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UN SUCCÈS BÂTI SUR LE CONSEIL RH

Enquête | publié le : 26.08.2014 | VIOLETTE QUEUNIET

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UN SUCCÈS BÂTI SUR LE CONSEIL RH

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

Le partage de salariés mutualisés au sein d’un groupement d’employeurs séduit de plus en plus d’entreprises. À la veille de leurs trente années d’existence, ces pionniers de la flexicurité cherchent à se développer en pariant sur leur expertise RH, ainsi que sur un élargissement de leurs compétences et une meilleure représentation au niveau national.

Lentement mais sûrement, les groupements d’employeurs (GE) se multiplient en France. Selon les estimations du CRGE (Centre de ressources pour les groupements d’employeurs) Poitou-Charentes, qui joue le rôle d’observatoire national des GE, leur nombre est passé, entre 2008 et 2013, de 4 500 à 6 000, ce qui représente environ 40 000 salariés aujourd’hui. Les trois quarts sont des groupements agricoles, acteurs historiques du dispositif, mais leur part tend à diminuer au profit d’autres groupements monosectoriels (restauration, sport, logistique…) ou multisectoriels, qui emploient beaucoup plus de salariés: actuellement, la moitié des salariés des groupements travaille hors du secteur agricole.

Comme le constatent Jean Dalichoux et Pierre Fadeuilhe dans leur ouvrage Les Groupements d’employeurs(1), ceux-ci « existent aujourd’hui dans la plupart des branches d’activités ». Et de citer les secteurs de la culture, des services à la personne, du sport, qui se sont saisis ces dernières années de ce dispositif.

Une sécurité pour l’employeur et pour le salarié

Pourquoi cet intérêt? « Un recrutement simplifié et une gestion des ressources humaines adaptés aux besoins des entreprises », résume Cyrielle Berger, directrice du CRGE Poitou-Charentes. Les entreprises peuvent compter sur un personnel stable, puisqu’il est salarié du GE – majoritairement en CDI –, au moment où elles en ont besoin pour répondre à une variation d’activité. Souvent envisagée du côté des salariés, la sécurisation de l’emploi est tout aussi importante pour l’employeur, comme le souligne Jean-Yves Kerbourc’h, professeur de droit social à l’université de Nantes : « L’adhérent d’un groupement a besoin de sécuriser sa relation avec le salarié. En effectuant un maillage des emplois sur un territoire, le groupement offre une déprécarisation au salarié en même temps qu’une sécurité juridique à son adhérent. » Le groupement résout souvent les contraintes réglementaires liées au temps partiel. Dernier exemple en date : la loi sur le temps partiel de 24 heures minimum, dont certains groupements prennent argument pour gagner des adhérents. En temps partagé entre plusieurs entreprises, un salarié peut en effet continuer à travailler moins de 24 heures par semaine dans chacune de celles où il est mis à disposition.

Autre avantage : les entreprises sont libérées des contraintes administratives liées aux contrats de travail. Elles acquittent simplement une facture au groupement, correspondant à un taux horaire de mise à disposition ou à un coefficient de facturation, fixés par les adhérents. Les tarifs sont maîtrisés : les groupements, dans leur immense majorité, sont des associations à but non lucratif.

Une activité de conseil reconnue

Mais les GE offrent davantage qu’une mise à disposition. Depuis 2005, ils peuvent apporter à leurs membres « aide ou conseil en matière d’emploi ou de gestion des ressources humaines », selon les termes du Code du travail (article L. 1253-1).

Recrutement, formation, conseils en matière de pilotage des RH… les équipes permanentes des groupements déclinent des prestations que leurs adhérents ne trouveraient pas ailleurs, en particulier les TPE. « Avec le GE, je dispose des mêmes services qu’une grande entreprise », estime Jean-Michel Robin, dirigeant d’une société de paysagisme de neuf salariés, adhérent au GE Ile de Noirmoutier, qui bénéficie de l’ingénierie de formation mise en place par le groupement (lire p. 26). La formation des salariés est en particulier un point fort des groupements. « Les GE ont accompagné la qualification des emplois, y compris dans les emplois saisonniers », affirme France Joubert, vice-président du CRGE Poitou-Charentes.

Le conseil RH peut devenir un véritable outil de fidélisation, comme l’illustre Mathilde Poitevineau, directrice du Groupement d’employeurs aquitain (GEA), qui intervient dans les secteurs viticole et industriel : « J’ai signalé à nos adhérents assujettis à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés qu’ils peuvent compter dans leurs propres effectifs les salariés handicapés du groupement pour le temps de mise à disposition chez eux. Très peu le savent et cela a évité à plusieurs petites structures de payer une taxe à l’Agefiph. » Pour elle, c’est ce type de conseil, fondé sur une très bonne connaissance des entreprises, qui explique la quasi-absence de turnover des adhérents depuis dix-huit ans que le groupement existe. Mieux: il vient de gagner 15 nouveaux adhérents début 2014 en ouvrant une nouvelle antenne à Saint-Émilion-Pomerol.

Moins cruciale pour les grandes entreprises adhérentes, dotées d’un service RH, l’expertise des groupements en matière de RH est cependant reconnue. « Ils utilisent les méthodes éprouvées dans les grandes entreprises », constate Gaëtan Masson, RRH de Saft, utilisateur d’un GE et d’un Geiq à Châtellerault (lire p. 23). Certains groupements recrutent d’ailleurs d’anciens responsables d’agences d’intérim, qui contribuent à améliorer les pratiques (lire p. 25).

Vers l’homogénéisation des pratiques

Si, en trente ans, les groupements se sont largement professionnalisés, comme le souligne Pierre Fadeuilhe (lire l’entretien p. 26), les plus petits peuvent être confrontés à des problèmes de gestion ou de droit. Malgré un très faible nombre de contentieux prud’homaux, les spécialistes constatent beaucoup de failles juridiques dans les montages. C’est pour prévenir ces risques, mais aussi favoriser l’essor économique des groupements par une homogénéisation des pratiques de gestion, juridiques, commerciales, que l’université de Nantes vient de créer le premier diplôme pluridisciplinaire pour les dirigeants de groupements (lire l’encadré ci-contre).

La professionnalisation suffira-t-elle à favoriser l’essor des groupements ? Il leur manque aujourd’hui une représentation politique. La seule instance représentative au niveau national est technique, c’est le CRGE Poitou-Charentes (dont un tiers des adhérents sont hors de la région), qui propose une veille technique, économique et juridique, et organise chaque année une rencontre nationale des GE. Il œuvre pour faire évoluer les dispositions législatives en faveur des GE, mais il n’est pas le seul interlocuteur des pouvoirs publics. Il existe de multiples associations (réunissant notamment des GE monosectoriels) et fédérations qui vont frapper à la porte du ministère en ordre dispersé. « Il faudrait aujourd’hui un syndicat d’employeurs capable de constituer une branche professionnelle. C’est à partir du moment où l’intérim a fait cela qu’il s’est développé », observe Cyrielle Berger. C’est aussi l’avis d’Isabelle Le Faucheur, présidente du CRGE Pays de la Loire, qui travaille actuellement à la constitution d’un syndicat professionnel de branche.

À l’approche de leur trentième anniversaire, les choses bougent donc pour les groupements d’employeurs. Pour la première fois, une étude va être lancée d’ici à la fin de l’année par la DGEFP (Direction générale de l’emploi et de la formation) sur les groupements, dans le cadre d’un contrat d’étude prospective. Il y a dix ans(2), le consultant Hervé Sérieyx estimait que « 100 000 emplois à terme dans les groupements d’employeurs ne constituent pas une cible inatteignable ». C’est aussi l’avis de Jean-Yves Kerbourc’h : « Le potentiel de développement existe, le nombre de salariés peut facilement être multiplié par deux. Mais ce développement sera plus qualitatif que quantitatif. Le groupement n’est pas un dispositif providentiel qui va permettre de résoudre le chômage, c’est un dispositif parmi d’autres qui résout les problèmes des entreprises. »

(1) Éditions Liaisons, 2008.

(2) Dans Coup de gueule en urgence, éd. Eyrolles, 2004.

L’ESSENTIEL

1 Grâce à la mutualisation des salariés, les adhérents des GE – entreprises, associations, collectivités locales – disposent d’un vivier de compétences disponibles selon leurs besoins.

2 Les groupements proposent des prestations RH très appréciées des adhérents, en particulier des TPE. Cette expertise RH leur permet de fidéliser leurs membres et de développer leur activité.

3 Mais les managers de groupements ont besoin de se professionnaliser dans d’autres domaines. Le secteur souffre aussi d’un éparpillement de ses instances représentatives. Plusieurs acteurs militent pour la constitution d’une branche professionnelle.

UN DIPLÔME UNIVERSITAIRE POUR PROFESSIONNALISER LES MANAGERS DE GE

L’université de Nantes a créé cette année, en partenariat avec le CRGE Pays de la Loire, un diplôme universitaire (DU) Manager de groupement d’employeurs. De niveau bac + 3, il s’adresse aux directeurs, managers et administrateurs des groupements et il est accessible en formation continue. Ce DU est également ouvert aux adhérents de groupements. Son originalité : il est le premier cursus pluridisciplinaire proposé aux responsables de GE. « La plupart des directeurs de groupement sont issus d’une formation en RH. Ils ont besoin de se professionnaliser en finances, en gestion, en marketing… donc d’une formation polyvalente. C’est ce que permet ce diplôme en décloisonnant les disciplines », explique Jean-Yves Kerbourc’h, responsable pédagogique du DU et professeur en droit social à l’université de Nantes.

Au programme : contrôle de gestion, marketing, juridique, communication, RH, management et gestion des risques, stratégie, méthodologie de l’ingénierie de projet; soit huit unités capitalisables (UC). Les cours sont dispensés majoritairement par des intervenants professionnels. 75 % de la formation (252 heures + 162 heures d’accompagnement tutoral) se déroule en ligne. Des séances en présentiel (neuf jours au total) sont organisées à Paris, pour des raisons pratiques, puisque les participants viennent de toute la France.

La première promotion a démarré en mars 2014 et compte huit participants. Un succès, puisque la limite était fixée à dix. Tous suivent le parcours complet qui mènera au diplôme. Le rythme d’obtention est souple : jusqu’à huit ans pour obtenir l’ensemble des UC. Il est également possible de ne suivre que quelques UC, dont l’obtention donne lieu à un certificat.

Coût de la formation : 3 788 euros. Le DU est éligible à la période de professionnalisation et pris en charge par Opcalia.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET