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Enjeux

Pour la création d’une véritable obligation de confidentialité

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 02.09.2014 | Stéphanie Stein

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Pour la création d’une véritable obligation de confidentialité

Crédit photo Stéphanie Stein

La ligne rouge est franchie

L’arrêt du 10 mars 2014 a donné l’occasion à la cour d’appel de Paris de franchir la ligne rouge, en ordonnant pour la première fois la « suspension des effets » de la cession du Printemps sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard jusqu’au jour de la reprise de la consultation « régulière » du comité d’entreprise. Les juges décident que la procédure de consultation sur ce changement de contrôle était irrégulière et déloyale, faute pour l’employeur d’avoir communiqué aux représentants du personnel un « plan d’affaires » confidentiel qui avait été échangé entre le cédant et l’acquéreur. Résultat, plusieurs mois après sa réalisation définitive, la vente est gelée sans que l’on sache bien les effets pratiques de cette mesure qualifiée de « conservatoire ». En d’autres termes, aucun document, même très confidentiel, même à l’état de projet, échangé entre les parties en amont d’un achat d’entreprise ne saurait être dissimulé aux élus. Cette décision marque une étape supplémentaire de l’immixtion du droit du travail dans la vie des affaires. Faut-il s’en plaindre ou s’en féliciter ?

Secret des affaires, impératif de transparence et obligation de discrétion

S’en féliciter sûrement si l’on croit, comme l’auteur de ces lignes, à la vertu de la transparence comme socle de la construction d’une culture de dialogue qui viendra détrôner la logique d’affrontement (1). Le regretter aussi car cet impératif de transparence et le partage d’information, même la plus sensible, ne peuvent prétendre entrer dans nos mœurs sociales qu’à la condition que des garde-fous protègent efficacement le secret des affaires. En l’état actuel de notre droit, l’entreprise doit tout dire (voir la nouvelle obligation de consultation sur les orientations stratégiques), mais les élus ne sont soumis qu’à une simple obligation de discrétion, laquelle ne concerne de surcroît pas les délégués syndicaux. Il est vrai que les fuites ne sont pas si fréquentes et que les tribunaux ne sont pas encombrés de procédures disciplinaires contre des élus bavards. Il n’en reste pas moins que la confiance ne se décrète pas, elle se construit.

La confidentialité garante d’un réel partage de l’information

L’instauration d’une obligation de confidentialité, assortie de sanctions exemplaires telles que la déchéance des mandats et l’inéligibilité, est seule susceptible de permettre le partage d’informations stratégiques en toute sécurité, quitte à laisser le choix aux représentants des salariés de refuser la transmission d’informations lorsqu’ils ne souhaitent pas supporter le fardeau du secret. Cette restriction de la liberté de communication des représentants vis-à-vis de leurs mandants est une condition du succès de la base de données unique et de la consultation sur les orientations stratégiques. Elle s’inscrirait dans la logique européenne qui veut que « les États membres prévoient que […] les représentants des travailleurs, ainsi que les experts qui les assistent éventuellement, ne sont pas autorisés à révéler aux travailleurs ou à des tiers des informations qui, dans l’intérêt légitime de l’entreprise […] leur ont été expressément communiquées à titre confidentiel. » (2).

(1) Cf. Le rapport de Louis Gallois sur la compétitivité de l’industrie française du 5 novembre 2012, à propos des institutions représentatives du personnel : « Il faut créer une dynamique; cela ne sera possible que si l’on surmonte les défiances qui séparent trop souvent les partenaires sociaux dans l’entreprise. » (p. 56).

(2) Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 relative à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, Article 6.

Auteur

  • Stéphanie Stein