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« L’enjeu des prochaines années ne sera pas d’augmenter ou non le temps de travail »

Enquête | publié le : 02.09.2014 | É. S.

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« L’enjeu des prochaines années ne sera pas d’augmenter ou non le temps de travail »

Crédit photo É. S.

E & C : Régulièrement, la question des 35 heures revient dans le débat public. Est-elle encore prégnante dans les entreprises ?

P. B. : D’abord, je réfute l’idée que l’on travaille moins en France que dans d’autres pays d’Europe, car si l’on tient compte des temps partiels, alors la France est largement dans la moyenne européenne. Dès lors, à quoi servirait d’augmenter la durée légale du travail, si c’est pour multiplier les temps partiels ? Surtout, je pense que, pour les entreprises, l’enjeu ne sera pas dans les prochaines années d’augmenter ou non la durée du travail, mais davantage de pouvoir flexibiliser les horaires de travail en fonction des fluctuations de la demande.

E & C : Depuis les lois Aubry, les entreprises ont déjà utilisé des dispositifs d’assouplissement, comme la modulation ou l’annualisation. Vont-elles aller plus loin ?

P. B. : La tendance vers une plus grande flexibilité, amorcée avant même les 35 heures, est une tendance durable, qui va s’accentuer dans un environnement où l’économie servicielle se développe, où les modes de production dans l’industrie rendent les entreprises dépendantes d’une demande toujours plus imprévisible. Dans le même temps, les salariés recherchent également une plus grande maîtrise de leurs horaires, qui permette un équilibre entre la vie personnelle et professionnelle. Cette recherche conjointe – plus de flexibilité du côté des entreprises, plus de maîtrise de son temps du côté des salariés – n’est pas aujourd’hui à l’agenda des négociateurs, que ce soit sur le plan national ou même dans les entreprises, mais ce sera l’enjeu social crucial des prochaines années.

Les accords d’aménagement du temps de travail vont probablement encore se développer. La question ne sera plus quantitative – où positionner le curseur de la durée du travail – mais qualitative : quelles compensations, quelles solutions trouver pour concilier ces deux aspirations ?

E & C : Comment rapprocher ces deux objectifs, qui semblent contradictoires ?

P. B. : Cela ouvre la voie à une gestion plus individualisée du temps de travail, reposant sur une plus grande prise en compte des caractéristiques des personnes. Des salariés sans charge familiale peuvent davantage être soumis à des rythmes de travail variables que des parents. On pourrait laisser, dans les accords, une marge de choix en matière d’horaires de travail, sur la base du volontariat. D’ores et déjà, de bonnes pratiques émergent – la déconnexion pour les cadres par exemple. Pour les salariés non plus, l’important n’est plus de réduire la durée du travail. En grande partie, le stress provient de la difficulté à articuler le temps de travail et le temps familial : mieux vaut travailler 40 heures par semaine avec des horaires compatibles avec la vie sociale.

E & C : En matière d’aménagement du temps de travail, il y a donc encore matière à innover ?

P. B. : Sans doute. On pourrait réfléchir à des mécanismes qui redonnent du sens à cette question. Par exemple des congés sabbatiques qui permettent une vraie respiration. Bien souvent aujourd’hui, les salariés n’arrivent plus à poser leurs RTT, ou partent en congés avec du travail. Sans compter que de plus en plus d’emplois intègrent une notion de création, de créativité, pour lesquels la notion de temps de travail comme norme, de protection ou de contrôle, n’a plus vraiment de sens. Mais il reste à engager une large réflexion sur les évolutions socio-économiques actuelles, à regarder dans le détail ce qui se pratique pour dégager des règles générales, édicter des bonnes pratiques et éclairer ainsi les négociations décentralisées.

Auteur

  • É. S.