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La situation des agents reste sensible

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 08.07.2014 | M. K.

À partir de 2012, la direction de l’Office national des forêts (ONF) a entrepris d’enrayer le malaise social qui, depuis 2005, s’est traduit par 35 suicides de salariés, sur fond de réduction massive d’effectif.

Un audit socio-organisationnel réalisé en 2012 par le cabinet Capital Santé au sein de l’Office national des forêts (ONF) pointait quatre causes principales aux manifestations de malaise : l’organisation, les conditions de travail, la baisse des effectifs, le management, et un conflit de valeurs. De mars à septembre 2013, la direction a négocié avec ses partenaires sociaux un plan d’action portant sur ces quatre axes. Bien que jugées insuffisantes par une majorité de syndicats, les mesures de ce plan sont en cours de déploiement.

Injonctions contradictoires

L’une d’elles a concerné la réorganisation globale de l’ONF : « La priorité était de changer l’organisation matricielle, qui générait de la confusion, du stress et des problèmes de pilotage pointés par l’audit », explique Pascal Viné, directeur général. Elle se caractérisait par de multiples chaînes hiérarchiques et niveaux de décisions, obligeant les agents à arbitrer parmi des injonctions contradictoires.

Les partenaires sociaux ont négocié de septembre 2013 à avril 2014 afin de définir un nouveau schéma directeur d’organisation. « Ce schéma redonne de l’initiative au terrain, du pouvoir aux agences territoriales et rapproche les centres de décision des personnels », approuve le Snupfen, premier syndicat et unique signataire de ce texte. Le nouveau schéma met également fin à un mode de management par objectifs dénoncé par tous : « Les objectifs quantitatifs de coupe de bois étaient fixés d’en haut et imposés aux territoires sans aucune considération technique ou sylvicole », rappelle Philippe Berger, délégué Snupfen. Désormais, ils seront fixés de manière concertée pour tenir compte des réalités et des contraintes du terrain.

Malgré ces avancées, le nouveau schéma a recueilli un vote minoritaire des syndicats. La direction a décidé de l’appliquer malgré tout, « un passage en force », selon la CGT Forêts, qui a saisi le tribunal administratif pour faire annuler l’instruction : « Nous avons refusé de négocier dans un contexte de destruction d’emplois, explique Pascal Leclercq. À quoi bon définir une nouvelle organisation alors que les effectifs actuels, soit 8 994 salariés, ne nous permettent plus de réaliser un travail de qualité. »

Alors que l’ONF a déjà perdu plus de 20 % de ses effectifs en dix ans, avec pour conséquences des surcharges de travail, des vacances de poste et une démotivation des personnels signalées par l’audit, l’État a programmé 600 nouvelles suppressions d’emploi entre 2012 et 2016. Les postes à supprimer ont été redéfinis par la direction afin d’épargner au maximum les emplois de gardes forestiers et d’agents territoriaux. « Pour ces emplois de terrain, nous avons atteint un seuil au-dessous duquel nous ne pouvons plus assurer nos missions », explique le DG, qui le fera valoir lors du prochain contrat de plan avec l’État.

Des expertises CHSCT réalisées cette année sur les territoires confirment en effet les conséquences désastreuses des baisses d’effectifs sur les conditions de travail. « Avant de définir les nouveaux organigrammes, nous allons étudier la charge de travail poste par poste, ce qui n’a jamais été fait auparavant », précise Pascal Viné. La direction a ouvert une négociation sur la pénibilité, et travaille également à pourvoir les postes vacants.

Conflit de valeurs

Outre les problèmes liés aux conditions de travail, l’audit a révélé que 59 % des agents étaient pris dans un conflit de valeurs : « Aujourd’hui, l’objectif de production de bois passe avant celui de protection de la forêt, les agents n’ont plus le temps de surveiller ce qui est coupé et certains massifs sont surexploités », explique le délégué Snupfen. Il en résulte un « état dépressif installé » chez plus de 8 % des agents, selon l’audit. Pour résoudre ce conflit éthique, la rédaction d’une charte des valeurs est en cours, mais peu de syndicats ont accepté d’y participer. « Il est inutile d’afficher de grandes valeurs de protection de la forêt si on met les agents dans l’incapacité de les tenir, ça sera pire encore », estime le délégué Snupfen.

La charte du management, qui vient d’être finalisée, suscite le même scepticisme : « C’est fumeux, il ne sert à rien de mettre en cause le management intermédiaire alors qu’il n’a aucune marge de manœuvre », estime la CGT. « La charte est un point de départ pour retravailler sur la posture des managers, leur rôle de soutien, d’écoute et de pédagogie », argumente Pascal Viné. L’audit avait mis en cause la responsabilité du management dans l’isolement des salariés et la destruction des collectifs de travail.

Relations sociales tendues

L’ensemble des problèmes n’est donc pas résolu à ce jour, malgré de réels efforts de dialogue. « Les enquêtes CHSCT montrent que la situation reste sensible », admet Pascal Viné, et « les relations sociales demeurent tendues avec certains directeurs », confirme Philippe Berger. Même si des améliorations sont attendues de la nouvelle organisation, son déploiement sur le terrain suscite déjà des blocages. Chacun espère aussi un soutien renouvelé du gouvernement, qui, en 2014, a accordé 30 millions d’euros à l’ONF. Mais, là encore, l’optimisme de la direction n’est pas partagé par les syndicats. Selon eux, cinq suicides avaient été recensés en 2013 et un autre suicide a été signalé le 5 juin 2014.

Auteur

  • M. K.