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AutricheVIENNE VEUT SÉDUIRE LES TRAVAILLEURS ÉTRANGERS

Pratiques | International | publié le : 08.07.2014 | LUC ANDRÉ

Pour faire face à une future pénurie de main-d’œuvre, l’Autriche cherche à renforcer les compétences de sa population issue de l’immigration. De grandes entreprises, notamment dans le secteur du nettoyage, participent au processus et peuvent même en faire un critère de leur RSE.

Après avoir été longtemps ignorés, puis cibles des critiques d’une virulente extrême droite, les étrangers sont de plus en plus courtisés en Autriche. La raison de ce changement progressif d’attitude : la petite république alpine est menacée par la transition démographique. Le taux de fertilité se situe à 1,41 enfant par femme, et les entreprises locales peinent déjà pour trouver des bras afin de faire tourner la florissante économie locale.

Avec l’activation du potentiel d’employabilité des femmes, le recours à la main-d’œuvre étrangère est l’une des principales clés. Sans immigration, l’Autriche passera de 8,5 millions d’habitants aujourd’hui à 6,2 millions en 2075, avec une surreprésentation des personnes âgées, d’après les chiffres de l’association MSNÖ, qui promeut la contribution des étrangers et naturalisés en Autriche. Faire venir les étrangers suppose de développer une culture de l’accueil. Après avoir ignoré les travailleurs invités turcs et yougoslaves arrivés dans les années 1960-1970, le pays s’est retrouvé pays d’immigration avec la chute du Mur et la guerre en ex-Yougoslavie. Les étrangers représentent désormais 12,5 % de la population, contre moins de 4 % en 1989.

L’expérience de l’ouverture du marché du travail aux membres est-européens de l’Union a démontré la nécessité d’une évolution des mentalités. Les responsables autrichiens, sous pression des diatribes de Jörg Haider, leader historique de l’extrême droite locale, avait, comme l’Allemagne, choisi de différer l’ouverture jus­qu’en 2011. Une fois les barrières levées, Vienne s’est aperçu que les plus qualifiés étaient partis exercer leurs talents sous d’autres cieux, souvent ceux de Grande-Bretagne. Et que l’Autriche pâtissait d’une image dégradée.

Changer de culture

La nomination en 2011 d’un jeu­ne secrétaire d’État à l’Intégration, entre-temps devenu chef de la diplomatie autrichienne, a mis cette thématique sous le feu des projecteurs, confie le consultant RH Conrad Pramböck. Pour les entreprises locales, il s’agit de changer de culture. « Les sociétés étrangères, en particulier américaines, actives en Autriche sont en avance sur ce plan. Le point crucial dans l’économie d’aujourd’hui est l’innovation permanente. Cela ne peut pas fonctionner si tous mes collaborateurs se ressemblent », plaide-t-il.

Focalisé longtemps sur l’attraction de cadres étrangers, le débat porte aussi sur le renforcement des qualifications des personnes issues de l’immigration. Elles sont plus souvent touchées par le chômage et occupent des emplois moins qualifiés.

Lever les blocages

Le Fonds autrichien pour l’intégration (ÖIF) cofinance ainsi des cours d’allemand. Un de ses principaux partenaires est le secteur du nettoyage, qui compte jusqu’à 80 % de personnes d’origine étrangère. « Les cours ont lieu chez le client, aux heures souhaitées par les salariés », détaille Ina Pfneiszl, responsable RSE chez Simacek, un des poids lourds de la branche. Trois cents salariés de Simacek ont participé à cette formation linguistique depuis 2010 sur les sites viennois. Ces salariés « vivent dans leur communauté et mènent une vie en marge de la société majoritaire dans leur pays de résidence. À chaque fois, par la levée de blocages ou de la barrière linguistique, les collaborateurs entament une nouvelle vie et gagnent en confiance en soi », poursuit Ina Pfneiszl. L’aide aux salariés issus de l’immigration est complétée par un travail social, si besoin dans leur langue. « Une entreprise a intérêt à faire savoir que, si un proche est très malade, se mettre en arrêt maladie n’est pas la seule solution existante. Nous faisons aussi de la prévention santé, car ces personnes vont moins régulièrement chez le médecin. » À l’autre bout de l’échelle hiérarchique, tous les cadres de Simacek (7 000 salariés en Europe) reçoivent une formation interculturelle. Avec ce programme, cette entreprise familiale veut renforcer la cohésion de ses équipes et augmenter leur responsabilité. In fine, l’objectif est d’accroître la satisfaction des clients.

Auteur

  • LUC ANDRÉ