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CONDITIONS DE TRAVAIL Mars, une planète sociale à part

Pratiques | publié le : 24.06.2014 | CHRISTIAN ROBISCHON

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CONDITIONS DE TRAVAIL Mars, une planète sociale à part

Crédit photo CHRISTIAN ROBISCHON

L’entreprise de produits alimentaires Mars multiplie les mesures salariales, de dialogue social et de prise en compte de la vie personnelle. Elles se veulent généreuses en contrepartie de l’implication des salariés. Ce paternalisme revisité semble recueillir l’assentiment des collaborateurs, selon un récent baromètre Great place to work.

Pas “salarié” mais “associé”, pas de bureau privatif pour le patron, tutoiement de rigueur, principes d’entreprise affichés un peu partout : bienvenue dans l’univers Mars. Le groupe américain de produits alimentaires a bâti un modèle social atypique, que ses sites français (4 700 salariés) ont déployé en l’adaptant et en lui ajoutant leurs propres initiatives.

Ce modèle a ses critiques, qui le jugent doctrinal. Du côté de ceux qui le vivent, l’acceptation l’emporte. Celle-ci peut se lire depuis quelques années notamment dans les résultats de Mars France aux palmarès successifs Great place to work. La dernière enquête 2014 portant sur les résultats 2013 a suscité un taux de participation très satisfaisant de 65 %. Et les répondants ont réservé un plébiscite à leur employeur, avec des scores supérieurs à 90 % (lire l’encadré). Autre indicateur, le turnover demeure inférieur à 5 %.

Un open space de 300 collaborateurs

Le “modèle”, c’est d’abord une image : celle d’un immense open space. Dans cet environnement souvent décrié, environ 300 collaborateurs commerciaux et administratifs travaillent au siège de la division chocolat à Haguenau (Bas-Rhin). L’agencement est le même dans les autres unités. « De notre point de vue, mieux vaut dialoguer de vive voix avec ses collègues que passer sa journée confiné dans un bureau, avec l’e-mail comme seul mode d’échange. Nous proposons l’antithèse à l’isolement au travail, qui nous semble un facteur de risque psychosocial bien plus grand », expose Nicolas Perette, DRH de Mars Chocolat France. De fait, les “associés”, installés dans des petits îlots circulaires de 10 à 15 personnes, ne donnent pas le sentiment de vivre entassés. Pour surmonter le risque de bruit excessif, l’installation de dalles isolantes phoniques et de moquette au sol atténue le volume sonore… ce qui incite chacun à parler moins fort. « Près de 20 salles de réunions sur le site d’Haguenau permettent des rassemblements; s’y ajoute une grande cafétéria conviviale », ajoute le DRH.

“Ça se discute”

Au centre de l’open space, on aperçoit huit sièges en demi-cercle : c’est le “bureau” du comité de direction, un espace lui aussi ouvert. L’accès au top management s’en trouve facilité, d’autant plus que les lignes hiérarchiques se limitent à quatre en France. Cet accès prend également la forme de rendez-vous réguliers : le “point 10 minutes” mensuel dans la division petcare des aliments pour animaux domestiques, le “ça se discute” dans la division chocolat à Haguenau. Toutes les six semaines, la direction du site alsacien invite l’ensemble du personnel à cette réunion d’une demi-heure voulue sans tabous: « Il n’y a aucun filtre préalable, assure Thierry Gaillard, Pdg de Mars Chocolat France. Hormis celles qui se rapportent à des cas individuels, toutes les questions sont acceptées, y compris sur les finances. » Le “ça se discute” suit d’ailleurs souvent la communication de résultats. « La totalité ou presque des présents répondent positivement à l’invitation. Le rendez-vous est très attendu. À ses débuts, les associés recouraient à la boîte à questions écrites. Désormais, ils interrogent en direct, par oral », salue Nicolas Perette. « CE et CHSCT remplissent tout leur rôle, et nous accordons une très grande importance au dialogue social. Si une question posée en “ça se discute” relève des prérogatives des IRP, nous la renvoyons d’abord à elles », précise-t-il.

Unique syndicat représentatif à Haguenau, la CFTC ne s’estime pas court-circuitée. Mais, dans ces réunions, la « liberté est toute relative »… du fait de l’autoinhibition des salariés, tempère Henri Chabot, secrétaire du CE: « La transparence sur les résultats est à saluer, mais les salariés zappent d’eux-mêmes les questions sensibles sur la rémunération ou les conditions de travail. Les réunions restent courtes, et la direction sait user des richesses de la langue française pour ne pas vraiment répondre quand ça l’arrange. »

Implication, polyvalence, expertise

Si le salarié se nomme “associé” chez Mars, cela ne signifie pas qu’il détient une part du capital, celui-ci restant à 100 % entre les mains de la famille fondatrice, mais qu’il est associé au destin de l’entreprise, selon la logique de l’implication personnelle et du respect des codes internes. Et ce en contrepartie de mesures, voulues généreuses, de rémunération et de prise en compte des considérations personnelles, qui s’apparentent à un paternalisme revisité. Primes diverses, participation et intéressement représentant en général 25 % du revenu, budget formation à plus de 3 % de la masse salariale, construction d’un plan de développement individuel, volontariat rémunéré dans des organisations caritatives, réservation de places en crèches interentreprises : ces diverses actions, pour parties issues d’initiatives syndicales, se conjuguent à un salaire versé… toutes les semaines, afin d’aider les “associés” à faire face aux dépenses récurrentes qui n’attendent pas la fin du mois (lire Entreprise & Carrières n° 1194). « Les salaires sont supérieurs à la moyenne de la branche, mais il faut tout comparer : chez Mars, on en demande aussi plus qu’ailleurs en termes d’implication, de polyvalence, d’expertise », souligne Henri Chabot.

Dernière mesure en date: Mars vient de mettre en place le don de journées de congé de solidarité à un collègue dont l’enfant ou le parent est malade, dans la foulée de la loi Germain.

Les salariés plébiscitent leur entreprise

Mars s’est classé deuxième du palmarès Great place to work 2014 en France. L’enquête de satisfaction a concerné un peu moins de la moitié de l’effectif français, soit 2 200 personnes, dont 4 des 8 usines de production.

Sur les 65 % de répondants, 94 % ont qualifié Mars France d’entreprise « où il fait bon travailler ». Même score pour le sentiment d’équité par rapport à l’âge, au sexe, aux orientations sexuelles, à l’origine ethnique et à la religion, ainsi que pour la place faite aux initiatives personnelles. 93 % jugent l’ambiance conviviale, 91 % estiment l’encadrement accessible et ouvert au dialogue.

Parmi les 59 questions, la direction relève deux items qui recueillent moins de suffrages (environ 70 % tout de même !) : la communication interne sur l’organisation de l’entreprise et les parcours professionnels, et le rythme de travail, facteur potentiel de RPS. Les chantiers d’amélioration sont lancés, indique-t-elle. Début 2014, la CFTC a obtenu, dans la division chocolat, le passage du 4 x 8 à un 5 x 8 moins pénible, assorti d’une majoration salariale le dimanche et d’un volontariat pour les équipes de la nuit du samedi et du dimanche matin.

L’ESSENTIEL

1 De vastes open spaces et des réunions “sans tabous” pour tous les salariés expriment la volonté de transparence et d’ouverture de l’entreprise.

2 Places en crèches, prise en compte du temps passé dans les associations, etc. visent à maintenir un équilibre vie privée-vie professionnelle.

3 Sur le site alsacien de Haguenau, l’unique syndicat ne s’estime pas court-circuité par ce dialogue social atypique.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON