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LES RÉFORMES DU GOUVERNEMENT DÉÇOIVENT LES DRH

Enquête | publié le : 24.06.2014 |

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Avec le relèvement du forfait social de 8 % à 20 %, prévoyez-vous de :

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Hausse du forfait social, contrat de génération, loi de sécurisation de l’emploi, suppression de l’obligation de financer le plan de formation, compte pénibilité, pacte de responsabilité : depuis deux ans, le gouvernement a pris des décisions intéressant directement les DRH. Qu’en pensent-ils ? Moins de bien que ce qu’espéraient sans doute les initiateurs de ces mesures.

HAUSSE DU FORFAIT SOCIAL : ÇA PASSE

Une des premières décisions du gouvernement en août 2012 a été de relever le forfait social appliqué à la participation et à l’intéressement de 8 % à 20 %, afin de renflouer les caisses de la Sécurité sociale. Cette hausse allait-elle contraindre les entreprises à revoir leurs accords à la baisse, comme le craignaient ses détracteurs ? Ou les entreprises allaient-elles l’absorber ? Réponse : elles vont maintenir leur effort : 37 % des DRH interrogés dans le cadre de notre baromètre prévoient de conserver leurs accords actuels, tandis que 19 % déclarent qu’ils vont diminuer le montant des abondements, de l’intéressement ou de la participation dérogatoire. En 2013, ils étaient presque aussi nombreux à envisager de réduire l’effort de l’entreprise (26 %) qu’à prévoir de le maintenir (24 %). « Les entreprises se sont aperçues que l’épargne salariale restait, malgré la hausse du forfait social, plus compétitive que les augmentations de salaires », explique Luc Vidal, directeur général d’Inergie. « Pour une direction, il est risqué de réduire les rémunérations ou les avantages sociaux lorsque les prélèvements augmentent, analyse Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH de Solvay. Car les salariés pourraient demander une redistribution en leur faveur lorsque les prélèvements baissent : il ne faudrait pas que cela arrive avec le pacte de responsabilité. » Reste que 41 % de DRH ne savent pas encore comment réagir face à cette hausse. Sans doute attendent-ils que leurs accords d’épargne salariale expirent.

LE CONTRAT DE GÉNÉRATION N’INTÉRESSE PAS

Le contrat de génération, créé en mars 2013, avait pour objectifs d’inciter les entreprises à embaucher des jeunes, de maintenir les seniors dans l’emploi et de favoriser la transmission des savoirs des seconds vers les premiers. Pour ce faire, les entreprises employant moins de 300 salariés bénéficient d’une aide financière de l’État. Les autres doivent être couvertes par un accord collectif comprenant des engagements chiffrés d’embauche et de maintien dans l’emploi. La plupart (63 %) des entreprises interrogées dans le cadre de notre baromètre relèvent de la seconde situation.

Seuls 20 % des DRH déclarent que le contrat de génération les incite à garder des seniors. La perception est à peine meilleure (22 %) dans les entreprises de moins de 300 salariés, pourtant éligibles aux aides de l’État. Ils sont un peu plus nombreux (34 %) à estimer que l’objectif de transmission des savoir-faire est atteint. Seuls 21 % considéraient en 2013 que le contrat de génération favorisait l’embauche de jeunes. Du point de vue des DRH, la loi a manqué ses trois objectifs. Pire, elle a contribué à sortir les seniors de leur agenda (lire l’encadré p. 27).

« C’est une loi qui part d’un bon principe, commente Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH. Son principal apport est de lier les jeunes et les seniors et cela a été bien perçu. L’idée est qu’un senior, au crépuscule de sa vie professionnelle va transmettre son savoir à un apprenti. Mais c’est un peu une image d’Épinal qui ne correspond pas toujours à la réalité d’aujourd’hui. Maintenant, c’est l’entreprise entière, ce sont les équipes qui transmettent leur savoir aux arrivants. »

Hubert Landier, expert en relations sociales et vice-président de l’Institut international d’audit social (IAS), remarque que « le contrat de génération suppose de pouvoir mettre un senior en face d’un jeune, ce que ne peuvent pas faire certaines entreprises ». Pour lui, le contrat de génération est un « schéma théorique ». Le gouvernement espère que 500 000 seront signés d’ici à 2017 dans les entreprises de moins de 300 salariés. Pôle emploi en comptait 23 000 fin mars 2014.

AVIS PARTAGÉS SUR LES INCIDENCES DE LA FIN DU 0,9 % FORMATION

Afin d’« optimiser le financement de la formation professionnelle au profit des publics fragiles et de la compétitivité des entreprises », la loi sur la formation professionnelle de mars 2014 supprime l’obligation légale de dédier 0,9 % de la masse salariale au plan de formation. Cette réforme n’est pas anodine pour des DRH pour lesquels la formation est l’un des principaux leviers d’action : l’obligation légale leur garantissait ce budget. Dès lors, la fin de la 24-83 va-t-elle avoir une incidence sur leur capacité à maintenir la politique de formation de leur entreprise ?

Le Medef et la CGT se rejoignent pour dire que l’effort de formation des entreprises va globalement baisser (lire Entreprise & Carrières n° 1195 du 3 juin 2014). Le Medef estime cependant que cette baisse ne devrait durer que deux ou trois ans, puisque les entreprises investiront de nouveau dans la formation. Les DRH interrogés dans le cadre de notre baromètre sont moins affirmatifs que les deux confédérations. Ils sont même très partagés.

Un peu moins de un sur trois (28 %) pense que la fin de l’obligation légale aura sans doute une incidence (à la baisse) sur leur politique de formation; 35 % en sont même certains dans les PME de moins de 500 salariés. A contrario, 30 % ne prévoient aucune incidence, et 42 % pensent que cela n’aura « pas vraiment » de conséquences.

« La bonne nouvelle est que 72 % des DRH pensent que le fin du 0,9 % n’aura pas vraiment d’impact sur leur politique de formation, analyse Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH de Solvay. Mais je crains que bien des PME ne parviennent pas à maintenir leur effort dans ce domaine. »

LA LOI DE SÉCURISATION DE L’EMPLOI NE SÉDUIT PAS

Votée en juin 2013, la loi de sécurisation de l’emploi introduit plusieurs innovations susceptibles de répondre aux besoins de flexibilité des entreprises. La mise en place des PSE est simplifiée et les délais cadrés ; une baisse temporaire des salaires peut être imposée par accord collectif de maintien de l’emploi ; la mobilité interne peut aussi être imposée par accord. En contre-partie, le législateur prévoit notamment de généraliser les complémentaires santé et crée une portabilité des garanties santé et prévoyance pour les anciens salariés.

Interrogés un an après l’adoption de la loi, les DRH sont minoritaires (28 %) à penser que celle-ci a simplifié la mise en œuvre des PSE. Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH de Solvay, explique ce résultat par le fait que peu de DRH ont été confrontés effectivement à un PSE (9 % de l’échantillon). « Mais ils se sont aussi rendu compte qu’il était souvent plus difficile de négocier et d’obtenir une signature syndicale sur un PSE et de le faire homologuer par l’administration que de passer par l’information-consultation », estime-t-il.

La mobilité interne négociée et les accords de maintien dans l’emploi n’obtiennent pas non plus un grand succès : respectivement 23 % et 17 % des DRH déclarent que ces deux dispositions favorisent la mobilité et permettent de maintenir des emplois. Il est vrai que les accords de maintien dans l’emploi se comptent sur les doigts d’une main (lire Entreprise & Carrières n° 1196 du 10 juin 2014).

« Aux yeux des DRH, la loi de sécurisation apparaît maintenant comme compliquée et ne changeant finalement pas beaucoup les choses », constate Hubert Landier, expert en relations sociales et vice-président de l’Institut international d’audit social (IAS). Les DRH ne sont plus que 19 % à estimer que la loi flexibilise l’emploi et 23 % à trouver qu’elle sécurise le parcours professionnel des salariés. L’année dernière, au moment de l’adoption de la loi, 54 % pensaient qu’elle allait créer de la flexibilité et 44 % de la sécurité. Un an après, la loi de sécurisation suscite donc une déception, d’autant plus grande que les DRH avaient fondé quelques espoirs.

LE PACTE DE RESPONSABILITÉ NE CRÉERA PAS D’EMPLOIS

Le volet relatif aux baisses de charges patronales du pacte de responsabilité se précise. Le projet de loi de finances rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 a été présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2014. Il prévoit notamment une réduction de 1,8 point (de 5,25 % à 3,45 %) des cotisations familiales sur les salaires jusqu’à 1,6 smic à compter du 1er janvier 2015, pour un coût de 4,5 milliards d’euros.

Les DRH ne connaissaient pas ces détails lorsque nous les avons interrogés sur les effets des baisses de charges prévues par le pacte de responsabilité. Ils ont donc répondu sur le principe. Ils estiment en majorité (37 %) que des réductions ne produiront « aucun changement significatif » dans leur entreprise. Les répondants de notre baromètre, dont les deux tiers siègent au comité exécutif de leur entreprise, déclarent que les économies seront réinjectées dans l’investissement (25 %) et dans une politique de rémunération plus attractive (25 %). Seuls 16 % estiment que les baisses de charges vont leur permettre de créer des emplois. Et une petite minorité (7 %) déclarent qu’ils en profiteront pour baisser les prix de leurs produits.

Effet ultérieur sur l’emploi

Les arbitrages anticipés par les DRH ne sont pas de bon augure pour le gouvernement, qui espère que le pacte créera 200 000 emplois. Néanmoins, Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH de Solvay, estime que « l’affectation des économies à l’investissement, à une politique de rémunération attractive et à l’augmentation des marges a bien souvent un effet ultérieur sur l’emploi ».

Hubert Landier, expert en relations sociales et vice-président de l’Institut international d’audit social (IAS), pense plutôt qu’il y a un problème de confiance : « L’annonce des baisses de charges a été faite en janvier, nous sommes au mois de juin et les DRH ne voient toujours rien de concret, cela crée de l’incertitude. » Rares sont les branches qui ont démarré la négociation des contreparties aux baisses de charges.

INDISPENSABLE RUPTURE CONVENTIONNELLE

Créées en 2008, les ruptures conventionnelles sont devenues un outil indispensable pour les DRH, puisque 81 % de ceux que nous avons interrogés y ont recours.

La hausse des prélèvements sur les indemnités de rupture en 2013, l’allongement, cette année, de la durée de carence pour percevoir l’allocation chômage et le durcissement des conditions de la transaction par la Cour de cassation au mois de mars n’ont, pour le moment, pas entamé la « popularité » de ce mode de rupture du contrat.

Selon les DRH, cette rupture est à l’initiative des entreprises dans 13 % des cas, du salarié dans 38 % des situations et des deux parties dans la moitié des cas.

Le compte pénibilité : une forte opposition

Syndicats patronaux et DRH ne veulent pas du compte pénibilité. Créé par la loi sur les retraites de janvier 2014, le compte personnel de prévention de la pénibilité doit normalement recevoir ses décrets cet été pour une mise en œuvre le 1er janvier 2015. Attendu par les syndicats, le dispositif suscite une vive opposition des organisations patronales, qui le jugent trop complexe. Elles sont rejointes par les DRH interrogés dans le cadre de ce baromètre. Ces derniers sont majoritairement défavorables (64 %) au compte pénibilité. Interrogés en mars et en avril, avant que Michel de Virville ne remette ses préconisations en vue de la rédaction des décrets, ils étaient encore plus nombreux (69 %) à déclarer qu’ils n’étaient pas prêts à le mettre en place.

Égalité professionnelle : les entreprises sont en règle

L’égalité professionnelle a fait l’objet de nombreuses réformes. La dernière en date, décidée par l’actuelle majorité en octobre 2012, impose aux entreprises de déposer leurs plans d’action sur l’égalité professionnelle dans les Direccte. L’addition de ces réformes a fini par produire des effets, puisque 86 % des entreprises de notre panel soumises à des obligations sur l’égalité professionnelle sont aujourd’hui couvertes par un accord ou par un plan d’action, contre 74 % lors du baromètre de 2012. En outre, 64 % ont rédigé un rapport de situation comparée. Les domaines sur lesquels les entreprises ont travaillé sont d’abord l’équité salariale, puis le recrutement, l’équilibre des temps, la mixité des métiers, la féminisation de l’encadrement et la lutte contre les stéréotypes.