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COMMENT LE RENDRE PLUS EFFICACE

Enquête | publié le : 17.06.2014 | ÉLODIE SARFATI

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COMMENT LE RENDRE PLUS EFFICACE

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Les plans sociaux, parfois massifs, se succèdent dans une économie atone. Quelles mesures privilégier pour favoriser le retour à l’emploi ? Comment renforcer l’efficacité de l’accompagnement ? Quelques pistes à explorer.

Deux mille huit cents personnes à reclasser pour le transporteur Mory Ducros, 900 pour les abattoirs Gad, 700 pour Michelin à Joué-lès-Tours, 1 200 pour le Crédit immobilier de France… si le nombre de PSE ne dérape pas – on en dénombre toujours un petit millier par an – les chiffres mettent en lumière l’enjeu crucial du reclassement, interne autant qu’externe.

Or, celui-ci ne s’avère pas toujours probant. Globalement, 50 % à 60 % des licenciés économiques sont reclassés à l’issue de leur accompagnement. Et, « dans la situation économique actuelle, les taux de reclassement se contractent ou se diluent sur de l’emploi précaire », relève Estelle Sauvat, directrice générale de Sodie. Plus d’un an après leur licenciement, guère plus de 40 % des ex-salariés de Doux avaient trouvé une “solution” d’emploi ou de formation. À Dexia, sur la centaine de salariés touchés par un licenciement économique contraint lors du premier PSE de mars 2013 (sur 323 suppressions d’emploi), la moitié est toujours en recherche d’emploi.

Des mesures adaptées aux besoins réels

L’efficacité du reclassement externe se joue en partie dès l’élaboration du PSE. D’après les DRH, les formations de reconversion et les antennes emploi sont les dispositifs les plus performants (lire p. 22). Néanmoins, le cocktail de mesures retenues n’a de sens que s’il correspond aux besoins réels, prévient Estelle Sauvat : « Par exemple, une prime de reclassement rapide peut inciter à prendre n’importe quel emploi au lieu de réfléchir à des projets de reconversion certes plus longs, mais aussi plus adaptés pour retrouver un emploi durable sur un bassin d’emploi donné. » C’est pourquoi, pour la consultante, les diagnostics préalables qu’elle voit émerger sur l’employabilité des salariés et l’économie des territoires sont « d’absolues nécessités » pour identifier les outils les plus adéquats. C’est ainsi que les formations longues se sont avérées indispensables pour les ex-salariés de Gad. Quatre mois après leur entrée en CSP, sur les 200 salariés qui ont trouvé une solution de reclassement, une bonne moitié est en reconversion dans les secteurs médico-social, transport-logistique, métallurgie, restauration…, précise Claudie Mignard, secrétaire adjointe de l’UD CFDT du Finistère : « Il y a eu au préalable un travail de repérage des métiers en tension sur le territoire et des stages de découverte qui leur ont permis de se positionner sur ces formations, qualifiantes ou diplômantes, avec des promesses d’embauche à la clé ; 845 000 euros ont été dépensés, au-delà des objectifs initiaux. »

Les primes d’incitation à la mobilité géographique négociées dans le PSE, en revanche, n’ont pas eu de succès auprès d’une population peu mobile. Pour le laboratoire pharmaceutique GSK, les partenaires sociaux ont prévu, dans l’accord de PSE validé fin avril, que les budgets affectés à certaines mesures qui n’auraient pas été consommés pourront servir à en renforcer d’autres, comme l’allongement du congé de reclassement.

Une mobilité externe sécurisée

La loi de sécurisation de l’emploi a en outre donné de nouveaux leviers aux partenaires sociaux, comme la possibilité d’anticiper le reclassement des salariés en utilisant la période de mobilité externe sécurisée. Au Crédit immobilier de France, cette formule n’a pas été vaine (lire p. 24). Tout comme à Texas Instruments, où un groupe de travail s’est par ailleurs fortement investi dans la réindustrialisation du site, permettant un certain nombre de reclassements (lire p. 25). Une façon d’articuler revitalisation et reclassement que défend Catherine de Trogoff, directrice des relations institutionnelles et des partenariats à BPI Group : « Si le congé de reclassement est suffisamment long, cela permet de soutenir des projets d’entreprise créateurs d’emploi à court terme et d’organiser les passerelles pour amener les salariés vers ces nouveaux postes. » Chez PSA, l’accord d’accompagnement du PSE prévoyait un congé de réindustrialisation de dix-huit mois maximum pour « gérer le décalage entre la fin de la période de volontariat et la disponibilité effective de l’emploi » proposé par les entreprises incitées à s’installer sur les sites. Soit six mois de plus que le congé de reclassement.

Mais les mesures du PSE ne font pas tout, et l’ingénierie de l’accompagnement doit aussi être prise en compte. Michel Ghetti, président du cabinet F/I/E, met en garde contre une « trop grande industrialisation de l’accompagnement », responsable selon lui des « faibles résultats des cellules de reclassement, où l’on voit parfois 60 personnes prises en charge par consultant. Sur un marché de l’emploi déprimé, il faut du cousu main ». Sur son site de Joué-lès-Tours, Michelin cherche à reconduire une méthode d’accompagnement renforcée, les “ateliers de transition professionnelle” (lire p. 24). En Bretagne, une méthodologie alternative de recherche d’emploi a été proposée à une quarantaine d’anciennes salariées de Doux (lire l’interview p. 27).

Forums, ateliers et bourses de l’emploi

Des initiatives complémentaires peuvent aussi faire la différence. À Rennes, PSA a enregistré, entre mars et décembre 2013, 600 reclassements externes, évitant ainsi tout licenciement contraint. Un résultat qui s’explique en partie, selon Pierre Contesse, délégué syndical FO, par les nombreux forums organisés sur le site : « Comme les postes proposés étaient affichés avant, les salariés s’y rendaient avec un but précis. Les ateliers – français, rédaction de CV… – ouverts à tous les salariés sur le temps de travail ont également bien marché. » Des DRH tentent aussi de mobiliser leurs réseaux, en nouant des partenariats avec des entreprises qui recrutent. C’est le cas à TUI (lire p. 23). Pour les ex-salariés et les sous-traitants de Mory Ducros, ce sont les acteurs de la branche qui se sont mobilisés en créant une bourse à l’emploi en ligne, T-Clic Emploi.

Pour autant, l’implication des partenaires sociaux dans le suivi du reclassement des salariés licenciés est à géométrie variable, constate Estelle Sauvat : « La présence des représentants du personnel est importante pour nous permettre de garder le lien avec certains salariés. Quant aux directions, elles sont, dans certains cas, focalisées sur la relance de l’outil industriel et veulent rapidement oublier le PSE. Dans d’autres, les DRH suivent de près le reclassement des salariés. »

Quoi qu’il en soit, la loi de sécurisation de l’emploi enjoint désormais aux entreprises de fournir à la Direccte le bilan des reclassements externes au moyen d’une “fiche signalétique”. Une façon pour l’administration de mieux évaluer l’utilité des dispositifs mobilisés, explique Pierre Ramain, sous-directeur des mutations de l’emploi à la DGEFP, et de « faire passer le message qu’il ne faut pas seulement s’intéresser au PSE au moment de sa construction, mais aussi s’investir dans la durée, lors de la mise en œuvre concrète des mesures ».

Pour les salariés licenciés de Gad, la commission de suivi est active et a permis de débloquer plusieurs situations : « Nous avons vu qu’il fallait que Gad finance les frais de garde des enfants pour permettre aux salariées de suivre les formations aux savoirs de base, raconte Claudie Mignard. Et nous allons travailler sur la reconnaissance de certaines personnes en travailleurs handicapés afin de leur proposer un accompagnement mieux adapté, car nous nous sommes aperçus que leurs difficultés relevaient davantage d’un accompagnement social ou psychologique. C’est à la marge, mais nous devons être attentifs à ce que personne ne soit laissé pour compte. »

L’ESSENTIEL

1 Environ 50 % à 60 % des salariés licenciés pour motif économique retrouvent un emploi à l’issue de leur accompagnement.

2 De plus en plus d’entreprises misent sur l’allongement de la durée du congé de reclassement ou sur des mesures d’anticipation pour favoriser le retour à l’emploi.

3 Pour offrir davantage de perspectives, des DRH mobilisent leur réseau et créent des partenariats avec d’autres entreprises qui recrutent.

Juridique : l’efficacité des mesures sous l’œil des juges

Depuis la loi de sécurisation de l’emploi, ce ne sont plus les juges qui apprécient l’effort consenti, mais, en l’absence d’accord majoritaire, la Direccte. Une sécurisation juridique qui a ses limites : en février, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l’homologation du PSE de la société ODCF en raison, notamment, du « caractère insuffisamment incitatif des mesures prévues » et également parce que la somme prévue au plan « n’a pas été dépensée en temps utile pour faire preuve de l’efficacité requise ».

De fait, remarque Johann Sultan, avocat chez Poulain & Associés, « on a glissé d’une obligation de moyens à une quasi-obligation de résultats. Les conseillers prud’homaux ne regardent plus seulement le niveau des mesures, mais recherchent de plus en plus leur effet utile. Au moment de l’audience, la synthèse des situations des salariés licenciés (pourcentage de salariés reclassés, en formation, toujours inscrits à Pôle emploi, en création d’entreprise…) est une pièce toujours très étudiée ».

En février dernier, la Cour de cassation a également annulé des licenciements économiques dans une entreprise de la métallurgie, au motif qu’elle n’avait pas saisi la commission territoriale de l’emploi, pour rechercher les possibilités d’emploi offertes par d’autres employeurs du secteur, comme un accord de branche de 1987 le prévoyait. Une obligation inscrite dans d’autres conventions de branches, comme celle du textile ou des sociétés d’informatique, d’études et de conseil.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI