pas là, les gens doutent du bien-fondé de l’accord. »

Globalement, le niveau d’activité est plutôt élevé depuis un an. Ce qui ne manque pas d’interpeller. « La direction a présenté la situation comme très difficile il y a un an. Les gens en viennent à se demander si les efforts voulus étaient si nécessaires que cela. On ressent de la colère dans les ateliers », relate Pascal Patou, porte-parole de la CFTC, premier syndicat du site.

Le point le plus déstabilisant demeure le nombre plus élevé que prévu de départs volontaires : 159 salariés ont choisi de ne pas signer l’avenant à leur contrat, alors que l’entreprise chiffrait le sureffectif à une centaine de personnes. La générosité des indemnités de licenciement (14 000 euros fixes et 600 ou 900 euros par année d’ancienneté) a suscité des vocations au départ. « 15 % de l’effectif qui s’en va, difficile de parler encore d’un accord de maintien de l’emploi », commente Pascal Patou.

À quelques exceptions près, les partants ont adhéré à la cellule de reclassement animée par le cabinet Marjorie, qui leur est ouverte pendant 12 ou 18 mois, selon l’âge. Début juillet, 113 personnes continuaient à la fréquenter, dans l’attente de leur retraite ou d’une solution de reconversion (formation, retour à l’emploi, création d’entreprise). « La cellule fonctionne bien, ses adhérents semblent sereins », observe Denis Pieczynski, délégué Unsa.

Pour retrouver le niveau d’effectif souhaité, l’entreprise procède depuis plusieurs mois à 50 embauches en CDI. Les nouveaux venus se recrutent pour partie parmi d’anciens intérimaires, pour partie auprès de candidats totalement extérieurs à l’entreprise, en particulier pour les postes à profil de niveau élevé.

« Outre des opérateurs, nous avons rencontré des besoins de recrutement de techniciens et d’ingénieurs de bureau d’études, mais nous n’avons pas de problème particulier pour trouver les compétences recherchées. La situation du marché du travail fait que les candidatures appropriées ne manquent pas », observe Henry Baumert. Selon la CFE-CGC, le site a connu une période compliquée de six mois pour la transmission des compétences, dont il est sorti à présent.

Les embauches fermes n’empêchent pas un niveau élevé d’intérim et des séances supplémentaires de travail. « Le nombre d’intérimaires est choquant : 180 ! [situation en juin, NDLR] : il y aurait de la marge pour créer davantage d’emplois en CDI. Les heures supplémentaires, en revanche, les salariés en sont friands : elles leur font regagner un peu du pouvoir d’achat perdu avec le gel des rémunérations », commente Denis Pieczynski.

Comme la durée de l’accord se limite à deux ans, la question de sa reconduite va se poser dès le printemps prochain. Quelle sera l’attitude de la direction ? Elle juge prématuré de tirer un bilan aujourd’hui.

Les syndicats ne semblent pas prêts à renouveler l’expérience. La CFE-CGC, qui était partisane de l’accord l’an dernier d’un bout à l’autre de la discussion, est catégorique : « C’est le genre de deal qui est fait pour être signé une fois afin d’apporter une bouffée d’oxygène, mais pas deux. On ne peut pas demander indéfiniment de tels efforts aux salariés », juge Gilles Rinnert.

DATES CLÉS

Avril 2013 : la direction de l’usine propose la négociation d’un accord de compétitivité tel que prévu par l’ANI, en alternative à un PSE évalué à 102 postes.

Juin 2013 : le référendum consultatif sur le projet d’accord est approuvé par 67 % des salariés, malgré l’appel au non de l’intersyndicale majoritaire CFTC-Unsa-CFDT. La CGT et la CFE-CGC avaient appelé au oui.

Juillet 2013 : signature de l’accord par l’ensemble des syndicats.

1er trimestre 2014 : premières notifications des licenciements individuels pour les 159 salariés ayant refusé l’avenant à leur contrat.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON