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Enquête

LE BUSINESS ET LES MANAGERS D’ABORD

Enquête | publié le : 24.06.2014 | E. F.

Les DRH identifient parmi leurs principaux enjeux de faire progresser les managers et de faire gagner de l’argent à leur entreprise.

Dans le top 5 des enjeux que les DRH identifient pour leurs équipes et eux-mêmes, deux sont centrés sur les managers, deux concernent des aspects économiques et un seul relève de la gestion des RH. Selon notre baromètre Défis RH, les deux premières missions que s’assignent les DRH sont de développer les compétences des managers (48 %) – cette question, posée pour la première fois cette année, a influencé la réponse à la question suivante – et de les accompagner dans leur mission RH (39 %).

Leurs deux missions suivantes sont d’accompagner les réorganisations (34 %) et de maîtriser les coûts (34 %). Ensuite seulement, ils se fixent pour objectif de développer le savoir-faire des salariés (32 %). « Les DRH se recentrent sur les managers et le business », constate Luc Vidal, directeur général d’Inergie.

Adapter les managers

D’une étude à l’autre, l’évolution est frappante. En 2012 (étude 2012 ANDRH-Inergie pour Liaisons Sociales magazine sur les formations RH), deux enjeux relevant à proprement parler de la gestion générale des RH figuraient dans le top 5 (développer le savoir-faire des salariés, attirer de nouveaux collaborateurs), deux concernaient les managers et un seul le business.

S’agit-il de tendances réelles ? François Eyssette, conseil aux dirigeants et ex-DRH de Bic, le croit et pense même que cela va dans le sens de la révolution qu’il prône dans son ouvrage Comment la DRH fait sa révolution (Eyrolles, 2014) : « Les managers sont le point clé, explique-t-il. Dans les nouveaux modèles d’organisation, ceux des managers dont la seule fonction est de faire la courroie de transmission entre la direction et le terrain vont disparaître. Le travail s’organise maintenant de manière moins verticale et davantage en projets transversaux. Or les managers n’ont pas été poussés à s’adapter aux évolutions, notamment technologiques et sociétales, qui leur permettraient d’être davantage en phase avec la nouvelle organisation du travail. Il n’est qu’à voir leurs difficultés à accepter le télétravail de leurs collaborateurs. Le rôle des DRH est donc d’adapter les managers. »

Mais Bernard Galambaud, professeur émérite à l’ESCP Europe et coordinateur du récent Réinventer le management des RH (édition Liaisons, avril 2014), n’est pas de cet avis. D’abord, « il n’est pas certain que l’image d’une fonction RH au service des managers corresponde à la réalité, explique-t-il. Les DRH peuvent, dans un tel exercice, reprendre largement à leur compte le discours dominant. » Ensuite, quand bien même ce recentrage vers les managers serait réel, il y voit un « piège » pour la fonction RH. « Cela laisse supposer que la fonction RH ne crée pas de valeur par elle-même, mais uniquement par l’intermédiaire des managers qui font le business, et au service de qui se met le DRH, explique-t-il. Or il y a des missions que les DRH exercent au nom de la direction générale. Ce sont notamment les fonctions régaliennes. Mais ce type de missions est rarement mis en avant. »

La difficulté des DRH est qu’ils créent de la valeur mais ne peuvent pas le démontrer comptablement. « Les DRH semblent en la matière relativement complexés, parce qu’ils ne peuvent mettre en avant un chiffre d’affaires ou une performance aussi explicite. Mais sont-ils les seuls ? Les communicants le peuvent-ils ? En vérité, ce qui compte pour une fonction, c’est la promesse qu’elle peut formuler et la croyance que cette promesse suscite », explique Bernard Galambaud.

Une implication dans les enjeux économiques

L’orientation de la fonction RH vers des enjeux économiques ne fait en revanche pas débat entre les deux spécialistes. « Cela nous dit des choses sur la dureté des temps et aussi sur l’abandon, peut-être provisoire, de certains enjeux », déclare avec un certain regret Bernard Galambaud.

Pour François Eyssette, cette évolution est « normale », les DRH ne faisant que rattraper leur retard en la matière : « Pendant longtemps, la fonction RH a vécu en vase clos. Elle a développé des thèmes qui lui étaient chers sans trop se préoccuper du business : le social dans les années 1970, les process dans les années 1980, les talents dans les années 1990, la croissance dans les années 2000 et la crise à partir de 2008. Mais, avant même cette crise, les Pdg étaient demandeurs d’implication des DRH dans les enjeux économiques. Les DRH sociaux sont aujourd’hui en décalage avec les besoins. »

Mesurées à partir de 2011 dans notre baromètre, les contraintes économiques se sont en tout cas rapidement imposées comme la première incitation à agir pour les DRH, devant les risques liés à la perte des talents, les risques juridiques et les contraintes légales, loin devant les risques de conflits sociaux. Selon François Eyssette, c’est précisément parce qu’elles pensent « business » que les directions générales des entreprises du CAC 40 font maintenant appel à des DRH issus de l’opérationnel. Sur les 40 DRH de ces entreprises, 15 viennent des opérations, calcule-t-il. Leur recrutement s’explique par le fait que « les présidents trouvent que les DRH ne sont pas assez orientés business ».

Auteur

  • E. F.