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Trois collectivités expérimentent le télétravail

Pratiques | publié le : 15.07.2014 | CATHERINE SANSON-STERN

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Trois collectivités expérimentent le télétravail

Crédit photo CATHERINE SANSON-STERN

Dans un souci de développement durable, trois collectivités d’Aquitaine expérimentent le télétravail depuis un an, à domicile ou dans des tiers lieux. La région et la communauté urbaine de Bordeaux devraient le généraliser et le conseil général de Gironde élargir l’expérimentation.

« Le télétravail n’a rien changé à mon activité, à part que mes collègues ne peuvent pas organiser de réunion le vendredi, témoigne Damien Moncassin, responsable de la promotion de l’apprentissage à la région Aquitaine. Mais, avec deux heures et demie de trajet en moins entre mon domicile, sur le bassin d’Arcachon, et Bordeaux, j’ai une meilleure qualité de vie et je peux aller chercher mes enfants à l’école. »

Réduire le temps de trajet de ses agents (jusqu’à trois heures par jour pour certains), et donc son empreinte carbone, était un des objectifs du conseil régional d’Aquitaine. Engagé dans une démarche de développement durable, il a décidé d’expérimenter le télétravail l’année dernière, en même temps que la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) et que le conseil général de Gironde.

Le télétravail des agents du conseil régional est encadré par une charte, adoptée en comité technique paritaire en juillet 2013. Elle prévoit l’accord du n + 1, deux jours maximum de travail à distance par semaine, l’ouverture à tous les métiers sauf en cas de présence physique indispensable, et la possibilité de l’interrompre à tout moment. Les 1 200 agents du siège sont éligibles, mais pas les 2 000 personnels des lycées.

Le comité de pilotage de l’expérimentation régionale, qui a associé dès le départ la direction des ressources humaines, la direction juridique, celle des services informatiques et celle des TIC, ainsi que les syndicats, a sélectionné 24 candidatures (sur 50 validées par les encadrants) de tous les services et de toutes les catégories de personnel, en privilégiant le facteur éloignement domicile-travail. Des critères similaires à ceux de la communauté urbaine pour 30 agents.

Quelques managers ont pu expérimenter le télétravail dans les deux collectivités. À la CUB, il a été modérément apprécié, et certains ont dû en réduire la durée en cours de route. « Le télétravail est compliqué quand l’encadrant est déjà souvent absent pour des réunions extérieures », note Patrice Rabaud, directeur du pôle administration générale à la communauté urbaine.

Un outil de management

Initiée par les directions de l’innovation ou des TIC, l’expérimentation sur le télétravail a été reprise à son compte par celle des ressources humaines. « Pour la DRH, le télétravail est devenu un élément de reconnaissance, un outil de management, dans une période où on ne peut pas proposer d’augmentation de salaire », souligne Eugénie Michardière, chargée de mission au développement territorial numérique à la région.

Le télétravail sert ainsi à gérer certaines situations particulières comme le passage progressif à la retraite : deux personnes en bénéficient dans le cadre du plan seniors de la région. Il a aussi permis d’éviter la prolongation d’un arrêt maladie, sur demande de l’agent qui avait une jambe cassée, au grand soulagement de son équipe. « Et cela peut devenir un outil d’attractivité de compétences qu’on pourra faire venir d’un peu loin », évoque Eugénie Michardière.

Le télétravail est principalement prévu au domicile de l’agent. Problème : si tous les télétravailleurs ont été équipés d’un ordinateur portable, la plupart des progiciels des deux collectivités ne sont pas accessibles du domicile. « Nous avons voté contre l’expérimentation, car les moyens informatiques ne permettent pas aux agents utilisant des outils métiers – comptabilité, passation des marchés publics, etc. – d’accéder au télétravail de chez eux », explique François Fournier, secrétaire adjoint de la CFDT à la CUB. À la région, ils devraient être accessibles à partir de janvier 2015.

Le télétravail se développe aussi dans des tiers lieux ; 7 agents de la CUB sur 30 les utilisent. En revanche, cette possibilité est encore très limitée au conseil régional, dont 23 agents sur 24 télétravaillent depuis leur domicile. « La région est prête à investir dans des centres de télétravail, affirme Damien Moncassin, également membre du comité de pilotage pour la CGT. Nous avons aussi proposé d’utiliser le maillage des lycées. »

Les indicateurs au vert

Soucieuses de sa réussite, la région et la CUB ont commencé l’expérimentation par une formation au travail à distance des télétravailleurs et des managers, qu’il fallait convaincre que cela n’allait pas porter préjudice à la qualité du travail. Après six à neuf mois de test, tous les indicateurs sont au vert. « Le bilan intermédiaire est largement positif concernant la productivité, l’organisation, l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle. Les managers qui avaient peur de perdre le lien ont constaté que les télétravailleurs sont encore plus communicants et font davantage de reporting », se réjouit Eugénie Michardière. « 75 % des managers jugent que le télétravail est positif sur l’activité de l’agent, confirme Patrice Rabaud. Pour la plupart, il ne change pas grand-chose : c’est une modalité de travail à laquelle tout le monde s’habitue. »

Damien Moncassin souligne l’importance de l’autonomie du télétravailleur et la nécessité d’une confiance avec son n + 1 : « Ma responsable hiérarchique ne passe pas son temps à contrôler ce que je fais, lance-t-il. Nous fonctionnons par objectifs avec des bilans réguliers. » Le télétravail questionne toute l’organisation : « L’enjeu pour l’avenir est le passage au travail en mode projet plutôt qu’en mode contrôle présentiel, prédit Eugénie Michardière. Les nouvelles générations qui maîtrisent les outils numériques y sont prêtes. »

La généralisation du télétravail au conseil régional pourrait être actée à l’issue de l’expérimentation, fin 2014, par la signature d’un accord-cadre. À la CUB, la généralisation devait être votée le 11 juillet, mais sans accord-cadre, compte tenu de l’opposition des syndicats, qui regrettent de ne pas avoir été associés en amont.

L’ESSENTIEL

1 Une loi de 12 mars 2012 autorise le télétravail dans la fonction publique.

2 Le conseil général de Gironde impose un télétravail hors domicile, tandis que la communauté urbaine de Bordeaux et la région Aquitaine donnent le choix entre le domicile et des tiers lieux, qui doivent encore se développer.

3 Globalement positif, le bilan est plus mitigé pour le télétravail des managers.

L’expérimentation est reconduite au conseil général

« Le domicile a été d’emblée exclu comme lieu de télétravail au conseil général de Gironde, en raison de son maillage très dense en maisons de la solidarité et de l’insertion (MDSI), renforcé en 2013 par la construction de douze MDSI équipées en bureaux dédiés au télétravail », explique Jacques Respaud, vice-président délégué aux RH et au dialogue social.

Expérimenté par 23 agents sur un à deux jours, le télétravail a été évalué positivement, aussi bien pour la réduction des émissions de CO2 que pour la qualité de vie et la productivité des personnels. Cependant, il n’a pas été généralisé lors du comité technique paritaire du 27 mai, compte tenu du projet de réforme des collectivités territoriales, qui va modifier les compétences du département. L’expérimentation a été reconduite pour un an avec un élargissement à 50 agents et une nouveauté : l’obligation de se porter candidat pour un tiers lieux et pour un jour précis. « Un dispositif permettra aussi d’en bénéficier pour trois mois renouvelables en amont d’un congé maternité et au retour d’un congé longue maladie », précise Aurélie Tchekaloff, chef de projet télétravail à la DRH.

Auteur

  • CATHERINE SANSON-STERN