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Enquête

LA RÉVISION DES ACCORDS RTT PROVOQUE DE GROS REMOUS SOCIAUX

Enquête | publié le : 02.09.2014 | NICOLAS LAGRANGE

Plusieurs dizaines d’hôpitaux ont réduit le nombre de jours de RTT ou sont en train de le faire, parfois sans négociation. Un sujet très sensible, qui suscite une contestation de plus en plus forte.

Un passage de 20 à 15 RTT et une nouvelle organisation du temps de travail. Dans deux notes adressées en juin 2013 aux IRP et au personnel non médical (1 200 salariés), le directeur de l’EPSM de Caen (Établissement public de santé mentale) présente sa liste de mesures d’économies pour réduire le déficit de l’établissement.

« La réaction des personnels a été immédiate, assure Olivier Mans, représentant SUD. Près de 400 personnes se sont pressées à chaque AG et le directeur a renoncé provisoirement à son projet, avant de le présenter à nouveau à la rentrée. » Malgré plusieurs réunions de concertation, les positions restent figées de part et d’autre. Convoqué en décembre, puis à trois autres reprises, le CTE (comité technique d’établissement) ne peut rendre d’avis, faute de quorum ou en raison de l’intrusion de protestataires. Or l’avis du CTE est la seule formalité pour appliquer de nouvelles règles, un accord n’étant pas nécessaire.

AG des hôpitaux en lutte

Dans l’intervalle, cette contestation emblématique fait tâche d’huile. C’est à Caen qu’est organisée en avril la première « AG des hôpitaux en lutte », réunissant des représentants (syndiqués ou non) de plusieurs dizaines d’établissements, et une quatrième AG se déroulera à Paris fin septembre. Centrée sur la défense de la qualité des soins, « la plate-forme revendicative fait une large place au maintien des JRTT, souligne Olivier Mans. C’est un acquis social majeur, d’autant plus important que le travail s’est intensifié ces dernières années ». Avec aussi des enjeux salariaux forts. Au centre hospitalier Guillaume-Régnier à Rennes, outre l’annonce en janvier d’un projet de suppression de 5 JRTT, « la direction entend ralentir les avancements de carrières, ce qui peut engendrer un manque à gagner de 40 000 euros sur une carrière complète, relate Rodolphe Verger, secrétaire du syndicat CGT. Nous poursuivons la mobilisation ».

Réorganiser les charges de travail

Du côté des directions d’hôpitaux, « le gestionnaire ne peut agir que sur les effectifs », écrit l’Igas (rapport 2012 sur l’hôpital), compte tenu de la progression naturelle de la masse salariale, laquelle représente près de 70 % des dépenses. La Fédération hospitalière de France (FHF) préconise d’ailleurs de « soutenir » la renégociation des accords RTT. « En 2002, beaucoup d’établissements ont accordé de nombreux JRTT aux personnels non médicaux pour ne pas changer l’organisation des services de soins, rappelle Nadine Barbier, responsable du pôle RH à la FHF. Réduire les JRTT permet de moins recourir aux contrats en CDD et en intérim, même si le sujet est très sensible, d’où la nécessité de travailler simultanément sur une meilleure organisation de la charge de travail. » Pour Cécile Kanitzer, conseillère paramédicale à la FHF, « les hôpitaux pourraient ainsi prévoir une meilleure répartition des soins sur 24 heures, revoir les temps de transmissions entre soignants ou encore mieux coordonner leur temps de travail avec celui des médecins ». À défaut de pouvoir revoir à la baisse les 20 JRTT (verrouillés par un accord avec l’État) dont bénéficient les médecins hospitaliers, lesquels dépendent du Centre national de gestion.

Jusqu’à l’an dernier, les personnels du Centre hospitalier de Montauban (1 700 salariés, hors médecins) bénéficiaient de pratiques avantageuses : 2 JRTT en plus acquis par usage par rapport à la circulaire de 2002, un forfait annuel de 9 jours pour les fériés, la totalité des congés annuels lors des départs à la retraite à mi-année… Des pratiques qui ont pris fin début 2014 dans le cadre de la rationalisation des procédures. Quant au projet de la direction, en juillet 2013, de passer les soignants à 37 h 30 (soit 7 JRTT en moins) et les autres personnels à 35 heures, il a suscité une forte contestation… débouchant sur une réduction de 2,6 JRTT pour tous, proposée par les syndicats. « Nous avons mal communiqué, sur une mauvaise période, dans un contexte budgétaire tendu, reconnaît Dominik Pascal, DRH. Notre accord ne porte que sur les JRTT, alors que nous aurions pu revoir en profondeur l’organisation du travail en recherchant une meilleure qualité des soins. Mais cela nécessite beaucoup de concertations et d’implication des personnels, or les exigences financières de retour à l’équilibre sont, elles, à court terme. »

Risque de blocage durable

Un temps de concertation qui semble avoir manqué au Centre hospitalier Sud Francilien (3 700 salariés) : « Nous sommes passés de 18 à 15 JRTT il y a un an, dénonce Catherine Fayet, représentante SUD et, fin juin, la direction a annoncé 30 minutes de travail quotidien en plus, via l’exclusion des repas du temps de travail effectif à partir d’octobre, soit un gain de 40 ETP. Le remplacement des médecins et des soignants se fait au compte-gouttes et nous travaillons dans des conditions plus difficiles, alors que l’activité de l’hôpital augmente. »

Malgré l’hostilité des personnels à la révision des accords RTT, les directions peuvent difficilement faire l’économie d’une véritable concertation, sauf à prendre le risque d’un blocage durable, comme à l’hôpital psychiatrique de Villejuif (2 200 salariés). « Fin mai, le directeur a annoncé plusieurs mesures, dont le passage de 8 heures à 7 h 36 quotidiennes à partir du 1er août, soit 9,5 JRTT en moins, raconte Sandrine Garandel, représentante SUD. Nous avons installé un piquet de grève le 2 juin, toujours en vigueur aujourd’hui. » Grève de la faim d’un aide-soignant, occupation de locaux, blocage du CTE, saisine du tribunal administratif par la direction… Le climat très dégradé pourrait avoir des impacts sur les RPS et des conséquences financières… en augmentant les arrêts maladie, déjà nombreux à l’hôpital.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE