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Les règles d’entrée se sont assouplies

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 24.06.2014 | NICOLAS LAGRANGE

La parution, en mai 2011, d’une circulaire restreignant les possibilités de séjour et de travail des immigrés diplômés a été très décriée. Depuis, la réglementation a été beaucoup assouplie, même si des freins subsistent pour recruter des talents étrangers.

Au printemps 2011, un an avant l’élection présidentielle, le gouvernement souhaite réduire les flux d’immigration légale. Ne pouvant toucher aux salariés hautement qualifiés ou en mission intragroupe, aux chercheurs ou aux saisonniers, la circulaire Guéant-Bertrand du 31 mai 2011 impacte les étudiants étrangers. Elle renforce les critères à remplir et demande aux préfectures d’accorder au compte-gouttes les titres de séjour et les autorisations de travail. Le nombre de métiers en tension passe par ailleurs de 30 à 14 et, pour tous les emplois ne relevant pas de cette liste, les employeurs doivent faire paraître une offre auprès de Pôle emploi durant au moins deux mois (contre trois semaines auparavant) pour justifier le recours à des étrangers.

Des dommages pour l’attractivité

Vivement critiquée par la gauche, les syndicats étudiants et la conférence des présidents d’université, la circulaire est épinglée par le Medef et les groupements spécialisés dans la mobilité internationale (cercle Magellan, Cindex), qui alertent sur les dommages pour l’attractivité et la compétitivité. « Certains diplômés étrangers de HEC ou de Polytechnique avaient des promesses d’embauches, voire des CDI signés, ce qui ne les a pas empêchés de recevoir une obligation de quitter le territoire français (OQTF), relate Salah Kirane, du syndicat étudiant Unef. Même avec des salaires de 3 000 euros. » Résultat: les chiffres s’inversent, avec, à cette période, 80 % de permis de travail refusés au second semestre 2011 et les délais de réponse s’allongent, dépassant parfois six mois.

Déficit français de talents

Il faudra attendre janvier 2012 pour que le gouvernement, dans une nouvelle circulaire, appelle les préfectures à préserver « l’attractivité du système d’enseignement supérieur » et à faire preuve de « discernement » pour les étudiants en master et doctorat. L’étau se desserre un peu. En mai 2012, le gouvernement Ayrault abroge les deux circulaires précédentes, assouplit les règles dans un nouveau texte et exhorte à la bienveillance au nom de l’attractivité. Progressivement, le ratio d’acceptation des demandes redevient très largement majoritaire.

Aujourd’hui, tout n’est pas réglé. « On ne ressent pas une politique négative de la part des pouvoirs publics, assure Patrick Gidon, directeur mobilité internationale de Capgemini France, mais les documents demandés peuvent être variables d’une Direccte à l’autre, les interprétations divergentes et les délais encore longs, notamment en région parisienne et dans l’ouest, faute d’effectifs suffisants. À Nanterre, par exemple, les personnes chargées des permis de travail sont deux fois moins nombreuses qu’il y a vingt ans, alors qu’elles traitent quatre fois plus de demandes. » Une difficulté réelle pour le groupe, qui compte 3 000 titulaires d’une carte de séjour (15 % de l’effectif), pour faire face au déficit français de talents en informatique et en mathématiques et croître à l’international.

« Lorsque nous proposons un CDI à un stagiaire, il faut parfois attendre le titre de séjour durant quatre mois, ajoute Patrick Gidon. Un diplômé marocain que nous voulons envoyer sur un projet en Arabie saoudite a besoin de son titre pour partir, et doit parfois revenir dans l’Hexagone pour le renouveler. À cause des délais et des aléas, c’est très pénalisant pour les opérations. » Plusieurs groupes du CAC 40 sont allés jusqu’à proposer de payer un surcroît de taxe pour financer le recrutement de fonctionnaires dédiés.

Un manque de fonctionnaires

« Les délais de traitement dépendent beaucoup du nombre de fonctionnaires et de dossiers dans les préfectures et les Direccte, très hétérogènes sur tout le territoire, confirme Me Halimi, avocat spécialisé chez Héritier & Halimi. C’est avant tout un problème de moyens humains. Ce n’est pas l’arsenal législatif qui est en cause, la France comptant au contraire de nombreux dispositifs efficaces, qui la placent parmi les pays les plus attractifs. »

« Pour éviter aux diplômés étrangers un parcours du combattant, il faudrait généraliser les guichets d’accueil uniques universitaires, présents dans seulement 25 % des facs, affirme Salah Kirane. Des guichets qui gèrent les demandes de renouvellement des titres de séjour et ne nécessitent pas de démarches longues et répétées en préfecture. Mais le plus gros obstacle est financier, malgré de faibles droits d’inscription en France, puisqu’un diplômé étranger doit justifier de 7 000 euros sur un compte ou d’un garant sur dossier justificatif s’il veut obtenir son titre de séjour, selon un décret de septembre 2011. »

Délais incompressibles

L’Unef attend beaucoup du projet de loi en préparation. Le texte pourrait simplifier et réduire le nombre de statuts applicables aux talents étrangers et généraliser la délivrance automatique de titres de séjour pluriannuels à partir de la licence. Un bon moyen d’éviter les fastidieuses démarches de renouvellement annuel.

« S’il est souhaitable que le système soit simplifié et que la réglementation se stabilise, relève Me Halimi, l’immigration économique restera toujours un sujet compliqué à gérer. Quel­ques entreprises aimeraient pouvoir recruter des diplômés étrangers très rapidement, mais il y a des délais incompressibles. Surtout lorsque les postes proposés ne font pas partie de la liste des métiers en tension: la situation du marché du travail français est alors opposable, ce qui impose de justifier très précisément du besoin. »

D’aucuns espèrent que l’attribution de titres de séjour et de permis de travail, plus délicate à traiter en période de crise et toujours sensible politiquement, ne pâtira pas de la victoire du FN lors du scrutin européen.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE