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MISSION À RISQUES POUR LES OPCA

Enquête | publié le : 08.07.2014 | Laurent Gérard

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MISSION À RISQUES POUR LES OPCA

Crédit photo Laurent Gérard

La réforme donne pour mission aux Opca de surveiller la qualité des formations qu’ils financent. Les collecteurs, les entreprises, les responsables de formation et les prestataires ne sont pas tous sur la même longueur d’ondes concernant la nature et l’impact de cette mission.

Les Opca devront désormais vérifier la qualité des formations qu’ils financent (les régions auront une mission équivalente pour les fonds de formation qu’elles gèrent). La réforme en cours leur donne cette nouvelle mission (article 11 de la loi). C’est, après la création du CPF (lire Entreprise & Carrières n° 1189) et la réforme des obligations de financement (lire Entreprise & Carrières n° 1195), le troisième point saillant de la révolution du paysage de la formation professionnelle. Michel Sapin, dépassé par les sénateurs qui voulaient imposer un agrément public « pour nettoyer le marché », a confié le dossier de la qualité aux Opca.

L’idée suscite des commentaires contradictoires : « Est-ce qu’on demande à la banque qui vous fait un prêt immobilier de se porter garante de la qualité des murs ou de la toiture de la maison qu’on envisage d’acheter ? », s’énerve un responsable d’Opca. « Ce n’est pas illégitime, vu la masse financière qui passe par les collecteurs : près de 50 % de l’effort des entreprises, relativise un consultant. Maintenant : comment faire ? » D’autres rétorquent que cette mission devrait être assurée par les services de contrôle de la Direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP), mais ils n’en ont pas les moyens. Certains souhaiteraient plutôt reporter cette mission auprès du FPSPP mais, pour de multiples raisons politiques et techniques, d’autres acteurs du système de la formation professionnelle ne veulent pas le voir monter en puissance et devenir un « superopca » au-dessus des Opca.

Manque de moyens humains

L’Inspection générale des affaires sociales mène actuellement un travail sur la réalité du contrôle qualité réalisé par les Opca. Le maillage du contrôle et de l’audit est variable selon les pratiques et les historiques et, globalement, les Opca pourraient contrôler davantage. Mais, comme l’affirme Yves Hinnekint, directeur d’Opcalia, « du fait du manque de moyens humains, et bien que nombre d’Opca pensent qu’une partie au moins de cette vérification est bien de leur responsabilité, ils ne se sentent pas en mesure de le faire ». Ces moyens humains dépendent étroitement des conventions d’objectifs et de moyens imposées par la DGEFP voilà deux ans.

Opérationnellement, que faire ? La simplicité de l’énoncé « vérifier la qualité des formations » bute sur des problèmes pédagogiques anciens, récurrents et irrésolus : définition de la qualité, faiblesse de la pratique de l’évaluation a posteriori, intensité du contrôle a priori des capacités d’un intervenant face à des stagiaires; pour tout dire, des serpents de mer, auxquels tant de gouvernements ont dit vouloir s’attaquer…

À chacun sa méthode

La majorité des Opca attend (pour septembre, semble-t-il) le décret d’application, qui s’annonce extrêmement complexe, et s’abstient de parler pour l’instant. Néanmoins, Opcalia, collecteur interprofessionnel interbranches du Medef, émet l’idée que tous les Opca pourraient gérer ensemble au moins une partie des problématiques qualité par l’intermédiaire d’un GIE inter-Opca, mettant en commun moyens et missions. Actalians, Opca des salariés des professions libérales, de l’hospitalisation et de l’enseignement privés, a décidé de pratiquer des évaluations a posteriori, en contexte professionnel, sur le modèle du développement professionnel continu imposé par le ministère de la Santé aux professionnels médicaux : un dispositif un peu lourd, mais efficace. Le Fongecif Ile-de-France s’engage, lui, dans une politique de « coût objectif de la formation », afin d’avoir des prix au plus juste de la prestation rendue, et permettant une analyse comparative…

D’autres acteurs veulent s’exprimer sur cette question. De grandes entreprises, comme Orange, qui ont mis sur pied des systèmes de sélection-labellisation de leurs fournisseurs formation, ont le souhait légitime que leurs procédures qualité n’entrent pas en conflit avec celles de leur Opca.

Les prestataires de formation ont également leur point de vue. Selon eux, il serait aberrant d’avoir autant de types de contrôle que d’Opca, c’est-à-dire 20 ! Et de plaider pour l’usage généralisé des certifications qualité existantes (ISO, OPQF, Afnor…), en attendant une norme généraliste, actuellement en construction. « Le résultat dépend surtout de l’apprenant, du responsable formation et du n + 1 dans l’avant et l’après-formation ! », affirment-ils.

Et si, pour éviter les conflits, on confiait cette mission à un organisme externe indépendant ?, se demande Entreprise & Personnel. Le débat n’est pas clos.

L’ESSENTIEL

1 La qualité de la formation sera désormais vérifiée par les Opca ; un choix qui ne fait pas l’unanimité.

2 Cette mission pose des problèmes d’organisation, en termes de moyens humains notamment, mais également de méthodologie.

3 Quelques Opca ont commencé à rechercher des solutions de gestion commune et des dispositifs d’évaluation. Une nouvelle norme ISO est par ailleurs en cours d’élaboration.

Auteur

  • Laurent Gérard