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Le BTP aura plus de temps pour se préparer

Pratiques | publié le : 26.08.2014 | ROZENN LE SAINT

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Le BTP aura plus de temps pour se préparer

Crédit photo ROZENN LE SAINT

La mesure de certains facteurs de pénibilité s’avère délicate dans le secteur du BTP. D’ores et déjà, les employeurs ont obtenu du gouvernement qu’il reporte partiellement l’entrée en vigueur du compte personnel de prévention.

Face à la levée de boucliers des employeurs, qui crient depuis la dernière réforme des retraites à “l’usine à gaz” du compte personnel de prévention, François Hollande a décidé de l’ajourner encore d’un an… du moins partiellement (lire l’encadré). L’annonce a été faite dans Les Échos le 4 juillet dernier par Manuel Valls, Premier ministre, à quelques jours de l’ouverture de la conférence sociale, provoquant son boycott par la CGT et FO… Et juste après sa rencontre avec les patrons de la Fédération française du bâtiment.

Seuls quatre facteurs de pénibilité donneront le droit aux salariés du secteur privé exposés d’engranger des points sur leur compte dès le 1er janvier 2015 : le travail de nuit, le travail répétitif, posté en équipe et en milieu hyperbare. Les facteurs les plus “faciles” à calculer, en somme, puisqu’ils ne demandent pas de mesures précises, contrairement aux six autres : la manutention manuelle de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les températures extrêmes et le bruit.

Application progressive

Pourtant, les entreprises savent déjà calculer et prévenir certains facteurs, comme le bruit ou le port de charges lourdes « depuis plus de cinq ans », assure Henri Forest, secrétaire confédéral de la CFDT. Pour ces deux facteurs, seuls les seuils changent. « La loi crée des droits nouveaux avec un seuil plus bas que les seuils d’interdiction », commente Paul Duphil, secrétaire général de l’OPPBTP, l’organisme de prévention du bâtiment et des travaux publics. Reste que « les salariés du BTP sont écœurés », témoigne Henri Forest. La CFDT Construction et Bois dénonce dans un communiqué « un coup de poignard dans le dos infligé aux salariés qui attendent déjà depuis dix ans une compensation de leurs conditions de travail », craignant, au-delà du report, une remise en cause de l’existence même du dispositif. Sur ce point, François Hollande a insisté lors de son discours d’inauguration de la conférence sociale : « Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté là-dessus : la pénibilité aura toute sa place dans la législation française. » L’application de la pénibilité dans le calcul des retraites « entrera progressivement en vigueur et sera entièrement déployée à partir du 1er janvier 2016 », a-t-il alors assuré.

Mijo Isabey, chargée des retraites à la CGT, rappelle quant à elle que les salariés du bâtiment sont d’autant plus pénalisés par ce report : « C’est un secteur plus tendu que les autres, car il a été relativement épargné par les plans sociaux. Il n’a jamais connu de système de départ en retraite anticipée, progressive, contrairement à des branches comme l’automobile, par exemple. La population vieillissante a été exposée toute sa vie à la pénibilité et la fin de carrière n’est pas aménagée », regrette-t-elle. Si le dispositif était jugé « totalement illisible et difficile à appliquer, poursuit Mijo Isabey, il fallait le refonder en le rendant plus simple, via une approche davantage collective et de métier plutôt qu’individuelle ».

« Grand soulagement »

D’autant que calculer l’exposition des salariés du BTP est encore plus compliqué, du fait de leur pluriexposition. Un constat partagé par les employeurs du secteur, mais qui y voient, eux, un argument pour le report, de manière à laisser davantage de temps aux entreprises pour se préparer au calcul. Et notamment dans les petites structures. D’ailleurs, après son annonce, Manuel Valls s’est immédiatement justifié en mettant en avant que « pour les [entreprises, NDLR] plus petites, et notamment dans le secteur du bâtiment, notre décision a suscité un grand soulagement, et elle favorisera la bonne mise en œuvre du dispositif ». Les employeurs du bâtiment ont su se faire entendre. « Les grandes entreprises ont des structures, des services spécialisés en ressources humaines ou en prévention, mais dans le BTP, 85 % des entreprises emploient moins de 10 salariés et 50 % des salariés sont dans des entreprises de moins de 20 salariés, insiste Paul Duphil. Le calcul du compte pénibilité impose une tâche supplémentaire, qui devra généralement être absorbée par la personne en charge de l’activité de gestion. »

Jean-Michel Deloche, charpentier couvreur, cinq salariés au plus fort de l’année, avait à peine entendu parler du compte personnel pénibilité avant d’apprendre son report… Et ce sera à lui de se charger de calculer l’exposition à la pénibilité de ses salariés : « Je ne connais pas le système d’attribution des points, ni la manière de mesurer l’exposition, avoue-t-il. Cela me semble difficile et compliqué ; j’espère que la branche sera un relais et nous donnera un mode d’emploi. » Même si « les décrets comportent encore des incertitudes que des circulaires compléteront sûrement. Par exemple, pour le port de charges lourdes, compte-on le temps effectif de port de charge ou le temps complet d’activité ? », interroge, quant à lui, Paul Duphil, de l’OPP­BTP. Une fois apportées les réponses à ces questions, la branche aura en tout cas davantage de temps pour s’y préparer.

L’ESSENTIEL

1 Seuls quatre facteurs de pénibilité donneront droit aux salariés du secteur privé exposés de cumuler des points sur leur compte dès le 1er janvier 2015 : le travail de nuit, répétitif, posté en équipe et en milieu hyperbare.

2 Le Premier ministre en a fait l’annonce le 4 juillet, juste après avoir rencontré la Fédération française du bâtiment.

3 Les entreprises du secteur, majoritairement des TPE et PME, sont ainsi soulagées momentanément d’un calcul complexe.

Seul un tiers des salariés du privé bénéficiera du dispositif en janvier

Parmi les dix facteurs de pénibilité, seuls quatre donneront le droit, dès le 1er janvier 2015, comme prévu initialement, aux salariés du secteur privé exposés d’engranger des points sur leur compte pour se reconvertir, travailler à temps partiel ou partir plus tôt à la retraite. Il s’agit du travail de nuit, du travail répétitif, du travail posté en équipe et du travail en milieu hyperbare, soit les critères qui ne nécessitent pas de mesures complexes. Ceux-ci concernent « un million de salariés », a estimé François Hollande lors de son discours d’ouverture de la conférence sociale, le 7 juillet.

À peine un tiers des travailleurs du privé pourraient donc bénéficier du dispositif l’an prochain, puisque le ministère du Travail avait évalué leur nombre à 3,3 millions en septembre 2013. Pour ceux exposés aux six autres facteurs (la manutention manuelle de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les températures extrêmes et le bruit), il faudra attendre le 1er janvier 2016.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT