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« Un organisme indépendant pourrait contrôler les pratiques »

Enquête | publié le : 08.07.2014 | VALÉRIE GRASSET-MOREL

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« Un organisme indépendant pourrait contrôler les pratiques »

Crédit photo VALÉRIE GRASSET-MOREL

E & C : Que pensez-vous de la compétence renforcée donnée aux financeurs (Opca, régions…) dans le contrôle de la qualité des formations ?

S. E. : C’est une bonne chose que l’on mette cette question sur la table. Mais qu’entend-on par « formation de qualité » ?

Je pense qu’il faut sortir de la norme ISO et rentrer dans la boîte noire : un organisme qui fait bien son travail, c’est celui qui permet à des individus d’apprendre. Ce n’est pas parce qu’on a des formateurs formés et des salles de belle taille que l’on est un organisme forcément bon. Quels sont ses choix pédagogiques ? Comment sait-on que les stagiaires ont appris ? C’est cela qu’il faut contrôler. Ce rôle pourrait être confié à un organisme expert indépendant, qui irait contrôler les pratiques sur le terrain. Il pourrait être missionné par l’État, les régions ou les partenaires sociaux. Mais, surtout, attention aux grilles toutes prêtes, aux référentiels, aux cases que l’on coche. Il faut prendre le temps d’établir des critères publics et partagés permettant de contrôler la qualité pédagogique des prestations, et pas seulement des prestataires.

E & C : Précisément, où en est le chantier de l’évaluation des formations ?

S. E. : C’est « Le » grand chantier des prochains mois. Si on ne le réussit pas, la réforme échouera. Et ce n’est pas en produisant des histogrammes et des camemberts qu’on y parviendra. Nous avons besoin de passer par une phase de recherche-action sur le transfert de connaissances. On a les billes conceptuellement, mais il nous faut du temps et des moyens pour bâtir des protocoles et les expérimenter. Je fais de cette question ma priorité de travail pour cette année en décortiquant avec cinq ou six entreprises pilotes ce qui, dans le processus d’apprentissage, permet de fabriquer le transfert : repérer les moments clés pour mesurer l’efficacité de la formation, comprendre comment s’effectue le passage de l’apprentissage à la mise en pratique des connaissances acquises. Sortons du seul modèle d’évaluation de Kirkpatrick et donnons-nous les moyens de penser l’efficacité des dispositifs du point de vue de la professionnalisation et des situations de travail.

E & C : À quoi les responsables de la formation en entreprise doivent-ils se préparer ?

S. E. : Ils vont devoir passer d’une culture du contrôle et du reporting à une culture de l’évaluation définie comme une appréciation sur la qualité des process mis en œuvre, sur l’efficacité pédagogique et donc sur le résultat des actions entreprises restituées dans leur contexte professionnel et organisationnel. La réforme peut avoir un effet d’électrochoc sur la fonction formation. Avec le temps, on a observé un phénomène qui s’est banalisé : cette fonction est souvent aux mains d’hypertechniciens de la gestion financière. L’ingénierie pédagogique ronronne ou est sous-traitée. En liant très fortement la formation à la GPEC – pas uniquement dans un objectif de paix sociale –, on pourra redonner de la valeur à cette fonction.

Avec la fin du 0,9 %, les entreprises ont l’opportunité de gagner en liberté sur ce point. Il n’y a pas de compétences aussi fortes que celles que l’on acquiert en situation professionnelle réelle.

Auteur

  • VALÉRIE GRASSET-MOREL